L'évaluation environnementale, "un exercice encore mal pratiqué"

L'évaluation environnementale, "un exercice encore mal pratiqué"

04.04.2018

Environnement

Pour nombre de porteurs de projets, l'évaluation environnementale est une démarche obligatoire lorsque tout est déjà planifié, et elle est peu mise à profit, déplore l'Autorité environnementale. Ce moment est souvent perçu comme une corvée, réalisée �� la fin de l'élaboration du projet. Fréquemment, l'évaluation des conséquences d'un projet sur l'environnement est trop réduite dans le temps et dans l'espace.

En 2017, l'Autorité environnementale (Ae) et ses missions régionales (MRAe) ont rendu 964 avis et 2 271 décisions. Dans les premiers, elles se prononcent sur une demande d'autorisation, en prenant en compte la qualité des évaluations environnementales, alors que lors des secondes, elles sont saisies par le maître d'ouvrage d'un projet pour décider si une étude d'impact est nécessaire ou non. L'analyse de cette multitude de dossiers, dont une synthèse vient d'être publiée, permet de repérer leurs faiblesses.

Évaluation environnementale "mal pratiquée"

La démarche d'évaluation environnementale reste "un exercice encore mal pratiqué ou accepté par une majorité de porteurs de projets", remarquent Ae et MRAe. Elle n’est pas systématiquement utilisée comme un outil d’aide à la décision mais est la plupart du temps perçue comme une obligation procédurale, produite à l'issue de la finalisation du plan/programme. Certaines MRAe notent des progrès, d'autres soulignent que l'écart entre les bons et les mauvais élèves se creuse. 

Parmi les insuffisances récurrentes : des projections de développement trop "volontaristes", en matière de démographie notamment. Autre faiblesse : "l'absence assez systématique" de scénarios ou de variantes, qui constituent pourtant "la base d'une démarche itérative". Aussi, les principes généraux de la démarche dite ERC (éviter, réduire, compenser) sont encore "largement méconnus et mal mis en oeuvre". Quand ils sont appliqués, leur traduction courante consiste à urbaniser les espaces aux enjeux environnementaux les moins forts ou à proximité des réseaux existants. Pour autant, cette démarche n'est pas explicitée dans le rapport environnemental ; l'absence de variantes ou de scénarios ne permet pas de démontrer que certains choix ont permis d'éviter des impacts importants. 

En plus des faiblesses de la démarche sur le fond, l'Ae regrette la mauvaise qualité de certains documents. Les documents non techniques par exemple, alors qu'ils doivent pouvoir être lus par le public, ne sont pas clairs, trop succincts ou difficiles à trouver. 

Mauvaise échelle de temps et d'espace

L'année passée a été marquée par le passage de la notion de "programme" à celle de "projets". Qu'est-ce qu'un projet ? À quelle échelle doit-on considérer ses impacts ? Les porteurs de projets ne sont pas encore tout à fait rodés. Les documents d'urbanisme communaux par exemple, se concentrent encore très souvent sur le seul périmètre de la commune, chaque commune s'analysant comme une "��le", bien que l'émergence des Plui (plan locaux d'urbanisme intercommunaux) conduit progressivement à raisonner à une échelle plus large.

La bonne échelle de temps n'est pas non plus toujours retenue. La question se pose notamment lors des modifications de PLU, modifications qui peuvent conduire à des écarts importants par rapport aux recommandations antérieures de l'Ae. La mission régionale de Paca a ainsi décidé de la soumission à évaluation environnementale de plusieurs modifications de Plu (plan local d'urbanisme). La commune concernée a d'ailleurs engagé un contentieux. 

L'ordonnance du 3 août 2016 qui consacre ce changement de notions, imposé par une directive européenne, n'a pas défini explicitement le concept, mais l'Ae renvoie à un guide du CGDD édité 2017 pour aider les maîtres d'ouvrage à définir le contenu de leurs projets. Aussi, l'Ae peut, à la demande du porteur de projet, intervenir sur un "cadrage préalable" en amont de la réalisation de l'étude d'impact pour l'aider à appréhender le champ des informations à fournir. C'est par exemple dans ce cadre qu'elle a été sollicitée l'an dernier à propos des Jeux olympiques de Paris 2024.

Des annonces vertueuses, mais oubliées

D'après cette analyse, les projets de documents d'urbanisme sont encore trop souvent en retrait des attentes en matière de contribution aux objectifs fixés par les textes nationaux. Une carence qui renvoie au problème général d'un manque de hiérarchisation des enjeux environnementaux dans les dossiers. Aussi, L'Ae et les MRAe notent un écart fréquent entre les ambitions affichées et les orientations retenues. Décalage visible par exemple entre les bonnes intentions affichées dans les PADD (plans d'aménagement et de développement durable) et leur transcription dans le zonage, le règlement et les OAP (orientations d'aménagement et programmation). Par conséquent, le PADD doit-il être un critère pour dispenser un PLU d'évaluation environnementale ? 

En conférence de presse, Philipe Ledenvic, président de l'Ae, reconnaît toutefois que la qualité des études d'impact s'améliore... mais "nous ne sommes pas là pour dire que les trains arrivent à l’heure", sourit-il.

 

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Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Pauline Chambost

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