L’IGF estime injustifiée la présence obligatoire du Cac dans les petites sociétés

L’IGF estime injustifiée la présence obligatoire du Cac dans les petites sociétés

13.03.2018

Gestion d'entreprise

Ce corps intermédiaire considère, dans un rapport que nous publions, que le bénéfice de la certification des comptes des petites entreprises n’est pas démontré au plan de la qualité de la base fiscale ou de l’accès au financement. Il préconise de relever les seuils d’audit légal à 4 millions d’euros de bilan et 8 millions d’euros de chiffre d’affaires.

"Toutes choses égales par ailleurs, la présence ou l’absence d’un commissaire aux comptes n’apparaît pas comme un élément objectif favorable, ou défavorable, à la possibilité pour une petite entreprise de trouver des financements". Telle est l’une des conclusions tirées par PDF iconle rapport de l’IGF (inspection générale des finances) sur la certification légale des petites entreprises françaises. Pour étayer son argumentation, l’étude s’appuie sur la cotation effectuée par la Banque de France (cotation Fiben : fichier bancaire des entreprises). "Cette cotation constitue une appréciation de la capacité d’une entreprise, domiciliée en France, à honorer ses engagements financiers à un horizon de trois ans", explicite-t-elle. Deux groupes d’entreprises — des SARL et des SAS indépendantes — proches du seuil obligatoire de certification des comptes — l’un en dessous jusqu’à – 10 % de ce seuil et l’autre au-dessus jusqu’à + 10 % de ce seuil (voir le tableau ci-dessous) — ont été étudiés. Résultat : le présence du commissaire aux comptes ne semble pas avoir d’incidence sur la cotation Fiben.

Répartition des entreprises indépendantes (SAS et SARL) selon leur cotation Fiben et selon le seuil de certification obligatoire +/- 10 %

Cotation Fiben : capacité de l'entreprise à honorer ses engagements financiers

Nombre d'entités indépendantes (SAS et SARL) entre les seuils - 10 % et les seuils actuels

-

Absence de certification obligatoire

Nombre d'entités indépendantes (SAS et SARL) entre les seuils actuels et les seuils + 10 %

-

Certification obligatoire

Effectif Répartition Effectif Répartition
Excellente 146 4 % 101 4 %
Très forte 294 8 % 183 8 %
Forte 464 13 % 276 12 %
Assez forte 552 16 % 341 15 %
Correcte 804 23 % 563 24 %
Assez faible 639 18 % 427 18 %
Faible 208 6 % 171 7 %
Très faible 100 3 % 78 3 %
A surveiller (au moins un incident de paiement) 36 1 % 18 1 %
Menacée (en raison des incidents de paiement déclarés) 20 1 % 16 1 %
Compromise (trésorerie très obérée) 3 0 % 2 0 %
Entreprise en procédure collective 226 6 % 146 6 %
Total 3 492 100 % 2 322 100 %

Source : rapport de l'IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises

Qualité fiscale similaire

C’est une méthodologie similaire qui a été appliquée pour apprécier l’impact de l'audit légal des comptes sur la qualité de la base fiscale et plus globalement la qualité des comptes. Résultat : l’IGF considère que les deux groupes de sociétés étudiés présentent une qualité fiscale du même ordre tant en termes de taux de redressement — fiscal — que de taux de contrôles sans redressement (voir le tableau ci-dessous). Mais nous ne savons pas si cette analyse tient compte de l’éventuel écart dans les montants moyens redressés entre ces deux groupes d’entreprise — idem en ce qui concerne l'éventuel écart dans les montants moyens contrôlés sans redressement.

Taux de redressement fiscal selon le seuil de certification obligatoire +/- 10 % sur l'exercice comptable 2014

Forme juridique

Taux de redressement entre les seuils -10 % et les seuils actuels

-

Absence de certification obligatoire

Taux de redressement entre les seuils actuels et les seuils + 10 %

-

Certification obligatoire

SARL (entités indépendantes, filiales, mères de groupes non consolidés) 8,3 % 7,9 %
SAS (entités indépendantes) 6,3 % 7,0 %

Source : rapport de l'IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises

Taux de contrôle sans redressement selon le seuil de certification obligatoire +/- 10 % sur l'exercice comptable 2014

Forme juridique

Taux de contrôle sans redressement entre les seuils -10 % et les seuils actuels

-

Absence de certification obligatoire

Taux de contrôle sans redressement entre les seuils actuels et les seuils + 10 %

-

Certification obligatoire

SARL (entités indépendantes, filiales, mères de groupes non consolidés) 21,7 % 21,9 %
SNC (entités indépendantes, filiales, mères de groupes non consolidés) 13,9 % 13,2 %
SAS (entités indépendantes) 20,5 % 17,4 %

Source : rapport de l'IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises

Révélation des faits délictueux

L’IGF a également examiné la mission de révélation des faits délictueux qui s’impose aux commissaires aux comptes. Pour elle, les révélations sont rares, comme le montre le tableau ci-dessous. Selon nous, une question supplémentaire se pose que l'IGF n'a semble-t-il pas examinée, celle des enjeux "qualitatifs" qui ne sont pas forcément les mêmes d’une révélation de fait délictueux à une autre, que ce soit sur le plan purement financier ou sur le plan de la nature du fait délictueux sous-jacent. Toutefois, nous sommes intrigués par le faible nombre de faits délictueux révélés chaque année, notamment au regard du fort appétit des sociétés françaises pour camoufler illégalement leurs comptes annuels. 42 % des sociétés tenues de déposer leurs comptes au titre de l’exercice 2013 ne l’avaient pas fait, soit près de 800 000 sociétés, selon une commission sénatoriale. Certes, toutes ces sociétés ne sont pas obligées d’avoir un commissaire aux comptes — il existe 208 000 mandats d'audit légal des comptes dans les entreprises commerciales, selon l'IGF. De plus, le commissaire aux comptes n’est pas tenu de vérifier spécifiquement que la société auditée dépose ses comptes. Mais il y a quand même un sujet à creuser.

Révélations de faits délictueux lors de la certification des comptes annuels des entreprises commerciales situées en dessous et au-dessus des seuils européens de référence

  Entreprises en dessous des seuils européens Entreprises au-dessus des seuils européens
Nombre de révélations de faits délictueux 440 (0,5 %) 128 (0,3 %)

Source : rapport de l'IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises

L’étude considère aussi que l’intérêt du commissaire aux comptes pour la prévention des défaillances des petites entreprises est peu significatif. Pour ce faire, elle a là aussi examiné deux groupes de sociétés comparables, l’un avec certification obligatoire, l’autre sans certification obligatoire. Résultat : le taux de défaillance à un an est plus élevé pour les SARL dont les comptes sont certifiés et moins élevé pour les SAS dont les comptes sont certifiés. "Mais les écarts mesurés dans les deux cas ne sont guère significatifs", résume l’IGF sur ce point.

Taux de défaillance à un an selon le seuil de certification obligatoire +/- 10 % en 2016

Forme juridique

Taux de défaillance à un an entre les seuils - 10 % et les seuils actuels

-

Absence de certification obligatoire

Taux de défaillance à un an entre les seuils actuels et les seuils + 10 %

-

Certification obligatoire

SARL 1,0 % 1,5 %
SAS 1,4 % 1,1 %

Source : rapport de l'IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises

Une charge proportionnellement plus forte pour les petites sociétés

Bref, l’audit légal des comptes des petites entreprises est injustifié aux yeux de l’IGF. D’autant plus que ce corps intermédiaire considère le coût de ce contrôle proportionnellement plus élevé pour ces entités. Les honoraires d’audit légal représentent 0,17 % (ou 5 511 euros par an) du chiffre d’affaires des sociétés situées en dessous des seuils européens dits de référence (soit 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés), contre 0,02 % pour les autres. Le rapport recommande ainsi de relever l’intervention obligatoire du commissaire aux comptes au niveau de ces seuils de référence. Tout en estimant que la directive comptable européenne permet de choisir des niveaux «légèrement supérieurs». Cette appréciation est à notre avis quelque peu erronée. La directive comptable donne le droit aux Etats membres d’aller beaucoup plus loin. Les seuils peuvent s'élever à 6 millions d’euros de bilan et 12 millions d’euros de chiffre d’affaires (et toujours 50 salariés). Quoi qu'il en soit, c'est la vision de l'audit contractuel qui est mise en avant par l'IGF. Comme c'est le cas au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Allemagne.

Ludovic Arbelet

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