"L’objectif est de faire décoller le CPF en déverrouillant les pesanteurs du système"

"L’objectif est de faire décoller le CPF en déverrouillant les pesanteurs du système"

30.05.2018

Gestion du personnel

La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a débuté, hier, l’examen du projet de loi "Pour la liberté de choisir son avenir professionnel", avant son examen en séance le 11 juin. Catherine Fabre, députée LREM de Gironde et rapporteure du volet formation/ apprentissage du texte, livre les axes d'amélioration et les points de vigilance de la réforme.

Comment se présente l’examen du projet de loi qui débutera le 11 juin à l’Assemblée nationale ?

1 200 amendements ont été déposés sur l’ensemble du texte. 900 concernent spécifiquement le titre I portant sur la formation professionnelle et l’apprentissage. Mais nous ne modifierons pas l’architecture globale du projet de loi qui repose sur deux piliers. D’une part, la simplification du système, via la transformation de l’unité de mesure du CPF, de l’heure à l’euro. D’autre part, l’autonomie donnée aux actifs face à leur formation. Jusqu’ici, certains acteurs se sont appropriés les droits des salariés, en choisissant à la place des individus. Il faut arrêter d’infantiliser les gens et leur permettre d’accéder directement à leurs droits. L’appli numérique permettra ainsi de choisir sa formation, de la comparer et de la payer. Et pour mieux la choisir, chacun pourra bénéficier d'un conseil en évolution professionnelle gratuit. La formation doit être au service des acteurs. L’objectif est de faire décoller le CPF en déverrouillant les pesanteurs du système : l’intermédiation, les listes éligibles…

Quels aménagements préconisez-vous ?

Nous avons déposé une centaine d’amendements dont 70 % à 80 % amendements rédactionnels. Parmi les points abordés en commission figurera ainsi le taux de contribution unique de formation. La suppression d’exonération dont bénéficient certaines professions pour la taxe d'apprentissage, à savoir les secteurs associatif, agricole et des banques mutualistes, prévue dans le projet de loi, pourrait être abandonnée. La cotisation globale pourrait ainsi remonter à 1,23€% pour les entreprises de moins de 11 salariés à 1,68 % au-delà, soit les taux actuels. Par ailleurs, nous sommes favorables au développement du dialogue social dans le cadre du plan de développement des compétences. Il serait tout à fait pertinent que les partenaires sociaux puissent se saisir de cette question, notamment à l’issue de l’entretien professionnel récapitulatif qui se déroule tous les six ans, pour suivre la mise en œuvre des programmes de formation et le suivi des résultats. Nous porterons, en outre, des amendements concernant la sécurisation des parcours des apprentis, en particulier en cas de décrochage ou de rupture du contrat.

Et pour l’accompagnement des individus ?

Plusieurs amendements y feront référence. L’objectif est de responsabiliser les actifs en leur donnant des clefs pour se repérer dans la complexité du système. Les contacts de conseillers, publics ou privés, pourront ainsi être fournis de multiples manières, via l’appli numérique, en fonction de leur bassin d’emploi, par l’intermédiaire de leur contrat de travail, ou à travers la communication des représentants du personnel.

La Fédération de la formation professionnelle (FFP) préconise une prolongation de la période de professionnalisation jusqu’à fin 2020. Celle-ci devrait être supprimée, selon le projet de loi, dès le lendemain de la publication du texte. Y êtes-vous favorable ?

La période de professionnalisation n’est pas une manne complémentaire au plan de formation. Sa finalité a été dévoyée : elle devait initialement servir à la montée des compétences des moins qualifiés. Or, aujourd’hui, ces subsides sont majoritairement utilisés par les grandes entreprises au profit des cadres. Il faut renverser cette tendance. La formation doit avant tout bénéficier aux publics moins qualifiés. Et il nous faut pour cela proposer un dispositif qui donne des résultats effectifs.

Les réformes successives ont prôné ces mêmes objectifs. Sans les atteindre. Comment être sûre de parvenir à un tel résultat ?

Les droits des personnes les moins qualifiées ont été renforcés. L’alimentation du CPF sera de 800 euros par an (plafonnés à 8 000 euros) pour tous les actifs n’ayant pas un niveau V de qualification (CAP, BEP…). C’est 70% de droits en plus par an. Des modalités d’abondement peuvent également être prévues, dans des conditions qui seront fixées par décret, par un accord d’entreprise ou à défaut un accord de branche. Précisions également que le conseil en évolution professionnelle (CEP) sera financé ; il permettra d’optimiser l’accompagnement de tous les individus. Par ailleurs, les actions de formations seront diversifiées, avec à la clef, l’intégration des formations en situation de travail (Fest) dans les processus d’apprentissage. Il y aura peut-être des tâtonnements. Mais nous allons changer le système de la formation, en responsabilisant les individus. Ce sera un apprentissage collectif.

Comprenez-vous l’inquiétude des organismes de formation qui estiment que la valeur du CPF, fixée à 14,28 euros de l’heure, est insuffisante ?

Le développement très progressif du CPF a permis aux Opca de pratiquer des tarifs de prise en charge très élevés. Mais ces niveaux de prise en charge ne sont pas viables à long terme. L’idée est de permettre au plus grand nombre de suivre une formation. Il faut donc être en mesure de financer le dispositif.

Quid d’éventuels avantages fiscaux ?

J’y suis assez favorable mais uniquement pour les particuliers qui investissent dans la formation. Cela permettrait d’impulser une culture de la formation professionnelle dans la société. On a trop tendance à dévaloriser la formation, en raison de sa gratuité.

Redoutez-vous l’opposition ?

Je m’attends à des débats musclés. Mais on entendra surtout ceux qui ne souhaitent pas faire évoluer le système, quand bien même il est inefficace. J’ai quelques appréhensions mais je suis convaincue du bien fondée de cette démarche et totalement engagée.

Comment vous êtes-vous préparée à mener cette bataille ?

Le champ de la formation professionnelle est loin d’être inconnu. J’étais jusqu���ici maître de conférences en gestion des ressources humaines à l’IAE de Bordeaux. J’y enseignais notamment le système de la formation continue. Par ailleurs, j’ai accompagné de nombreux adultes en VAE (Validation des acquis de l’expérience). Et j’ai mené en parallèle, au sein d’une équipe de recherche, des travaux portant sur les transitions de carrière et la reconversion professionnelle.

Pendant la campagne présidentielle, j’avais émis le souhait de travailler sur ce sujet. J’ai rencontré les acteurs de la formation professionnelle de la Gironde puis j’ai auditionné les acteurs nationaux, tout d’abord, de manière officieuse, dès 2016, puis de manière officielle, entre décembre 2017 et février 2018, au moment de la négociation nationale interprofessionnelle. J’ai, enfin, coordonné un groupe de députés sur le sujet à l’Assemblée nationale. Soit une réflexion très, très en amont.

 

Son parcours

Normalienne, Catherine Fabre, 40 ans, députée de la deuxième circonscription de Gironde (Bordeaux 2), a débuté sa carrière en tant que journaliste, pour le magazine l’Expansion et le supplément économique de Sud-Ouest. Elle s’est ensuite orientée vers l’enseignement. Elle devient maître de conférences à l’IAE de Bordeaux ; elle y enseigne le management d’équipe, la communication interprofessionnelle et la GRH, notamment la formation continue. Elle accompagne également de nombreux adultes en VAE. Elle mène en parallèle, au sein de son équipe de recherche, des travaux portant sur les transitions de carrière et la reconversion professionnelle. Parmi ses ouvrages, "Le rôle des relations avec le supérieur hiérarchique, les collègues de travail et l'organisation dans la socialisation organisationnelle des jeunes diplômés : une approche en terme d'échange social", en 2007.

 

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Anne Bariet
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