La CJUE confirme la légalité de l'accord de libéralisation UE-Maroc

10.01.2017

Gestion d'entreprise

La Cour annule l'arrêt du Tribunal ayant jugé que l'accord de libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche conclu avec le Maroc s'applique au Sahara occidental. Elle estime que la décision de conclusion de cet accord ne peut être contestée par le Front Polisario.

La décision de la Cour dans l’affaire du Front Polisario (Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro) était très attendue après les remous diplomatiques que celle-ci a occasionnés.

Dans un arrêt du 10 décembre 2015, le Tribunal avait partiellement accueilli le recours du Front Polisario à l’encontre de la décision du Conseil du 8 mars 2012 concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche (« accord de libéralisation »). Cet accord modifiait l’accord d’association avec le Maroc signé le 26 février 1996 (TUE, 10 déc. 2015, aff. T-512/12, Front Polisario c/ Conseil).

Le Tribunal a considéré que le Conseil avait manqué à son obligation d’examiner, avant la conclusion de l’accord de libéralisation, s’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.

Pour le Tribunal, les accords d’association et de libéralisation étaient applicables « au territoire du Royaume du Maroc », ce qui, sans autre précision, impliquait le Sahara occidental. A ce titre, selon lui, le Front Polisario était qualifié par l’accord pour en demander l’annulation.

Cet arrêt a été critiqué par une partie de la communauté internationale dont la France en ce qu’il constituait une forme de reconnaissance internationale du Front Polisario et de ses revendications indépendantistes. Or, bien que reconnu par l’Organisation des Nations Unies, le Front Polisario, qui contrôle une petite partie du Sahara occidental, ne l’est toujours pas par de nombreux États dont le Maroc qui revendique la souveraineté sur l’ensemble du Sahara occidental et qui en contrôle l’essentiel. L’arrêt du Tribunal a suscité une vive réaction du Maroc qui avait, à titre de protestation, gelé ses contacts avec les institutions européennes.

Le Conseil, soutenu par plusieurs États, dont la France, a introduit un pourvoi contre cet arrêt. L’enjeu était important puisque la Cour était amenée à se prononcer, d’une part, sur la capacité processuelle du Front Polisario et, d’autre part, sur l’inclusion du Sahara occidental dans le champ d’application territorial de l’accord d’association de 1996 avec le Maroc et de l’accord de libéralisation signé en 2010.

La Cour annule l’arrêt du Tribunal mais évite d’avoir à statuer in abstracto sur la capacité processuelle du Front Polisario en liant celle-ci au champ d’application de l’accord. Contrairement au Tribunal, la Cour considère que les accords d’association et de libéralisation ne s’appliquent pas au Sahara occidental, le Tribunal ayant omis de prendre en compte les règles internationales en la matière.

La Cour rappelle que compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la charte des Nations Unies et du principe d’autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l’expression « territoire du Royaume du Maroc », qui définit le champ territorial des accords d’association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire.

De plus, en vertu de la pratique internationale, pour qu’un traité s’applique au-delà du territoire souverain d’un État, le traité doit le prévoir expressément, ce qui n’est pas le cas ici. Enfin, la Cour rappelle que conformément à l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en 1975 au sujet du Sahara occidental, le peuple de ce territoire doit être regardé comme un tiers susceptible d’être affecté par la mise en œuvre de l’accord de libéralisation. Or, il n’apparaît pas que ce peuple ait consenti à ce que l’accord soit appliqué au Sahara occidental. Les principes d’autodétermination des peuples, de l’effet relatif des traités et de bonne foi en droit international exigent ainsi de considérer que l’accord de libéralisation ne s’applique pas au territoire du Sahara occidental et, partant, que le Front Polisario n’a pas la qualité pour agir pour en contester la légalité faute d’être concerné par la décision par laquelle le Conseil a conclu cet accord.

Eric Carpano, Professeur agrégé de droit public, Université Jean Moulin, Lyon III

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