La CJUE examine l'interdiction du port du foulard islamique dans les entreprises

16.03.2017

Gestion du personnel

Deux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) viennent éclairer le débat relatif au port du foulard islamique dans les entreprises, ou plutôt son interdiction.

Par la voie d’une question préjudicielle, les Cours de cassation française et belge interrogent la CJUE sur la question d’une discrimination possible en considération de la religion. Les décisions prises dans les entreprises sont analysées à la lumière de la directive n° 2000/78 CE, relative à la création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Remarque : dans les deux affaires, le terme de « foulard islamique » a été adopté par la CJUE. Il s’agissait, à chaque fois, d’un « couvre-chef qui laissait le visage entièrement dégagé » selon les précisions de l’avocat général.

Dans les deux affaires, en effet, le contentieux portait sur un licenciement considéré par les salariées comme discriminatoire en raison de leurs convictions religieuses, du fait de leur refus de retirer leur foulard islamique sur leur lieu de travail.

Dans le cas français, la salariée, ingénieur informatique, avait effectué une mission chez un client de l’entreprise. A la fin de celle-ci, l’entreprise cliente avait indiqué « pas de voile la prochaine fois ». Le licenciement était intervenu après que l’employeur lui ait demandé de retirer son voile lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, ce qu’elle avait refusé.

Dans l’affaire belge, la salariée exerçait depuis plusieurs années les fonctions de réceptionniste dans une société dont l’activité consistait, notamment, à fournir des services de réception et d’accueil de clients appartenant tant au secteur public qu’au secteur privé. Une règle non écrite - intégrée dans le règlement intérieur au lendemain du licenciement, mais semble-t-il très explicite - interdisait aux salariés de porter sur le lieu de travail « des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses » et « d’accomplir tout rite afférent à ces convictions ». Le licenciement avait fait suite à la volonté persistante de la salariée de porter le foulard.

L’interdiction générale de porter tout signe visible de convictions est-elle discriminatoire ?

La CJUE devait préciser si une interdiction générale formulée par l'employeur belge entrait dans les prévisions de l’article 2 paragraphe 2 a) de la Directive, qui définit le concept même de la discrimination.

Remarque : selon ce texte, la discrimination consiste à traiter quelqu’un de manière moins favorable qu’une autre personne pour l’un des motifs énumérés par la directive. Ces motifs sont : la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Dans sa réponse, la CJUE constate tout d’abord que cette interdiction « vise indifféremment toute manifestation » de convictions politiques, philosophiques ou religieuses et relève que tous les salariés de l’entreprise sont visés de manière « générale et indifférenciée ».

Ces constatations excluent donc une discrimination directe.

Puis la CJUE examine la question d’une possible discrimination indirecte, visée par l’article 2, paragraphe 2 b).

Remarque : la discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour les personnes d’une religion ou de conviction, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés. Toutefois, cette disposition peut se trouver validée si elle est justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Selon la Cour, l’examen d’une possible discrimination indirecte – c’est-à-dire que sous couvert d’une interdiction générale, seules des personnes appartenant à une religion donnée auraient été visées – incombe au juge national.

Si tel était le cas, il convient toutefois d’examiner si cette discrimination indirecte peut être valable :

  • l’entreprise poursuit-elle un objectif légitime ? Oui puisque la volonté de l’entreprise de neutralité politique, philosophique ou religieuse est un objectif légitime. Il s’agit d’une déclinaison de la liberté d’entreprise, en particulier lorsque les travailleurs impliqués sont ceux au contact de la clientèle ;
  • la règle d’interdiction est-elle appropriée à la poursuite de cet objectif ? Oui encore, sous réserve, cependant, que la juridiction interne vérifie la réalité d’une politique « générale et indifférenciée d’interdiction de port visible des signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses à l’égard des membres du personnel en contact avec les clients » ;
  • l’interdiction est-elle nécessaire, ou plutôt, se limite-t-elle au strict nécessaire ? En d’autres termes, ne s’applique-t-elle qu’aux salariés en contact avec la clientèle ? Ce point est, là encore, renvoyé à l’examen par la juridiction interne.

Mais l’entreprise ayant insisté sur le caractère général de cette interdiction, qui ne ciblait donc pas spécifiquement les salariés en contact avec la clientèle, on peut supposer que ce dernier point fera défaut.

La volonté de l’employeur de tenir compte du souhait exprimé par ses clients sur le port d’un foulard islamique constitue-t-elle une exigence professionnelle essentielle et déterminante ?

La question est posée par la Cour de cassation française, qui se réfère à l’application de l’article 4 paragraphe 1 de la directive.

Remarque : selon ce dispositif, une différence de traitement fondée sur une caractéristique en lien avec les motifs de discriminations est valable sous réserve que cette caractéristique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante en raison de la nature de l’activité ou les conditions de son exercice et pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. Cette disposition est une dérogation au principe général de non-discrimination, elle doit donc s’envisager de manière stricte, ce que souligne le considérant 23 de la directive.

Appliquée à l’affaire, la question peut se décomposer en plusieurs étapes :

  • l’interdiction de porter un foulard islamique constitue bien une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée une discrimination sur les convictions religieuses d'un salarié ;
  • la caractéristique doit constituer une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » en raison de la nature de l’activité ou des conditions de son exercice. Selon l’avocat général, s’agissant de la religion, une telle exigence professionnelle ne peut se situer que sur le terrain de la santé et de la sécurité au travail. Ainsi, un travailleur sikh qui refuserait, pour des raisons religieuses, de porter un casque de sécurité, compte tenu de son turban, pourrait faire l’objet d’une sanction, voire d’un licenciement pour ce motif. L’avocat général ne manque pas de souligner que le fait de porter un foulard ne constitue en rien un obstacle à l’activité d’ingénieur d’études. Cette analyse est confirmée par la CJUE ;
  • l’intérêt commercial de l’entreprise ne peut pas, selon l’avocat général ouvrir droit à une dérogation à l’interdiction générale sur la discrimination. La CJUE reprend cette analyse à son compte, puisqu'elle précise qu'une exigence professionnelle essentielle et déterminante ne peut pas s’appliquer à « des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client ».

La CJUE juge qu’une exigence professionnelle essentielle et déterminante n’est pas un motif dont l’employeur peut se prévaloir pour obliger une salariée à enlever son foulard islamique, même à la demande des clients.

Catherine Pellerin, Dictionnaire permanent Social
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