La croissance ne devrait pas passer par une meilleure représentation des salariés dans la gouvernance des entreprises

La croissance ne devrait pas passer par une meilleure représentation des salariés dans la gouvernance des entreprises

22.12.2017

Représentants du personnel

Les groupes de travail invités par Bercy à imaginer des pistes en vue du futur projet de loi pour la croissance des entreprises ne proposent quasiment aucune évolution du mode de gouvernance des entreprises et donc aucun progrès concernant la représentation des salariés dans les conseils d'administration. Prônant "un droit souple", ils recommandent d'arriver à 10% d'actionnariat salarié dans les entreprises et envisagent un renforcement de la participation et de l'intéressement dans les PME.

Le ministre de l'Economie va lancer à partir du 15 janvier prochain (et jusqu'au 5 février) une consultation publique sur la base des propositions émises par les groupes de travail qui ont planché sur 6 thèmes en vue du futur projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), projet qui devrait être présenté au printemps prochain. Ces 6 thèmes sont surtout liés au développement économique et à son environnement (création, financement, numérisation, simplification, conquête de l'international, ) mais ils concernent aussi la représentation du personnel et les salariés puisqu'il est question de "partage de la valeur ajoutée et d'engagement sociétal des entreprises".

La question des seuils

Ces propositions, qui ont été restituées hier à Bercy, concernent notamment la création et la croissance des entreprises ainsi que la simplification de la gestion administrative. On y retrouve une fois de plus l'idée qu'il faut "simplifier et adapter les seuils pour encourager l'emploi". Il s'agirait de favoriser la croissance des entreprises en leur donnant une période de 3 à 5 ans "pour s'acquitter des obligations légales et réglementaires li��es au franchissement des seuils". Côté simplification, le groupe de travail (co animé par une députée et un PDG) souhaite visiblement revoir les règles de prescription du droit des sociétés, émet le voeu de parvenir d'ici 2022 à 100% de démarches administratives dématérialisées et recommande "d'évaluer et de publier la qualité de service de toutes les administrations au contact des entreprises, et de fixer un objectif de progrès du niveau de la satisfaction".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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"La nécessité d'un droit souple crédible"

Au sujet du "partage de la valeur" et de "l'engagement sociétal des entreprises", les propositions restent, à l'image du vocabulaire choisi, pour le moins libérales et prudentes. Le groupe de travail sur ces questions, animé par le député Stanislas Guerini et la présidente de l'institut français des administrateurs, Agnès Touraine, insiste sur la nécessité "d'un droit souple crédible" et "refuse l'empilement des droits formels qui peuvent finir par alimenter une défiance improductive". Pour "réconcilier les Français avec l'entreprise et, au-delà, avec l'actionnariat", le groupe de travail souhaite ainsi le développement de l'actionnariat salarié pour que celui-ci représente 10% du capital des entreprises françaises. Le groupe défend l'idée d'une simplification et d'un renforcement du recours à l'intéressement et à la participation dans les PME, mais sans en dire davantage.

Un nouveau statut de société avec "un objet social élargi"

Sur la question sensible d'une possible évolution juridique de la définition de l'entreprise afin d'y intégrer une finalité sociale, proposition dont le patronat ne veut pas entendre parler, le groupe de travail avance en terrain miné. Il ne suggère pas de révolution générale mais il propose la création "d'entreprise à mission" à objet social élargi, ce qui rejoint une idée un temps évoquée par Emmanuel Macron durant la présidentielle. Sur ce point, le gouvernement confie une mission de réflexion à Nicole Notat, qui dirige une agence de notation après avoir été secrétaire générale de la CFDT, et à Jean-Dominique Senard, patron de Michelin.

S'agit-il pour le gouvernement de compenser la faiblesse des propositions des groupes sur le sujet, voire de préparer les esprits à l'introduction à très petite dose d'un zeste du modèle allemand de codétermination ? Il faudra voir ce que propose la mission. Car pour l'heure, s'il est question de faire évoluer "l'autorégulation" des entreprises via le code de gouvernement d'entreprises, un code qui n'a souvent évolué que sous la pression de l'opinion publique ou du législateur (voir les précédents concernant les rémunérations des PDG), les propositions du groupe de travail ne vont nullement dans le sens d'un renforcement de la représentation des salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance.

Cette idée est pourtant portée par certains politiques et économistes, comme Olivier Favereau, et elle est soutenue par certains syndicats comme la CFDT et la CFE-CGC qui y voient un moyen de réintroduire la question des emplois, de la qualité du travail et de la participation des salariés à l'entreprise. Mardi, la CFDT exprimait devant la presse son approche du sujet en revendiquant la moitié d'administrateurs représentants les salariés dans les entreprises d'au moins 5 000 salariés, un tiers dans les plus de 1 000 et au moins 2 administrateurs dans les plus de 500.

Ces idées, visiblement boudées par les binômes animant les groupes de réunions (qui réunissaient un politique et un chef d'entreprise, cherchez la diversité..), seront-elles néanmoins prises en compte par le gouvernement ? Si la consultation publique est lancée le 15 janvier sur les seules propositions de ces groupes, on n'en prend guère le chemin...

Bernard Domergue
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