La Fondation Abbé Pierre veut en finir avec le scandale du mal-logement

La Fondation Abbé Pierre veut en finir avec le scandale du mal-logement

31.01.2017

Action sociale

Ce 31 janvier, la Fondation Abbé Pierre présente son 22e rapport annuel sur l'état du mal-logement. Ce rendez-vous très couru des responsables et militants de la politique du logement se trouve au carrefour de deux échéances : le bilan du quinquennat de François Hollande et la préparation de la prochaine présidence. La Fondation présente une série de propositions.

Pas de doute, y'aura du beau monde ce 31 janvier à la Grande Arche de la Défense. La Fondation Abbé Pierre y présente son traditionnel rapport annuel de l'état du mal-logement et reçoit en après-midi les principaux candidats à l'élection présidentielle : François Fillon, Benoît Hamon, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. La représentante du Front national a été écartée car, explique Christophe Robert, le délégué général de la Fondation, "sur les valeurs du logement, nous sommes en désaccord profond, en particulier sur la question de la préférence nationale." Ce rendez-vous a une couleur singulière pour deux candidats. François Fillon a l'occasion de revenir sur le terrain des propositions concrètes en tentant de faire oublier les polémiques sur l'emploi présumé fictif de sa femme. Pour Benoît Hamon, c'est la première grande sortie politique après sa victoire éclatante aux primaires de la gauche et la possibilité d'élargir sa thématique.

Un bilan en demi-teinte

Avant de passer à cet exercice de prospective politique, la Fondation va détailler le bilan du quinquennat qu'elle dresse à trois mois de son terme. Un bilan "en demi-teinte", estime-t-elle. "Le logement est devenu facteur de discrimination, souligne Christophe Robert. Ceux qui ont pu accéder à la propriété se sont enrichis ; ceux qui restés locataires se sont appauvris." Le responsable de la Fondation pointe également le renforcement des inégalités territoriales. Il refuse de prendre pour argent comptant l'optimisme de la ministre du logement Emmanuelle Cosse qui avait déclaré : "Nous sommes sortis de la crise du logement et du bâtiment." Attention, prévient Christophe Robert, la reprise du bâtiment n'est pas synonyme de fin de crise du logement si l'offre proposée n'est pas accessible à la majorité de ceux qui subissent la crise du logement. Leur nombre est considérable car la Fondation estime, au sortir d'un décompte très minutieux (lire encadré), qu'ils sont près de 15 millions de personnes à connaître d'une manière ou d'autre cette situation.

Construction de logements : pas assez et pas assez sociaux

Dans le détail, le bilan revient sur divers chantiers engagés sous la présidence de François Hollande. La Fondation salue le volontarisme du début de mandat (plan anti-pauvreté, circulaire Dalo, etc.), mais note, amère, que "le nombre de personnes confrontées à la crise du logement continue d'augmenter". L'objectif de construire 500 000 logements dont 150 000 sociaux, fixé par le Président de la République n'a pas été atteint. "Nous sommes en-dessous des 400 000, dont moins de 120 000 logements sociaux", comptabilise Christophe Robert qui ajoute : "La dynamique existe, mais elle n'est pas assez ambitieuse et trop tardive."

Reculs et coups de canif

La Fondation constate que le "logement pauvre est le parent pauvre" de cette politique. Alors que la défiscalisation pour la construction de logements neufs sans contrepartie sociale, ouverte par la loi Pinel, représente un manque à gagner pour l'Etat de 1,4 milliard d'euros, la construction de logements très sociaux n'a pas dépassé les 1 500 annuels et n'arrête pas de baisser. De plus, la Fondation regrette les reculs successifs du gouvernement Valls par rapport à son prédécesseur Ayrault. C'est le cas ainsi de l'encadrement des loyers - limité pour l'instant, au titre de l'expérimentation, à Paris et bientôt Lille, ou bien la garantie universelle des loyers qui n'est plus universelle, car limitée aux moins de 30 ans sous condition. De même, Christophe Robert regrette les coups de canif successifs à l'APL et dénonce la montée des expulsions locatives (qui ont bondi de 24 % en 2015).

Des choix budgétaires de court terme

Sur le volet de l'urgence, le rapport du mal-logement redit ce que d'autres, comme le Samu social ou la Fédération des acteurs de la solidarité, ont déjà souligné : la saturation des dispositifs d'hébergement. "Les acteurs publics continuent de privilégier une politique de mise à l'abri plutôt que d'accès prioritaire au logement." Les quelques programmes expérimentaux dans la dynamique du "logement d'abord" reste justement... expérimentaux ("le programme "un chez soi d'abord" ne loge que 350 personnes"). L'intermédiation locative (Solibail) a, en revanche, bien décollé avec 25 000 places et la rénovation énergétique s'avère un succès avec près de 70 000 logements concernés en 2016. Conclusion générale de la Fondation : "Le gouvernement a renoué avec des choix budgétaires de court terme, des chocs fiscaux sans lendemain et des politiques à moyens constants aux effets limités".

Trois objectifs pour une nouvelle politique

Clairement, il faut faire mieux, davantage et plus vite. Et la Fondation Abbé Pierre entend mobiliser les candidats de la présidentielle, et plus généralement les citoyens, pour sortir de ce mal-logement qui s'aggrave et dont la résorption est une condition nécessaire à la résolution de divers problèmes sociaux, comme le surendettement et la pauvreté. Trois objectifs sont assignés à cette nouvelle politique qu'elle appelle de ses voeux : adapter la politique du logement à la diversité des territoires, inventer la sécurité sociale du logement, agir à la source sur les mécanismes d'exclusion.

Clarifier le contenu de la notion de logement social

Sur cette base, la Fondation soumet quinze propositions d'actions ou de réformes. Retenons-en quelques-unes. En matière de "logement d'abord !" - choix défendu par Benoist Apparu sous le gouvernement Fillon -, il faudrait développer toutes les formules existant : pension de famille, colocations, formes alternatives d'habitat comme l'autoconstruction. Mais cette politique n'a de chance de réussir que si les logements sont accessibles financièrement. Il faut donc clarifier ce qu'on appelle aujourd'hui le logement social qui inclut une part de logements intermédiaires (de type PLS) improprement appelés "sociaux".

Une loi de programmation pour le logement social

La Fondation ne renonce pas à son objectif de construction de 150 000 HLM annuels sous plafond APL. Mais du fait de la baisse inquiétante des aides à la pierre qui renchérit le coût des logements - et contraint les bailleurs à appliquer des majorations de loyer -, la fondation demande le vote d'une loi de programmation pluriannuelle pour le logement social "à la manière du plan de cohésion sociale de 2004".

Prévenir vraiment les expulsions locatives

Sur l'épineuse question des expulsions, la Fondation Abbé-Pierre voudrait que soit enfin mise en oeuvre la logique de la prévention. Il faudrait dès lors "renforcer la prévention et le traitement de l'impayé au stade pré-judiciaire". Un accompagnement global est nécessaire, ce qui suppose de faire un travail auprès des juges car ils sont actuellement souvent "réticents à remplir leur rôle social, faisant prévaloir la sanction du locataire mauvais payeur". Dans le cadre d'un "New Deal des rapports locatifs", le dispositif sur la garantie des loyers doit être "universel et obligatoire".

D'autres propositions concernent, en vrac, l'action contre l'habitat indigne, la rénovation thermique du parc (notamment en augmentant de façon importante les aides) ou la "révolution fiscale" avec l'idée de "taxer les mécanismes de ségrégation", par exemple via une surtaxe sur les transactions de biens immobiliers les plus chers". Reste maintenant à convaincre les candidats à la présidentielle de l'importance de faire de la lutte contre le mal-logement une priorité forte.

 

D'où vient ce chiffre de 15 millions de personnes ?

La Fondation Abbé Pierre propose un recensement qu'elle estime exhaustif des personnes concernées par le mal-logement. Elle arrive à un chiffre proche de 15 millions de personnes (exactement 14,628 M). Comment en est-elle arrivée là ? Deux grands catégories sont à distinguer : les personnes mal logées et celles en situation de fragilité.

Les premières seraient près de 4 millions et comprendraient les personnes privées de logement personnel (896 000 dont 143 000 SDF) et celles qui vivent dans des conditions très difficiles en termes de surpopulation ou de manque de confort (2,819 M) auxquelles il convient d'ajouter les gens du voyage mal logés (206 600) et les résidents de foyers pour travailleurs migrants insalubres (39 000).

La seconde catégorie comprend 12 millions de personnes en situation de fragilité : propriétaires dans une copropriété en difficulté, locataires ayant des impayés de loyers, personnes vivant en surpeuplement dit modéré ainsi que celles dont l'effort financier est excessif (supérieur à 35 % de leur revenu leur laissant un reste-à-vivre inférieur à 650 € par unité de consommation). Ce dernier groupe représente plus de 5 millions de personnes. Autant de "clients" potentiels pour le mal-logement...

 

 

Action sociale

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Noël Bouttier
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