La gratuité, seul moyen pour I-Virtual d’amener la réalité virtuelle aux enfants autistes

La gratuité, seul moyen pour I-Virtual d’amener la réalité virtuelle aux enfants autistes

06.10.2017

Action sociale

Travailler les habiletés sociales des enfants autistes grâce à la réalité virtuelle, telle est la proposition du chercheur Alain Pruski aux éducateurs à travers une solution logicielle, Utopia. Depuis son lancement en 2014, en dépit des louanges, celle-ci peine à franchir les portes des services médico-sociaux. Une expérience inédite de gratuité sera donc tentée en 2018.

On le sait, les personnes autistes ont de grandes difficultés à répondre à une sollicitation directe, telle qu’une question qui leur est posée. De la même manière, il leur est plus facile de communiquer à travers un ordinateur, dont le comportement est prévisible, qu’avec une personne avec qui elles doivent interagir.

C’est ce constat qui a conduit Alain Pruski, enseignant-chercheur à l’université de Lorraine et spécialiste des environnements adaptatifs, à se pencher sur les apports de la réalité virtuelle aux apprentissages sociaux et comportementaux des personnes souffrant de troubles cognitifs. L’idée : permettre aux personnes de se plonger dans un environnement virtuel, s’adaptant à leurs émotions ou évoluant grâce à l’interaction d’un éducateur, dans lequel elles pourront se déplacer, se confronter à différentes situations et exercer leurs habiletés sociales.

Utopia, une ville virtuelle sous contrôle de l’éducateur

Ses travaux ont abouti en 2014 à la création d’une gamme de logiciels de réalité virtuelle destinés aux professionnels du handicap. Chaque logiciel ouvre sur le même environnement d’une ville, Utopia, possédant son histoire, ses règles et ses habitudes, mais propose un scénario particulier auquel le joueur va se confronter, comme se déplacer avec les transports en commun, aller à la Poste ou à la boulangerie. Les différents contextes et la gradation des difficultés sont introduits par un éducateur spécialisé par l’intermédiaire d’outils mis à sa disposition sur un second ordinateur. L’éducateur est ainsi en mesure d’inviter de nouveaux avatars dans le jeu, de renforcer certaines règles – comme l’obligation de faire la queue – ou d’introduire des éléments perturbants selon l’état de compréhension du joueur. L’expérience du virtuel peut être renforcée par un capteur-caméra capable de détecter l’état émotionnel de la personne et de savoir à quel moment elle rencontre des difficultés.

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Une préparation graduée à la réalité

« Les éducateurs travaillent toujours avec leur méthodologie, simplement au lieu d’intervenir sur des événements réels qui peuvent être très aléatoires, ils en contrôlent le déroulement dans un espace virtuel », explique Alain Pruski.

Au-delà de l���aspect ludique de la méthode, les évaluations montrent que la réalité virtuelle se traduit par un gain de temps pour les professionnels. C’est particulièrement le cas pour la préparation à l’autonomie dans les transports en commun, qui embolise une large partie de l’activité des institutions spécialisées en prévision de la sortie de leurs jeunes usagers. En effet, repérer son itinéraire, consulter les horaires, prendre son billet au distributeur, le composter… sont autant d’actions qui peuvent se révéler très complexes pour des enfants ou de jeunes adultes connaissant des déficiences lourdes. Avec la réalité virtuelle, il devient possible de travailler ces différentes étapes autant de fois que nécessaire. « Par exemple, recommander à un enfant autiste de regarder les horaires de bus demeure abstrait pour lui. Face à l’écran, la recommandation prend une signification, ce qui permet de défricher la situation avant d’aller sur le terrain. »

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Non prioritaire pour les directions d’établissements

Problème : bien que bardée de nombreux prix et saluée à chaque présentation publique pour les perspectives ouvertes dans la formation à l’autonomie des jeunes, la solution ne parvient pas à franchir les portes des établissements médico-sociaux. Nombre d’éducateurs seraient prêts à intégrer les logiciels à leur pratique quotidienne, ne serait-ce que pour tester, mais les directions rechignent toujours à franchir le pas. En cause : un contexte où se mêlent tension budgétaire et faible culture numérique.

Michael Carré, président de I-Virtual, une start-up lancée en 2014 pour commercialiser les logiciels Utopia et les technologies de mesure de l’état émotionnel qui les complètent, avoue sa déception. Directeur santé de Médialis, un éditeur de logiciels de coordination pour les professionnels du médico-social, il intègre systématiquement Utopia dans les actions de marketing et de communication de son entreprise. Pour l’heure, sans résultat. « Les institutions n’ont aucun frein financier pour se doter de nos outils de coordination et de suivi du dossier usager, car elles en ont besoin tous les jours, ne serait-ce que pour faire du reporting à leurs financeurs. Alors que Utopia reste perçu comme une solution de confort, un bonus pour les éducateurs et les animateurs, et non pas pour la direction », observe-t-il.

La gratuité, un sésame pour ouvrir les portes ?

Exit la première tentative de faire rentrer les « environnements adaptatifs » dans les techniques des établissements français du handicap ? Les partenaires s’y refusent. « On ne peut avoir fait tout ce travail pour rien », s’offusque Alain Pruski. Afin de compenser les résistances des directions à investir dans un outil jugé non prioritaire, un choix radical a été fait : donner les logiciels. L’expérience a commencé fin septembre auprès d’un panel d’une soixantaine de services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), qui recevront à leur demande une licence d’exploitation. Tout au long de l’année 2018, les établissements et services du handicap cognitif, mental ou psychique tentés par l’aventure pourront, eux aussi, bénéficier de cette opportunité pour le moins inédite dans le domaine des nouvelles technologies. I-Virtual estime que plusieurs centaines de logiciels devraient être ainsi distribués.

« Au moins, cela permettra que des gens puissent découvrir ces outils, en mesurer les potentiels et ce qu’ils peuvent en retirer pour leur activité quotidienne », défend Alain Pruski. L’espoir ? Qu’un bouche à oreille positif des utilisateurs commence à opérer en permettant de démystifier la réalité virtuelle et ses apports pédagogiques. Avis aux amateurs.

 

Contact : I-Virtual-Medialis

9, avenue du Val de Fontenay, 94120 Fontenay-sous-Bois

Tél. : 01 82 83 81 20

 

 

Retrouvez nos précédents articles sur "le travail social à l'heure du numérique" :

Tous les articles de cette série sont rassemblés ici (lien à retrouver sur le site de tsa, dans la colonne de droite, rubrique "Dossiers").

Michel Paquet
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