La loi Montagne 2 accouche d'une petite souris verte

05.01.2017

Environnement

Le texte, mauvais remake de la loi de 1985, délaisse les préoccupations environnementales.

Un peu à la manière d'Hollywood qui recycle ses vieux classiques en autant de remakes souvent fades et insipides, le législateur français, lui, modernise ses textes fondateurs. Mais il n'est jamais facile de s'attaquer à une pièce maîtresse. Le résultat n'est en tout cas guère probant, loin s'en faut, s'agissant de la nouvelle législation sur les espaces montagnards.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Un peu plus de trente ans après l'adoption de la loi Montagne (L. n° 85-30, 9 janv. 1985 : JO, 10 janv.), l'intitulé du nouveau texte affichait pourtant une ambition de "modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne". Hélas, cette copie est bien pâle comparée au texte fondateur, malgré un nombre d'articles proches en nombre (95 contre 102 pour la loi de 1985). On rappellera que les parlementaires, toujours prompts à dénoncer le trop-plein de réglementation, n'ont pu s'empêcher de gonfler de manière excessive un texte qui, à l'origine, n'en comportait... que 24.

 

Mais la loi n'est pas seulement bavarde (il faut lire l'article 1er qui redéfinit les objectifs de l'État pour s'en convaincre), elle cumule aussi les réécritures de dispositions existantes, notamment en matière d'aménagement et d'urbanisme (v. ci-dessous) sans apporter de réelles nouveautés (tout change pour que rien ne change).

 

Et la protection de l'environnement dans tout cela ? Le constat est rapide : le volet environnemental, déjà très peu ambitieux dans le projet de loi initial (un seul article !), demeure si réduit dans la version définitive qu'on se demande bien s'il n'y a pas eu de coupure au montage...

 

Ne nous leurrons pas : il s'agit avant tout d'une loi économique ayant pour objectif de "soutenir l'emploi et le dynamisme économique en montagne" (intitulé du titre II), notamment les activités touristiques, pas de renforcer la préservation des espaces naturels montagnards.

 

Seule consolation (mais en est-ce bien une ?), le choix de la procédure accélérée a permis de faire adopter le texte en un temps record : 4 mois.

La valeur "environnement" ne fait plus recette

Un indice ne trompe pas : parmi les 17 objectifs de l'action de l'État en faveur de la montagne, celui consacré à environnement arrive en dixième position - "veiller à la préservation du patrimoine naturel ainsi que de la qualité des espaces naturels et paysages" (L., art. 1er), alors que cet item arrivait en seconde place (sur cinq) dans la loi de 1985. L'environnement, ça commence à bien faire ?

 

On pourra objecter que l'objectif de prise en compte et d'anticipation du changement climatique arrive troisième dans la course, mais celui-ci a seulement pour but de soutenir "l'adaptation de l'ensemble des activités économiques à ses conséquences". Et la nature, n'a-t-elle pas besoin qu'on la soutienne également ?

 

A la lecture du titre IV, "Renforcer les politiques environnementales à travers l'intervention des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux", on se dit avec un peu d'inquiétude que l'ambition du législateur est bien courte : comment réduire la politique environnementale à ces deux instruments ?

 

Et lorsqu'on parcourt ce même titre, le malaise s'accentue : cinq malheureux articles (art. 84 à 88) pour traiter du sujet ! (estimons-nous heureux, le projet de loi n'en comportait qu'un !). Pour ne rien arranger, parmi ces articles, certains sont hors-sujet et n'ont rien à voir avec l'intitulé du titre IV : les parlementaires ont tout simplement oublié de le mettre à jour !

 

Ceci est d'autant plus dommage que ce texte, bien qu'ayant fait l'objet d'une procédure accélérée, a bénéficié de propositions intéressantes de la part du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ce dernier estimait d'ailleurs et à juste titre que le texte faisait l'impasse sur certains enjeux écologiques, tel que le changement climatique, la gestion et de l'eau, la protection des milieux aquatiques ou encore le soutien de l'État et des collectivités pour protéger la biodiversité. Or, les quelques articles de la loi ne répondent pas à ces objections.

Les parcs naturels régionaux en montagne sans zone de silence

Le seul article sur l'environnement du projet de loi initial  est partiellement repris (L., art. 87). Il prévoit que "Le syndicat mixte d'aménagement et de gestion du parc naturel régional contribue, sur le territoire classé et dans le cadre de la charte du parc, à la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et à la mise en cohérence des politiques publiques sur ces territoires. Il contribue au renforcement des solidarités territoriales, en particulier entre les territoires urbains et montagnards" (C. envir., art. L. 333-2).

 

Malheureusement, un second alinéa, plus intéressant, n'a pas survécu au débat parlementaire. Il prévoyait que  "Lorsque le parc est situé en zone de montagne, la charte peut définir des zones de tranquillité, garantissant la priorité aux espèces animales et végétales sauvages et l’absence de nuisances susceptibles de gêner le libre déroulement des processus écologiques caractéristiques de ces espèces, en réduisant ou interdisant toute forme d’exploitation non compatible avec le déroulement des processus écologiques."

 

Voilà pour le "renforcement" des politiques environnementales". Les autres dispositions concernent la gestion de l'eau, mais pas sa préservation.

La gestion équilibrée de l'eau... pour certains lobbies

Les dispositions sur l'eau que prévoit le texte n'ont ni pour objet, ni pour effet de renforcer la préservation de cette ressource en montagne, ni de prendre en compte les effets du changement climatique. Elles sont dictées par la pression des lobbies agricoles et de l'hydroélectricité.

 

Ainsi, les articles 85 et 86 modifient l'article L. 211-1 du code de l'environnement, qui liste les intérêts devant être pris en compte afin d'assurer une gestion équilibrée et durable de l'eau. Deux nouveaux intérêts font leur apparition :

 

- "la promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières et de subvenir aux besoins des populations locales". Tant pis si ces retenues artificielles, en béton et clôturées, sont une véritable plaie paysagère et qu'elles servent surtout pour assurer le fonctionnement des canons à neige ;

 

- "la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. ». Cette dernière disposition revient de loin : elle avait été créée par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2017 (Architecture et patrimoine), puis supprimée par la loi Biodiversité un mois plus tard. La loi Montagne 2 la rétablit dans sa version approuvée par la loi Patrimoine.

 

L'article 88 prévoit quant à lui que les départements peuvent, à compter du 1er janvier 2018, progressivement abroger les décisions d'attribution d'énergie réservées accordées par l'État à des bénéficiaires situés sur leur territoire antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 91 de la loi de 1985 (C. énergie, art. L. 522-2).

 

Enfin, l'article 84 donne au comité de bassin le soin de veiller à ce que soient pris en compte les surcoûts liés aux spécificités de la montagne dans l'élaboration des décisions financières de l'agence de l'eau lorsque celle-ci intervient en zone de montagne (C. envir., art. L. 213-8).
La prise en compte de la spécificité de la montagne au service de la destruction d'espèces protégées

Au titre des objectifs posés à l'article L.1 du code rural, la loi prévoit que la politique de l'agriculture en montagne a pour finalit�� de "compenser les handicaps naturels, pour tenir compte des surcoûts inhérents à l'implantation en zone de montagne, pour lutter contre l'envahissement par la friche de l'espace pastoral et pour préserver cette activité agricole des préjudices causés par les actes de prédation, qui doivent être régulés afin de préserver l'existence de l'élevage sur ces territoires". Et la loi ajoute "aux fins de réaliser ce dernier objectif, les moyens de lutte contre les actes de prédation d'animaux d'élevage sont adaptés, dans le cadre d'une gestion différenciée, aux spécificités des territoires, notamment ceux de montagne".

 

Le texte fait ainsi clairement allusion à la prédation imputée aux grands prédateurs (loups, ours, lynx) pour laquelle la seule réponse proposée est la destruction de ces espèces pourtant protégées (mais le sont-elle encore ?). L'article L. 427-6 du code de l'environnement qui donne au préfet compétence pour organiser des battues administratives permettant la destruction d'espèces sauvages (hors espèces protégées) est modifié pour prévoir que ces battues "peuvent être adaptées aux spécificités des territoires de montagne, en particulier en matière de protection des prairies permanentes". Mais puisque ces battues ne peuvent porter sur des prédateurs protégés, on se demande bien sur quoi ces battues vont-elles pouvoir porter ?

 

De manière plus novatrice, le texte prévoit que "la dotation globale de fonctionnement et le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales intègrent les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale" (L., art. 4).
Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances

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