La loi Travail ne bouleversera pas les pratiques des DRH

La loi Travail ne bouleversera pas les pratiques des DRH

09.09.2016

Gestion du personnel

Selon le sondage dévoilé hier par l’ANDRH, les DRH jouent la prudence face à la loi Travail. 58% d’entre eux estiment que la signature d’accords d’entreprise ne sera pas facilitée à court terme par la mise en place d’accords majoritaires. Les points de vigilance restent nombreux.

Promulguée le 8 août dernier après cinq mois de conflits sociaux et politiques, la loi Travail va entrer progressivement en vigueur. Les DRH vont-ils se saisir rapidement de ses opportunités pour modifier la durée du travail, négocier des accords offensifs, bouleverser les congés ou faciliter le recours aux licenciements ? Le big bang, souhaité par les défenseurs du texte mais redouté par ses opposants, n’aura pas forcément lieu, selon le sondage de l’ANDRH réalisé auprès de 448 DRH, dont 77% exerçant des responsabilités en matière de négociation sociale. Car sur le terrain, la mise en œuvre devrait être prudente.

Négociation d’entreprise : la crainte de perdre en attractivité

La négociation d’entreprise ne les effraie pourtant pas. "Les DRH accueillent l’article 2 [devenu depuis l'article 8] avec intérêt et pragmatisme", insiste Jean-Paul Charlez, président de l’association. D’une part, "il permettra de rapprocher la négociation du terrain et de responsabiliser les partenaires sociaux". D’autre part, il tendra à donner plus de "souplesse" et de "réactivité" dans l’organisation du temps de travail.

Reste que de la théorie à la pratique, la démarche n’est pas aisée. C’est pourquoi, 58% d’entre eux estiment que la signature d’accords d’entreprise ne sera pas facilitée à court terme par la mise en place d’accords majoritaires. Ces derniers semblent, d’ailleurs, hors de portée pour beaucoup de négociateurs. Or, sans majorité, "les alliances ne vont pas de soi", pointe l’ANDRH. Et le référendum est perçu comme un exercice risqué. Les DRH craignent, en effet, que "cette consultation soit utilisée comme canal d’expression d’un mécontentement à l’égard de la direction indépendamment de l’objet pour lequel les salariés sont consultés", poursuit Jean-Paul Charlez. Aussi les DRH envisagent-ils de n’y recourir qu’à titre exceptionnel, "en cas de blocage ou d’impossibilité d’aboutir à un accord".

Surtout, ils redoutent que de tels accords creusent les disparités au sein d’une même branche, voire entre grandes entreprises et petites sociétés. A fortiori dans les secteurs pénuriques, tels que les télécoms ou  les nouvelles technologies. Difficile dans ce contexte pour les recruteurs d’attirer les profils rares et convoités de tous.

Ils attendent également l’ouverture des négociations de branche. Celles-ci sont, en effet, amenées à définir un ordre public conventionnel, c’est-à-dire les thèmes (autres que le temps de travail) pour lesquels les accords d’entreprise ne pourront pas être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche. Un sujet, à leurs yeux, "prioritaire" pour franchir le pas.

Licenciement économique : un impact limité

Côté licenciement économique, la nouvelle définition ne devrait avoir qu’un impact limité sur les ruptures du contrat de travail. Les DRH regrettent, en effet, que le texte ne soit pas allé plus loin, c’est-à-dire qu’il n’ait pas retenu, comme dans la première version du projet de loi, le périmètre national pour l’appréciation du motif économique, considéré comme "correspondant davantage à la réalité".

Résultat : selon l’ANDRH, la loi ne facilitera pas les plans sociaux. Au mieux, elle apportera une plus grande sécurité juridique (29%) et une meilleure "adaptation à la réalité de leur organisation" (27%). Au pire, elle n’aura aucun effet (22%).

Durée du travail : les forfaits jours moyennement sécurisés

De même, ils restent très nuancés sur les nouvelles dispositions concernant les forfaits en heures ou en jours. Les clauses obligatoires de ces accords d’entreprise ou d’établissement (à défaut accord ou convention de branche) doivent désormais comporter des garanties minimales sur l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié; le droit à la déconnexion et prévoir des temps d’échanges sur la charge de travail et l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle. Or, seuls 37% des DRH estiment que ces nouvelles dispositions limiteront le risque de contentieux.

CPA : vers une "usine à gaz"?

Enfin, les DRH resteront très vigilants sur la création du compte personnel d’activité. Ils se disent déjà "échaudés" par le Dif et le compte personnel de formation (CPF). Et redoutent que le dispositif voulu par François Hollande ne se transforme en "usine à gaz". Car si "le CPA peut apporter une meilleure visibilité pour le salarié, bien informé de ses droits et acteur de son parcours professionnel", il risque également "d’aggraver la fracture entre les collaborateurs maîtrisant bien les outils informatiques et les autres". Il pourrait également alourdir la charge administrative des DRH. Ce qu’ils ne souhaitent vraiment pas.

Aussi veulent-ils apporter leur contribution à la discussion. 53% d’entre eux se disent ainsi favorables à l’intégration du compte épargne-temps dans le CPA. Mais ils souhaitent limiter son utilisation à un "projet de formation de reconversion suite à une suppression de poste ou des restrictions médicales importantes".

 

 "La loi Travail ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt"

En dehors de la loi El Khomri, "d’autres chantiers animent la vie des DRH en cette rentrée", observe Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH. Parmi les dossiers en urgence, les DRH attendent avec impatience les décrets d’application des lois Rebsamen et Macron, promulguées l’an dernier. Parmi les absents figurent ainsi, pour la loi Croissance et activité, la publication du référentiel indicatif applicable à l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou encore les modalités d’indemnisation du défenseur syndical exerçant son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou dépendant de plusieurs employeurs. Côté loi Dialogue social, le fonctionnement des nouvelles commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les salariés des TPE n’est toujours pas connu.

L’évaluation de la pénibilité est également inscrite à l’agenda des DRH. Les entreprises doivent se mobiliser pour évaluer les seuils d’exposition de leurs salariés concernés par le dispositif. C’est en janvier 2017 que celles-ci devront effectuer leur déclaration annuelle à la Cnav ou à la Carsat via la DSN (Déclaration sociale nominative) ou la DADS. Or, aucun mode d’emploi n’existe, faute de référentiels de branche. De même, ils doivent s’atteler à la dématérialisation et à la simplification du bulletin de paie et décliner pour chaque individu l’impact des transformations numériques à l’œuvre dans les entreprises, en termes de carrières et de formation.

Autre dossier délicat : celui de  retenue de l’impôt à la source. Sur ce sujet, les DRH craignent "un effet psychologique important pour les salariés", assure Benoît Serre. Avec à la clef, un "net moindre sur la fiche de paie par rapport aux années précédentes". De quoi relancer les revendications salariales lors des NAO. Sans que ces derniers puissent disposer d’enveloppes supplémentaires, "l’Etat transférant ses responsabilités vers les entreprises".

Enfin, les DRH veulent, cette année encore, investir le champ de la qualité de vie au travail. "Une question qui est en train de devenir un sujet central", note Jean-Paul Charlez. Et qui englobe pêle-mêle la santé au travail, les conditions de travail, à la fois individuelles et collectives, le télétravail, la flexibilité des horaires, la diversité, l’égalité hommes/femmes, les salariés aidants, le handicap ou encore le management intergénérationnel…

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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