"La réduction des coûts et la flexibilité du marché du travail sont à l'oeuvre dans cette réforme"

"La réduction des coûts et la flexibilité du marché du travail sont à l'oeuvre dans cette réforme"

10.10.2017

Gestion du personnel

L'Association française du droit du travail (AFDT) organisait jeudi dernier une conférence sur les ordonnances réformant le code du travail en présence d'universitaires et de praticiens. L'occasion de débattre de la philosophie sous-jacente à la réforme.

Les ordonnances, outre les nombreuses questions techniques qu'elles soulèvent, suscite aussi des débats sur la philosophie qui les porte. C'est ce questionnement qui a été au coeur de la conférence organisée jeudi soir par l'Association française du droit du travail (AFDT). Au-delà des critiques sur l'esprit des ordonnances, universitaires et praticiens ont pointé les risques d'insécurité juridique induits par leur mise en oeuvre.

Un risque de "dévaluation sociale"

Pour Antoine Lyon-Caen, professeur émérite à l'université Paris X Nanterre, "la réduction des coûts et la flexibilité du marché du travail sont les deux rationalités qui sont à l'oeuvre dans cette réforme". Poursuivant une argumentation développée dans Le Monde le 1er octobre dernier, il estime que pour les auteurs de la réforme, "le droit est un instrument qui doit permettre d'obtenir certains résultats économiques et sociaux". "Ils cherchent à réduire les coûts. C'est une dévaluation sociale qui est opérée. On donne corps au droit du marché du travail et non au droit du travail", regrette-t-il.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Le reflux du juge

Le professeur de droit a aussi pointé le recul du rôle du juge dans les cinq ordonnances. "Moins il y a de juge et mieux on se porte", a-t-il ironisé. Il y a selon lui, dans cette réforme, "le rêve d'une légalité sans droit où il n'y aurait pas d'opposition d'intérêts, pas de possibilité de saisir le juge pour dire si le comportement est respectueux". Il en veut pour preuve, notamment, les nouveaux accords portant sur l'emploi. "Ces accords doivent-ils suivre un objectif contrôlable ? ; la générosité de l'objectif ("les nécessités du fonctionnement de l'entreprise") pour lesquels ils peuvent être conclus pourrait permettre d'écarter tout contrôle du juge", craint-il. Cette réforme vise donc, selon lui, à "faire reculer l'intervention du juge et à refouler le contentieux".

Défaire des jurisprudences

Et cet aspect de la réforme est également visible dans l'encadrement de la jurisprudence, constate le professeur de droit qui observe "des ruptures très nettes avec la jurisprudence" notamment sur la lettre de licenciement. "Il n'y avait quasiment plus de contentieux sur le fait que la lettre de licenciement fixe les limites du litige", constate-t-il. Selon lui, les ordonnances vont rouvrir la boite de Pandore et vont créer une nouvelle "situation insécure" pointant notamment le sens à donner au terme "préciser", les conséquences de l'absence de précision de la part de l'employeur et la sanction... Autant de questions sans réponse aujourd'hui.

Pour Pierre Bailly, ancien doyen de la chambre sociale de la Cour de Cassation, les ordonnances opéreraient presque un retour à la loi du 13 juillet 1973 sur le licenciement : "on imposait une cause réelle et sérieuse et il était prévu un système qui n'imposait pas de motiver le licenciement mais permettait au salarié d'en faire la demande dans un délai déterminé".

Des IRP non adaptables

S'agissant de la fusion des IRP, Antoine Lyon-Caen déplore le recul de la négociation sur la question de la représentation du personnel. "C'est la première fois que la loi interdit de faire naître de nouvelles IRP", dénonçant "un coup de force législatif". "Il aurait fallu laisser à la négociation collective la possibilité de créer un système de représentation adapté".

Des accords sans négociation

Enfin, un autre aspect de la réforme a été critiqué : la possibilité pour les petites entreprises de soumettre un projet d'accord à la consultation des salariés et à la ratification des 2/3. "Nous sommes à la frontière de ce que permet l'article 8 du Préambule de 1946, juge Antoine Lyon-Caen. Soumettre à la ratification collective une proposition de l'employeur - qu'on l'appelle document unilatéral ou non -  se fera sans négociations. On négocie en principe avec quelqu'un qui représente", souligne-t-il.

Florence Mehrez
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