La rétention à la frontière sans texte n'est pas forcément illégale

15.06.2017

Droit public

Pour le juge des référés du tribunal administratif de Nice, les étrangers interpellés à la frontière franco-italienne doivent être placés en zone d'attente seulement si l'examen de leur situation excède une durée de quatre heures.

Dans une ordonnance du 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Nice juge que la pratique de la « rétention provisoire », par la police aux frontières, des étrangers qui tentent de pénétrer sur le territoire français par la frontière franco-italienne ne constitue pas, par elle-même, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de circulation ou au droit d’asile, dans la seule mesure où cette rétention n’excède pas quatre heures.
 
Au-delà de cette durée, les intéressés doivent cependant être transférés vers une des zones d’attente prévues par les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du Ceseda, « leur donnant ainsi accès aux droits et garanties prévus par ces dispositions ».
Remarque : le juge était saisi par un collectif d’associations (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers – Anafe, Gisti, Avocats pour la défense des étrangers, Cimade) qui considérait que la rétention des étrangers à la frontière franco-italienne était opérée dans des conditions portant atteinte aux droits des intéressés, qui étaient privés notamment du droit d’exercer un recours et de l’accès à un avocat et aux associations de défense des étrangers.
Dans sa décision, le juge estime d’abord que les fonctionnaires de police peuvent retenir provisoirement les intéressés afin de procéder à un examen de leur situation. Il exige néanmoins que cette opération n’excède pas un délai raisonnable et que cette rétention se déroule dans des conditions matérielles respectueuses de leur dignité.
 
Pour justifier cette solution, le juge s’appuie notamment sur la décision « Saadi » de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans laquelle la Cour « a admis que la faculté des États de placer en détention des candidats à l’immigration est un corollaire indispensable au droit de contrôler l’entrée et le séjour des étrangers ». Dans cette décision, les juges de Strasbourg considéraient également que, pour ne pas être arbitraire, cette détention « doit se faire de bonne foi, doit être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire [et] doit se dérouler dans des conditions appropriées », sa durée ne devant pas excéder « le délai raisonnable pour atteindre le but poursuivi » (CEDH, 29 janvier 2008, aff. 13229/03, Saadi c./ Royaume-Uni).
Remarque : faute de reposer sur un texte, la base juridique de cette « rétention provisoire » paraît toutefois fragile, alors que la CEDH exige toujours (d’une manière générale et comme dans la décision précitée) qu’une mesure de privation de liberté soit fondée sur une base légale. Et si le juge se réfère à l’article 78-3 du code de procédure pénale (qui fixe la durée de vérification d’identité à une durée de quatre heures), cette disposition ne semble pas applicable en l’espèce les vérifications en cause étant opérées hors du territoire.
Par ailleurs, le préfet ayant reconnu qu’il était dans l’impossibilité de préciser quelles étaient les durées des mesures de rétention dans chaque cas, le juge des référés lui enjoint de placer en zone d’attente toutes les personnes dont le maintien dans les locaux de police excéderait quatre heures.
 
Enfin, estimant qu’elles n’étaient pas établies « de façon suffisamment certaine et précise », le juge écarte l’ensemble des allégations des associations qui dénonçaient notamment le fait que les personnes retenues n’étaient pas informées de leurs droits et que leur rétention ne leur permettait pas de déposer une demande d’asile.
Remarque : les associations ont annoncé faire appel de l’ordonnance.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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