"Laissez tomber les pointeuses"

"Laissez tomber les pointeuses"

09.10.2018

Gestion du personnel

L’économiste Nicolas Bouzou, co-auteur avec la philosophe Julia de Funès, de l’essai "La comédie (in)humaine" dresse un constat sans appel du management actuel. Parmi ses préconisations, le développement du télétravail, la réduction du nombre de réunions, le rejet des pointeuses ou encore les formations aux humanités.

Dans votre essai (1), vous faites une critique sévère des pratiques de management actuelles. Comment en est-on arrivé là ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les modes managériales se sont jusqu’ici appuyées sur les contrôles, les process et la centralisation. Des économistes du Boston consulting group ont montré que depuis 1955, la complexité organisationnelle dans les entreprises avait augmenté entre cinq et six fois plus vite que la complexité de l’environnement économique et normatif. Or, on ne fait pas une entreprise innovante en multipliant cette complexité. Il faut lutter contre ça. Ce type de pratiques génère de l’inefficacité économique et de la souffrance sociale.

Pourquoi ?

Dans cette configuration, les salariés sont infantilisés, ils ressentent un malaise car ils ne se sentent pas valorisés et même empêchés... D’où un détachement de plus en plus fréquent, notamment des jeunes générations. Les salariés ne sont pourtant pas contre l’entreprise. Mais ils n’aiment pas ce qui leur fait perdre du temps et les empêche de travailler, les reporting, les réunions séminaires, les formations inutiles… Surtout, ils ne trouvent pas de sens à leur travail.

Quels sont les risques encourus par les entreprises?

La  troisième révolution technologie qui se profile, à la croisée du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle, nécessite de nouvelles compétences afin d’encourager la culture de l’innovation et d'adopter une vision systémique de l’entreprise pour répondre à des problèmes inattendus. Les sociétés doivent attirer les meilleurs éléments, et non pas les faire fuir.

C’est pourquoi il faut remettre les valeurs managériales à l’endroit, en valorisant cinq qualités : la capacité à innover, l’audace, l’efficacité, le courage et la réflexion.

Comment améliorer la relation entreprise-salariés ? Que préconisez-vous ?

L’une des priorités est de redonner du sens, de définir l’objectif. En clair, répondre à la question suivante : pourquoi j’irais travailler ? La performance n’est pas une fin en soi, elle doit être utilisée comme un moyen. Aussi est-il nécessaire de définir un mantra et de l’afficher dans l’entreprise. Il doit tenir en quelques mots. Le mantra de Facebook était "Relier le monde", celui de SpaceX pourrait être "Amener les humains sur Mars". Un laboratoire pharmaceutique afficherait "Tuer le cancer"…

Autre axe : il faut arrêter de considérer les fonctions managériales comme des promotions mais comme des compétences. Cet automatisme conduit à des situations absurdes dans lesquelles d’excellents techniciens se retrouvent managers sans savoir faire coopérer des gens entre eux. Rappelons-le : le rôle du manager est de donner du sens, lever des contraintes, mettre en relation des salariés éloignés dans l’entreprise, identifier quelles sont les qualités individuelles des collaborateurs qui peuvent être mises au service du projet de l’entreprise… Ces qualités sont aussi humaines que techniques.

J’y ajouterais la confiance.  Et sur ce point, le télétravail a fait beaucoup, en obligeant les managers à faire confiance à leurs subordonnés.

Vous remettez également en cause l’utilisation des pointeuses ?

Le droit français ne permet pas toujours de se passer de ce type d’outils. Cette partie de notre législation est réactionnaire. Les entreprises doivent pourtant faire en sorte que le plus grand nombre possible d’employés ne soit pas concernés par le contrôle uniquement quantitatif du temps de travail. Les gens brillants ne pointent pas. Et ces derniers ne demandent pas à travailler peu mais à être autonomes.

Vous critiquez aussi le recours aux formations inutiles ?

De nombreuses entreprises investissent dans des formations aberrantes, ludiques où l’on part en séminaire faire des escape games. Mais ne faut-il pas à la place aider les salariés à reprendre de la hauteur pour adopter une vision systémique de l’entreprise, de son environnement et de ses problématiques ? C’est pourquoi je suis favorable à des formations en humanités, pour enrichir la pensée, nuancer les mots, affûter les esprits. Pourquoi ne pas faire appel à des philosophes, des économistes et des écrivains ? Misons sur les fondamentaux : la pensée et le langage plutôt que des formations prétendument "business".

Quel doit être le rôle du DRH ?

Il doit être un accompagnateur, un facilitateur de ces transformations. Il doit revenir au centre du jeu. Le DRH a trop longtemps été considéré comme un super agent administratif. Il doit aujourd’hui affirmer son leadership dans cette transformation. C'est-à-dire récupérer des fonctions qui sont dévolues aujourd’hui à la direction des services, à la direction immobilière (qui a son mot à dire sur l’ordonnancement des bureaux, les open spaces, l’articulation avec le télétravail...) et évidemment, quand il y en a, aux chief happiness officers Les DRH doivent avoir la main sur la mission essentielle des entreprises du 21e siècle : attirer les meilleurs et les garder. Ils doivent pour ce faire utiliser tous les moyens possibles.

 

(1) "La comédie (in)humaine", Les éditions de l'Observatoire, septembre 2018

Anne Bariet
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