Lanceurs d’alerte : les pays de l’OCDE peuvent mieux faire

Lanceurs d’alerte : les pays de l’OCDE peuvent mieux faire

23.03.2016

Gestion d'entreprise

La protection des lanceurs d’alerte fait l’objet d’une attention toute particulière de l’OCDE. De leurs côtés, l’Union européenne et la France commencent à se saisir de la question.

Selon un nouveau rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques(OCDE) sur les lanceurs d’alerte, publié le 16 mars, les pays membres sont « encore loin de garantir que les salariés signalant des actes répréhensibles survenus sur leur lieu de travail sont protégés de toute mesure discriminatoire ou disciplinaire » (...) « malgré un développement marqué des corpus législatifs en la matière ».

8 pays incitent leurs entreprises aux signalements d'actes

Entre 1999 et 2014, 33 % des cas de corruption transnationale dans les pays de l’OCDE ont été détectés grâce au signalement d’actes répréhensibles ou de lancements d’alertes effectués de manière spontanée. Ainsi une nouvelle fois, l’organisation internationale insiste sur la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte et d’informer les salariés de cette protection, dans son dernier rapport.

En effet, 27 des 41 pays partis à la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption ne protègent pas efficacement les lanceurs d’alerte signalant des faits de corruption internationale, dans les secteurs priv��s et publics. Seuls 8 pays (Australie, Belgique, Canada, Israël, Japon, Corée du Sud, États-Unis et Slovaquie) incitent réellement les entreprises au signalement d’actes répréhensibles et à la protection des lanceurs d’alerte. La France n’en fait pas partie, et, plus globalement, rares sont les pays européens.

86 % des entreprises interrogées, durant une enquête réalisée en 2015 par l’OCDE et reprise dans le rapport, ont pourtant déclaré disposer d’un mécanisme de signalement des soupçons d’actes illicites graves. 53 % d’entre elles prévoient un signalement anonyme et 38 % un mécanisme confidentiel. Un premier pas, qui n'est pas encore suffisant, selon le groupe de travail de l'OCDE. Pour être réellement performant et efficace, le régime de protection doit reposer sur une communication d’informations précise des salariés.

Les évolutions européenne et française

Pour le moment, aucune définition des lanceurs d’alerte n’est, en effet, établie dans le droit ou la jurisprudence européenne. Néanmoins, l’Union européenne, dans son projet de directive dite « secret des affaires » prévoit que les salariés ne pourront pas être traduits en justice s’ils ont révélé un secret d’affaires à leurs représentants (voir notre article). Une directive qui devrait obliger les pays membre de l’UE à donner des garanties aux lanceurs d’alerte.

En France, la loi protège actuellement les lanceurs d'alerte en matière d’environnement (article L 1351-1 du code de la santé publique) et de fraude fiscale (article L 1132-3-3 du code du travail). Selon ces articles, le salarié ne peut a priori pas être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte au motif « qu'il a relaté, ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ». En pratique, rares sont ceux qui prendraient le risque de dénoncer des pratiques douteuses de leur employeur, méconnaissant souvent ce régime de protection (voir notre article).

Le projet de loi Sapin « pour la transparence et la modernisation de la vie économique » devrait aller plus loin en proposant de nouvelles mesures relatives aux lanceurs d’alerte.

D’après le texte en notre possession, le code monétaire et financier dans le nouvel article L. 634-1 assurerait une protection des personnes, signalant à l’Autorité des marchés financiers ou à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des manquements relatifs aux abus de marchés, aux règlements de titres dans l’Union européenne, aux documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, aux marchés d’instruments financiers ainsi qu’aux placements collectifs commis par des sociétés de gestion. Une aide financière, destinée notamment à l'assistance juridique des lanceurs d'alerte, devrait aussi être prévue grâce aux versements « des contributions destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité » que l’Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués devrait pouvoir verser à l’Etat.

Enfin, selon ce projet de loi, « les entreprises d’au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros » devront mettre en place « un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ».

 

 

Delphine Iweins

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