L'assistance éducative au menu de la loi "sécurité publique"

03.03.2017

Droit public

Expérimentation d'une double prise en charge, par l'ASE et la PJJ, des mineurs placés au titre de l'assistance éducative et concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement : focus sur deux mesures de la loi du 28 février relative à la sécurité publique.

Bien que son nom ne l'indique pas, la loi relative à la sécurité publique du 28 février contient deux mesures concernant les mineurs placés au titre de l'assistance éducative. D'une part, elle permet, à titre expérimental et sous conditions, au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) d'apporter aide et conseil au service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à qui a été confié un mineur dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative. D'autre part, elle autorise le procureur de la République à requérir le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en cette matière.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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La PJJ en renfort de l'ASE

Depuis plusieurs années, les services de la PJJ s'étaient totalement désengagés de l'assistance éducative pour se recentrer exclusivement sur la prise en charge des mineurs relevant de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante.

Curieusement, c'est la loi relative à la sécurité publique qui, à titre expérimental et pour une durée de 3 ans, permet au  juge des enfants, sur réquisitions écrites du ministère public, lorsqu'un mineur sera confié au service de l'ASE dans le cadre de l'assistance éducative (C. civ., art. 375-3, 3°), de charger un service du secteur public de la PJJ d'une mesure d'aide et de conseil au service de l'ASE ainsi qu'à la famille et de suivre le développement de l'enfant (mesure d'action éducative en milieu ouvert - AEMO). Ce, lorsque la situation et l'intérêt de l'enfant le justifieront. La mesure d'AEMO sera financée par l'État. Cette expérimentation a vocation à être mise en œuvre "pour les situations particulièrement complexes, telles que celles des enfants de retour de théâtres d'opérations de guerre et qui nécessitent une expertise spécifique", précise l'étude d'impact du projet de loi. En d'autres termes : les mineurs présentant un risque de radicalisation.

Jusque-là, en application des dispositions de l'article 375-4 du code civil, cette "double mesure" (placement �� l'ASE et AEMO) n'était pas possible lorsque le mineur était confié à l'ASE. Ce, "afin d'éviter les doubles références éducatives et la facturation de deux mesures éducatives aux départements, chargés de financer les mesures d'assistance éducative", explique l'étude d'impact.

Cette réforme est pour le moins curieuse. Pourquoi cette mesure doit-elle être exclusivement confiée au secteur public de la PJJ et pas au secteur associatif habilité (SAH), généralement en charge des mesures d'AEMO ? Plusieurs raisons ont été avancées au cours des travaux parlementaires, parmi lesquelles figurent - sans grande surprise - des considérations financières (Rapp. Sénat n° 309, 18 janv. 2017). On peut y voir la volonté de l’État de reprendre un peu la main sur les dispositifs de protection de l'enfant après avoir constaté que les départements ont tendance à se désengager financièrement du suivi des mineurs confiés au service de l'ASE.

Par ailleurs, comment les services de la PJJ vont réagir si les juges des enfants multiplient ce type de mesure ?

La loi prévoit que 6 mois avant le terme de l'expérimentation le gouvernement adressera un rapport d'évaluation, qui abordera peut-être les points soulevés.

Concours de la force publique pour faire exécuter une mesure de placement

L'exécution forcée des mesures de placement ordonnées dans le cadre de l'assistance éducative a toujours été source de difficultés. Si la procédure d'assistance éducative est une procédure civile, il s'agit dans son esprit d'une procédure de police dont le but est d'assurer la protection d'un mineur. Lorsque les parents ou un tiers gardien s'opposaient à une mesure de placement ordonnée par le juge des enfants, le parquet hésitait, faute de cadre légal, à solliciter le concours de la force publique. Généralement, il faisait interpeller l'opposant sur la base du délit de non représentation d'enfant (C. pén., art. 227-5) et faisait remettre l'enfant au service ou à la personne à qui il avait été confié.

Dorénavant, l'article 375-3 du code civil dispose que le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter  les décisions de placement rendues en assistance éducative.

Une circulaire viendra sans doute préciser les modalités précises et détaillées de ce recours à la force publique.

 

 

Bernard Azema, Magistrat honoraire
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