Laurent Grandguillaume : "Pour réussir l'expérimentation Zéro chômeur, il faut un consensus local"

Laurent Grandguillaume : "Pour réussir l'expérimentation Zéro chômeur, il faut un consensus local"

25.01.2018

Action sociale

Ce 25 janvier, les dix sites de Territoires zéro chômeur de longue durée ouvrent leurs portes au public. Un an après le démarrage de cette expérimentation, plus de 400 CDI y ont été créés. Une centaine d'autres territoires frappent à la porte. Les explications de Laurent Grandguillaume, ancien parlementaire rapporteur de cette loi et président de l'association Zéro chômeur.

tsa : Quel bilan faites-vous de la première année d’expérimentation du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée ?

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés

Laurent Grandguillaume : Sur les dix territoires retenus, les entreprises à but d’emploi (EBE) comptent en tout plus de 400 salariés en CDI. La montée en charge s’est déroulée comme prévu et va continuer en 2018. Il faut bien voir que ces emplois ont été créés simplement en six à huit mois car il a fallu que les EBE s’installent et démarrent leur recrutement parmi les chômeurs de longue durée. Sur deux territoires, Mauléon dans les Deux-Sèvres (lire notre reportage) et Pipriac en Ille-et-Vilaine, les entreprises devraient embaucher courant 2018 l’ensemble des chômeurs de longue durée volontaires. Cette situation est liée à un travail préparatoire qui a été fait sur ces deux territoires ruraux bien avant le vote de la loi.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement

 

Et pour les huit autres territoires, quelle est la situation ?

Ces huit territoires sont très diversifiés : certains sont urbains, d’autres périurbains, d’autres encore sont ruraux. Le nombre de chômeurs de longue durée varie dès lors énormément : quelques dizaines dans certains territoires ruraux, environ 500 à Villeurbanne. Chacun avance à son rythme en fonction des potentialités des territoires.

 

Justement, à quelles conditions un territoire peut-il réussir cette expérimentation ?

La condition préalable, c’est de construire un consensus local avec tous les partenaires locaux (élus, associations, entreprises) sur la détermination de besoins sociaux non couverts et sur les activités qui peuvent être créées. Sans ce consensus local, rien n’est possible, aucune dynamique ne peut advenir.

 

Dans quels secteurs trouve-t-on ces emplois ?

C’est très diversifié : les EBE sont présentes dans la transition énergétique, dans l’économie circulaire, dans les services à la personne, dans des activités complémentaires aux artisans, voire dans le commerce de proximité. Par exemple, à Villeurbanne, a été ouvert un pressing parce qu’il n’en existait plus. Ailleurs, un café a été rouvert dans un village. Dans la Nièvre où 65 emplois ont été créés, un pôle bois a été ouvert, permettant de vendre du bois à un tarif social. Toutes les entreprises sont multi-activités, ce qui peut permettre aux salariés de passer d’une activité à une autre.

 

Quel est le profil des personnes employées ?

Tous les âges, tous les profils sont présents. Certaines personnes sont porteuses d’un handicap. La durée moyenne de chômage avant l’embauche est de quatre ans. Ce qui signifie que certains sont en inactivité depuis cinq ou six ans. Plusieurs salariés ont déjà retrouvé un emploi ailleurs. C’est beaucoup plus facile quand on est en CDI que lorsqu’on stagne au chômage.

 

Comment se passe l’accompagnement social ?

Il est nécessaire pour certains salariés, mais pas pour tous. Pour ceux qui en ont besoin, un accompagnement peut être proposé par le manager de l’entreprise, mais également par tous les intervenants sociaux mobilisés sur le territoire. Des partenariats sont construits localement avec les associations, les centres communaux d’action sociale, etc. pour répondre aux besoins d'accompagnement exprimés par certains salariés.

 

Que se passe-t-il pour les chômeurs de longue durée qui n’ont, pour l’instant, pas de travail ?

Notre principe, c’est de ne pas sélectionner les chômeurs. Tout le monde peut travailler dans les EBE. Comme nous n’avons pas encore d’activité pour tout le monde, nous constituons des listes d’attente en fonction de la date d’inscription dans notre dispositif. Nous allons travailler avec Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) pour savoir comment travailler avec ces chômeurs qui sont dans l’attente d’une embauche.

 

Comment fonctionne l’association que vous présidez ?

L’association Territoires zéro chômeur de longue durée est financée par diverses fondations et par ses membres fondateurs (ATD Quart Monde, Emmaüs France, etc.). Elle emploie six équivalents temps plein et intervient auprès des territoires en expérimentation ou qui aspirent à le devenir. Notre projet intéresse au-delà des frontières puisque nous sommes déjà intervenus en Belgique, en Autriche et devant le Parlement européen. Je dois, par ailleurs, donner une conférence à l’université d’Harvard aux Etats-Unis.   

 

Votre association parle d’une « stratégie de partage ». Que voulez-vous dire par là ?

Attention, nous ne parlons pas de partage du travail ; ce n’est pas notre propos. Sur chaque territoire, il existe des ressources non exploitées qui peuvent être transformées, si les acteurs locaux travaillent ensemble, en des emplois supplémentaires. L’objectif de cette stratégie du partage est donc de mettre en commun des volontés et des compétences pour développer ces nouvelles activités. Il faut un consensus local, c’est la clé du succès.

 

Cette expérimentation a-t-elle vocation à s’étendre ?

Notre association est en relation avec une centaine de territoires en métropole mais aussi en Outre-Mer qui travaillent déjà sur un projet Zéro chômeur de longue durée. Quelques grandes villes comme Marseille ou Boulogne-sur-Mer en font partie. Nous espérons le vote d’une seconde loi en 2019 pour étendre l’expérimentation. D’ores et déjà, nous avons constitué un comité de parlementaires qui comprend une soixantaine de membres de bords politiques différents.

 

Vous êtes optimiste ?

Je constate que le rapport Borello fait de l’extension de l’expérimentation Zéro chômeur une de ses priorités. Par ailleurs, je sais que le Président Macron est très sensible à notre démarche. J’ai d’ailleurs un rendez-vous avec le secrétaire général de l’Elysée ces jours-ci.

Noël Bouttier
Vous aimerez aussi

Nos engagements