Le cahier de jurisprudence des DP : inaptitude, faute lourde, promesse d'embauche, discrimination

Le cahier de jurisprudence des DP : inaptitude, faute lourde, promesse d'embauche, discrimination

30.06.2017

Représentants du personnel

Un exercice efficace du mandat de délégué du personnel exige de développer de solides connaissances des règles du droit du travail. Pour vous y aider, nous sélectionnons chaque mois la jurisprudence relative à vos domaines de compétence. Voici ce qu'il faut retenir des arrêts rendus en juin.

Comme chaque mois, retrouvez un nouvel épisode du "cahier de jurisprudence des délégués du personnel". L'occasion de vous présenter de manière synthétique la jurisprudence sociale du mois de juin susceptible d'être utile à votre mandat de DP. Pour davantage de facilité de lecture nous l'avons classée par thèmes : inaptitude, rémunération, licenciement et contrat de travail.

Rappelons en préalable que face au CE et aux délégués syndicaux, les délégués du personnel ont un rôle spécifique. D'après l'article L. 2313-1 du code du travail, ils ont pour mission :

1°) de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise ;

2°) de saisir l'inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l'application des prescriptions législatives et réglementaires dont elle est chargée d'assurer le contrôle.

Inaptitude : prise en compte de l'avis du médecin du travail
Jusqu'ici les délégués du personnel ne devaient être consultés, dans le cadre d'une procédure de reclassement, que lorsque celle-ci faisait suite à un accident ou une maladie d'origine professionnelle. La loi Travail étend depuis le 1er janvier 2017 cette obligation aux cas d'inaptitude faisant suite à un accident ou une maladie d'origine non-professionnelle (articles L. 1226-2 et L. 1226-10). Plus généralement, les DP doivent veiller au respect des règles relatives à la santé et à la sécurité.

 

► Après plus d'un an en arrêt maladie, une employée aux écritures d'une société d'optique est déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise. L'employeur se lance alors dans une recherche de reclassement, s'adresse aux différentes sociétés du groupes, et trouve un poste de monteur optique disponible dans l'une des filiales. Avant de proposer ce poste à la salariée, l'employeur adresse un courrier au médecin du travail et lui demande son avis. Ce dernier émet un avis négatif estimant le poste incompatible avec l'état de santé de la salariée. Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est alors prononcé. En réaction, la salariée reproche à la direction de ne pas avoir exécuté de manière complète son obligation de reclassement dans la mesure où elle n'a pas été mise en mesure d'accepter ou de refuser le poste de reclassement. Pour la Cour de cassation, il ne peut être reproché à l'employeur de s'être conformé à l'avis du médecin du travail : "Si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées postérieurement (...) par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation" (lire l'arrêt).

Rémunération : preuve de la différence de traitement
Le rôle du DP, c'est notamment de relayer auprès de l'employeur les réclamations individuelles et collectives relatives au salaire. S'intéresser à la jurisprudence en la matière peut vous aider à appuyer les demandes qui vous apparaissent légitimes.
 
► Une journaliste, déléguée syndicale, exerce depuis 2002 les fonctions de chef de service "études politiques" au Figaro. N'ayant plus évolué ni bénéficié d'augmentation individuelle depuis 2008, la représentante du personnel saisit la justice fin 2015 au motif d'une inégalité salariale. Pour pouvoir démontrer la réalité de cette différence de traitement, la salariée demande au juge des référés qu'il soit ordonné la communication par l'employeur des contrats, avenants, bulletins de paie depuis 2008 de cinq de ses collègues responsables, ainsi qu'un tableau récapitulant les promotions et gratifications reçues depuis 2009 par tous les journalistes. En dernier ressort, la Cour de cassation considère que cette demande "ne procède d'aucun motif légitime" dans la mesure où la DS n'allègue pas avoir subi de discrimination et que les cinq collègues en cause occupent les fonctions de rédacteurs en chef, et non de chef de service (lire l'arrêt).
Rupture du contrat : faute lourde, discrimination syndicale
Pourquoi, en tant que DP, s'intéresser au contentieux du licenciement disciplinaire ? Tout simplement parce qu'un salarié convoqué par l'employeur à un entretien préalable de licenciement ou qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire a le droit de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (articles L. 1232-4 et L. 1332-2 du code du travail). Or il est fréquent que le salarié menacé demande à un délégué du personnel de l'assister et des conseils.

 

► Un directeur comptable et financier est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Concrètement, il est reproché au salarié des détournements commis au détriment de l'entreprise et de ses filiales (pour au moins 190 000 euros sur trois ans), des falsifications destinées à masquer ces détournements, la rétention et la perte de documents essentiels pour l'entreprise, la non exécution de ses missions essentielles de directeur financier pendant plusieurs mois et la dissimulation de cette carence (la direction n'ayant découvert la gravité de la situation qu'à l'issue de la notification d'une contrainte de l'Urssaf). En justice, le licenciement prononcé pour faute lourde, privatif d'indemnités de rupture, est validé. Le directeur financier est même condamné à verser 50 000 euros à titre de dommages-intérêts à son ancien employeur (lire l'arrêt).

► Un infirmier est licencié pour faute lourde. Il est reproché au salarié d'avoir adressé plusieurs lettres à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales et au préfet pour dénoncer faussement des maltraitances et des carences au sein de la société. L'infirmier est également en conflit récurrent avec sa directrice, ce qui "caractérise une intention de nuire", soutient l'employeur. Les juges rappellent alors que la mauvaise foi du salarié, et la volonté de nuire à l'entreprise, ne peuvent résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ou d'un conflit avec la hiérarchie. La faute lourde est écartée (lire l'arrêt).

► Quatre militants CGT d'une fonderie dans le Doubs sont licenciés pour faute grave (les faits reprochés ne sont pas précisés). Ces derniers se disent victimes de discrimination syndicale et revendiquent dès lors leur réintégration dans les effectifs. Mais dans la mesure où l'employeur affirme qu'il n'avait pas connaissance de l'appartenance syndicale des salariés lors de l'engagement de la procédure de licenciement, et faute pour les militants d'apporter des éléments démontrant le contraire, les licenciements sont validés (lire l'arrêt)

Contrat de travail : respect de la promesse d'embauche
Il n'est pas rare que les DP soient saisis de difficultés liées à l'application du contrat de travail. Il s'agit pour vous de rappeler à l'employeur ses obligations légales et appuyer la réclamation du salarié.

 

► Un "quality manager" et un responsable de la formation des personnels navigants commerciaux font l'objet le 1er février 2010 d'une promesse d'embauche de la part d'une compagnie aérienne. Le document conditionne l'embauche à l'obtention pour les salariés d'une qualification technique sur Boeing 737, et pour la société, l'obtention du "Airline Operationing Certificate" auprès des autorités suisses, et prévoit que la société pourra se rétracter si l'une des deux conditions n'est pas remplie le 1er mai 2010. À l'issue de ce délai, la compagnie aérienne ne recontacte pas les deux salariés. Ces derniers demandent alors la résiliation judiciaire de leur contrat de travail au motif que la direction manque à son obligation de leur fournir du travail. Côté patronal, il est soutenu que l'absence d'obtention de l'agrément par les autorités suisses emporte caducité des contrats de travail. Pour la Cour de cassation, l'absence d'embauche n'a rien d'automatique et l'employeur aurait dû manifester l'usage de son droit de rétractation comme le prévoyait la promesse d'embauche. La rupture des contrats produit alors les effets d'un licenciement injustifié (lire l'arrêt).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Julien François
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