Le droit à l’erreur passe le premier cap de l’Assemblée nationale

Le droit à l’erreur passe le premier cap de l’Assemblée nationale

31.01.2018

Gestion d'entreprise

Les députés ont adopté mardi, en première lecture, le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

Les élus du Palais bourbon ont précisé les choses. Ils sont, à une large majorité, pour l’inscription dans la loi du droit à l’erreur et au contrôle administratif à la demande de l’administré. Des grands principes illustrés dans quelques matières, à ce stade.

Droit à une première erreur

Pour les députés, le droit à l’erreur à sa place dans le code des relations entre le public et l’administration. Il pourrait être reconnu à l’administré ayant méconnu, « pour la première fois, une règle applicable à sa situation » (article 2 du projet de loi). Précision faite sur ce point, les parlementaires proposent aussi de l’accorder en cas d’erreur matérielle commise lors d’une saisie informatique. L’erreur de déclaration serait donc acceptable.

De telles erreurs ne seraient :

  • pas sanctionnables par l’administration (via une amende pécuniaire ou la privation de toute ou partie d’une prestation due),
  • si l’administré régularise sa situation de sa propre initiative ou,
  • à la demande de l’administration dans le délai accordé.

Des exceptions sont toutefois listées par le texte. L’erreur ne serait pas reconnue en cas de :

  • mauvaise foi ou de fraude ;
  • face à une sanction prononçable en application du droit européen ;
  • lorsqu’elle est prévue par un contrat ;
  • ou si elle est prononcée par une autorité de régulation.

Le texte, tel qu’adopté par les députés, définit ensuite ce qu’est la mauvaise foi : le fait de méconnaître délibérément une règle applicable à sa situation. Et il indique qu’il appartiendra à l’administration de prouver la mauvaise foi ou la fraude.

Droit à un contrôle opposable à l’administration

L’autre principe général du texte, ayant reçu l’aval des députés, est celui du droit au contrôle de l’administration au profit de l’administré (article 2 du projet de loi). Il se pourrait donc que « toute personne puisse demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur », sauf si la demande est de mauvaise foi, abusive, etc. En cas d’erreur, un « carton jaune » serait remis à l’entreprise appelée à se mettre en conformité dans un certain délai. Puis, les conclusions expresses de l’administration lui deviendraient opposables.

Au-delà de cette déclaration de principe, le texte - pour l’instant - adopté met en place un droit au rescrit (article 10 du projet de loi). En dehors d’un contrôle ou d’un contentieux, une entreprise pourrait demander à l’administration de prendre formellement position, par écrit, sur l’application des règles de droit à sa situation particulière. Mais il faudra attendre la publication d’un décret en Conseil d’État pour connaître le champ et les modalités concrètes d’application du rescrit. Il en ira de même dans le cas où l’entreprise joint à sa demande de contrôle un projet de prise de position qui pourrait être retenu par l’administration (article 11 du texte). Une manière de lui mâcher le travail en quelque sorte.

Droit à se tromper dans sa déclaration fiscale

Dans certains domaines, le droit à l’erreur prend forme. Il pourrait permettre de généraliser la non-application de sanctions en matière douanière ou la réduction d’intérêts de retard à payer (article 4 quater, 5 et 6). Le texte instituerait aussi un premier avertissement, accordé par l’inspection du travail, en cas de non respect de la loi sur les durées maximales du travail, le temps de repos, la détermination du salaire minimum, etc. (article 8).

Mais surtout, la loi pourrait accorder un droit à commettre une erreur de déclaration fiscale (article 3 et 4). Le texte cherche ainsi à modifier le code général des impôts pour instaurer une baisse de l’intérêt de retard dû en cas de bonne foi. Il pourrait diminuer de :

  • 30 % si l’administré rectifie suite à un contrôle ;
  • ou de 50 % en cas de correction spontanée.

Les députés ont également souhaité accorder une tolérance face à une première erreur déclarative sur l’impôt sur les sociétés (article 3 bis). L’amende pourrait être évitée si l’administré répond à certaines conditions.

► A lire aussi : Vers une nouvelle tolérance en cas de première infraction fiscale

Enfin, le texte pourrait aboutir à la création d’un rescrit fiscal d’un nouveau genre, accordé à la suite d’un contrôle direct sur les opérations d’une entreprise, pendant un laps de temps, à la demande de celle-ci et opéré par l’administration sur place si nécessaire (article 7). Le gouvernement se verrait habiliter à prendre une ordonnance en la matière dans les 9 mois de la promulgation de la future loi.

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Sophie Bridier

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