"Le fait d'identifier un interloculteur précis au sein de l'entreprise devrait libérer la parole"

"Le fait d'identifier un interloculteur précis au sein de l'entreprise devrait libérer la parole"

11.07.2018

Gestion du personnel

Sébastien Miara, avocat associé en droit social au sein du cabinet Parthema intervenait vendredi à un atelier sur le harcèlement sexuel, organisé par le cabinet Psya, spécialisé dans la prévention et la gestion des RPS. L’occasion de faire le point sur les dernières avancées juridiques.

Le projet de loi "Avenir professionnel", examiné actuellement au Sénat, en séance publique, comporte des dispositions spécifiques pour lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail. Qu’apportent-elles de plus?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
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A cette heure précise, le texte n’apporte que peu de nouveautés si ce n’est l’intégration de la prévention du harcèlement sexuel dans les négociations de branche et une obligation supplémentaire d’information de l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement sexuel. Le projet de loi prévoit en effet une obligation d’affichage dans les lieux de travail ou de recrutement "des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents". La liste de ces services sera précisée par décret.

Le projet de loi va cependant continuer à évoluer au gré des amendements. A cet égard, il convient de souligner que plusieurs amendements ont été déposés au Sénat afin de faire réapparaître "les référents" supprimés hâtivement par la commission des affaires sociales du Sénat. De quoi s’agit-il ? De la possibilité, pour toutes les entreprises d’au moins 250 salariés ainsi que pour celles disposant d’un CSE de désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. A suivre donc…

L’arsenal juridique n’est pas suffisant actuellement ?

L’arsenal juridique relatif au harcèlement sexuel en milieu professionnel qui a été renforcé depuis une dizaine d’années me semble aujourd’hui satisfaisant et stabilisé.

Rappelons que le législateur a fait évoluer cet arsenal dans un sens favorable aux victimes en 2012 en redéfinissant la notion de harcèlement sexuel et en doublant les peines de ce délit. Ces faits sont désormais punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Certaines circonstances aggravantes portent même ces sanctions à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

La loi travail du 8 août 2016 a ensuite aménagé le régime probatoire applicable en matière de harcèlement sexuel. Les victimes n’ont désormais plus à "établir des faits qui permettent de présumer une situation de harcèlement" mais simplement à "présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence de ce harcèlement". C’est alors à l’employeur qu’il appartient de "prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement" (C. trav., art. L. 1154-1).

Enfin, les délais de prescription ont été allongés passant de trois à six ans depuis une loi du 27 janvier 2017, ce qui peut favoriser la survenance d’u contentieux avec un ancien salarié ayant quitté l’entreprise. Pour mémoire, s’agissant d’une infraction d’habitude, le point de départ du délai de prescription court à compter du dernier acte ou propos de l’auteur.

En résumé, toutes ces évolutions et interventions du législateur permettent de disposer aujourd’hui d’un arsenal juridique solide pour lutter contre le harcèlement sexuel en milieu professionnel.

Que changera dans ce cas le projet de loi "Avenir Professionnel" ?

Si les amendements permettent de rétablir les référents dans la dernière version du texte, il y aura alors une avancée qui pourra être saluée sous réserve naturellement que lesdits référents soient bien formés et qu’ils dépassent l’approche souvent stéréotypée de ces situations. Le fait d’identifier un interlocuteur précis au sein de l’entreprise devrait en effet permettre de libérer la parole. En parallèle, les entreprises pourraient être amenées à définir ou redéfinir avec les référents leurs processus internes en matière de prévention et de traitement des situations de harcèlement.

Est-ce que le projet de loi sur les violences sexuelles et les agissements sexistes change la donne ?

Ce projet de loi ne change pas véritablement la donne en milieu professionnel car il se concerne davantage l’espace public avec la consécration des "outrages sexistes". Ce projet de loi réaffirme toutefois les dispositions de la loi Rebsamen du 17 août 2015 selon lesquelles "nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant" (C. trav. art., L. 1142-2-1).

Neuf mois après l’affaire Weinstein, qu’est-ce qui a changé dans le monde du travail ?

L’impact pour les entreprises de la médiatisation du harcèlement sexuel n’est pas évident à mesurer. Les situations sur lesquelles les entreprises nous sollicitent sont plus nombreuses que dans le passé, effet sans doute de la libération de la parole des victimes.

Les contentieux prud’homaux en matière de harcèlement sexuel se multiplient mais ils demeurent peu nombreux si on les compare à ceux portant sur le harcèlement moral. L’un et l’autre pourraient connaître un regain d’intérêt pour les salariés qui souhaiteraient ne pas être enfermés par la barémisation des ordonnances Macron puisque les licenciements prononcés à l’encontre des victimes de harcèlement sont nuls et donc exclus du barème d’indemnités prévu en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

On constate également une sévérité accrue des juges sur ces questions. Je pense notamment à un jugement du Conseil des prud’hommes de Paris rendu au mois de juin dernier dans lequel une grande entreprise française de services au public a été condamnée à près de 130 000 euros pour harcèlements moral, harcèlement sexuel et manquement à son obligation de sécurité.

Dans un tel contexte, les entreprises sont à l’évidence invitées à mettre en place des mesures de prévention (information, formation) et à définir des processus clairs afin de pouvoir traiter - avec les acteurs compétents (représentants du personnel, psychologues ou médecin du travail)- les situations de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes.

 

 

Anne Bariet
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