"Le projet de loi transforme le paritarisme de gestion en paritarisme de caution"

"Le projet de loi transforme le paritarisme de gestion en paritarisme de caution"

20.06.2018

Gestion du personnel

Gérard Cherpion, député "Les Républicains" de la deuxième circonscription des Vosges et membre de la commission des affaires sociales, décrypte le projet de loi "Avenir professionnel", adopté hier à l'Assemblée nationale par 349 voix contre 171. Il dénonce la baisse des droits des salariés en matière de formation et la logique d'individualisation du CPF.

Le projet de loi "Pour la liberté de choisir son avenir professionnel" a été adopté hier par 349 voix contre 171 et 41 absentions. Quelle a été la position du groupe Les Républicains ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Ce projet de loi contourne les partenaires sociaux ; la gouvernance de la formation professionnelle leur a été retirée

Nous avons voté contre. Nous étions, de fait, opposés à plusieurs dispositions. Sur la philosophie générale, tout d’abord. Ce projet de loi écarte les compétences des régions en matière d’apprentissage et contourne les partenaires sociaux ; la gouvernance de la formation professionnelle leur a été retirée. La future instance de France compétences est réputée quadripartite mais on sait déjà que le collègue "Etat" sera majoritaire. Le texte acte, enfin, le retrait des pouvoirs au parlement en réformant quasiment exclusivement par décret et par ordonnances. Un article sur deux du projet de loi y fait référence.

Soulignons également que le projet de loi souffre d’un manque de préparation criant. D’une part, 32 amendements gouvernementaux sont arrivés au moment même de l’examen du texte en commission des affaires sociales, ce qui est exceptionnel, et 36, en séance. C'est-à-dire 68 amendements pour 66 articles. D’autre part, nous n’avons pas eu toutes les réponses aux questions posées, lors des débats ; la plupart étant encore en cours d’arbitrage au sein du gouvernement au moment de l’examen du texte.

Enfin, la loi de 2014 n’a fait l’objet d’évaluation, alors qu’un certain nombre de mesures se mettent progressivement en place. L’objectif étant de faire table rase du passé. Ce qui est fort regrettable.

Dans le détail, quelles sont les principales critiques ?

 Il va exclure ceux qui ont besoin d’un accompagnement personnalisé d’orientation

Le texte tend à favoriser la responsabilisation de l’individu. On est en train de casser le lien entre le salarié et l’entreprise. Avec le nouveau système, le salarié est le seul responsable de son avenir, il doit choisir lui-même son avenir professionnel. Or, il va exclure ceux qui ont besoin d’un accompagnement personnalisé d’orientation et ceux qui n’ont pas accès ou difficilement accès à la technologie. D’où un risque de fracture sociale. Le financement du conseil en évolution professionnelle n’y changera rien. Car le salarié n’aura pas le réflexe d’avoir recours à ce genre de service. De plus, l’ouverture de ce type de conseil à des opérateurs privés n’est pas sans crainte ; ces opérateurs seront sous la dépendance du donneur d’ordre.

Surtout, le texte acte la baisse des droits des salariés. La monétisation du CPF va se traduire par une baisse des droits inscrits, le gouvernement ayant annoncé la conversion des heures au montant de 14,28 euros quand ces heures sont actuellement financées par les Opca à hauteur de 30 euros en moyenne.

Vous êtes également opposé à un pilotage de l’apprentissage par les branches professionnelles?

Les branches ont, certes, toute leur place dans le système que ce soit pour l’élaboration des référentiels des diplômes ou pour le contenu des examens. Mais dire que les 13 régions n’ont pas fait leur travail et les remplacer par 400 branches me semble un peu rapide. Certains métiers comme l’audiovisuel ne sont couverts par aucune branche. Et quid des branches émergentes, des métiers rares ou des métiers d’art ? Ma région, le Grand Est, recevra 12 millions d’euros par an au titre de l’apprentissage pour l’investissement et 20 millions d’euros de fonctionnement. Or, la région a récemment rénové un CFA pour environ six millions d’euros. Autant dire que peu d’établissements seront rénovés. Il s’agit ici d’une recentralisation.

De nombreux DRH regrettent être tenus à l’écart, le projet de loi ne prenant pas en compte les besoins des entreprises. Qu’en pensez-vous ?

Ils ont raison. Le projet de loi met fin à la période de professionnalisation au motif éronné de leur détournement fréquent par les entreprises pour abonder le plan de formation pour former les salariés. Dans les faits, cette suppression brutale au profit d’une logique d’individualisation du CPF va déstabiliser de nombreuses entreprises au détriment de l’évolution professionnelle et du maintien dans l’emploi des salariés les moins qualifiés. Plus de six bénéficiaires sur dix appartenaient aux CSP "ouvriers" et "employés". La période de professionnalisation finançait, par exemple, les POE (Préparations opérationnelles à l’emploi).

Reste à savoir si le nouveau dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance (ProA) à destination de certains salariés en contrat à durée indéterminée, adopté par amendement en commission des affaires sociales, se substituera au précédent dispositif.

Il s’agit d’une double peine ; l'employeur devant financer à la fois le CPF et l’abondement.

Le projet de loi a certes prévu la possibilité d’un abondement de l’employeur dans le cas d’une co-construction des parcours, mais il s’agit d’une double peine ; ce dernier devant financer à la fois le CPF et l’abondement. L’entreprise passe deux fois à la caisse. Il devient clair que la mobilisation du compte au profit d’un co-investissment n’a pas vocation à devenir la norme. En conséquence, les entreprises vont devoir financer leurs besoins de financement uniquement par elles-mêmes.

Selon vous, le texte n’est pas sécurisé pour les entreprises. Pourquoi ?  

Rien n’empêchera le gouvernement de baisser ce financement dans les années à venir, en augmentant les cotisations patronales

Pour l’assurance chômage, on passe d’un système assurantiel à un système de solidarité nationale, à travers l’impôt, en l’occurrence la CSG. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale décidera chaque année du montant de cet impôt, fléché vers le régime d’assurance chômage. On transforme ainsi le paritarisme de gestion en paritarisme de caution. Et si l’Etat s’engage à prendre en charge 60 % des 35 milliards de cotisations sociales, le choix de ce pourcentage n’est pas sécurisé à terme, qui est pourtant le pourcentage nécessaire pour que les cotisations des entreprises n'augmentent pas. Rien n’empêchera le gouvernement de baisser ce financement dans les années à venir. D’où un risque pour les entreprises de voir leurs cotisations patronales augmenter.

Parmi les amendements que vous avez proposés, quels sont ceux qui ont été adoptés ?

Deux exemples. Le plan de formation appelé désormais plan de développement des compétences, qui s’inscrit dans le cadre de la négociation sur la GPEC et des parcours professionnels, sera désormais soumis à la consultation du CSE sur les orientations stratégiques. Cet amendement vise à coordonner le plan de développement des compétences avec le dialogue social dans l’entreprise sur les sujets de formation professionnelle lorsqu’il existe ou à l’inscrire dans le cadre de la consultation annuelle du conseil économique et social sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Soulignons par ailleurs la possibilité pour un apprenti de s’adresser à un médecin de ville s’il n’y a pas de médecin du travail disponible. 5 000 médecins du travail sont répertoriés alors que l’on compte 18 millions d’actifs.

Anne Bariet
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