Le projet de loi Travail modifie l'articulation entre les accords collectifs

Le projet de loi Travail modifie l'articulation entre les accords collectifs

27.07.2016

Convention collective

Le projet de loi Travail redéfinit le rôle de la branche, accorde davantage de latitude aux accords d'entreprise en matière de durée du travail et donne plus de poids aux accords de groupe. Zoom sur les changements apportés par le texte.

L'une des ambitions du projet de loi Travail était de revoir l'articulation des accords collectifs entre eux et le rôle de chaque niveau. Si les relations entre les accords d'entreprise et les accords de branche ont fait l'objet de vifs débats, d'autres points ont été moins commentés comme celui de la place des accords de groupe et des accords inter-entreprises dont le poids est renforcé.

Les matières réservées à la branche professionnelle (article 24)

Le fameux "article 2", devenu depuis l'article 8, donne la priorité à l'accord d'entreprise sur de nouveaux thèmes en matière de durée du travail et de congés. C'est le cas notamment de la majoration des heures supplémentaires ; l'accord de branche ne pourra plus verrouiller de telles dispositions. Ce sont les partenaires sociaux de l'entreprise qui ont la main pour descendre en dessous de la majoration de 25% sans toutefois pouvoir aller en dessous de 10%.

A noter : le projet de loi prévoit en matière d'accords d'entreprise, que le rapport présenté par le conseil d'administration ou le directoire à l’assemblée générale des actionnaires devra faire état des accords collectifs conclus dans l'entreprise et de leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés (article L.225-102-1 du code du commerce modifié). Selon le gouvernement, cette disposition "vise à une meilleure connaissance et à une valorisation de la négociation collective, dans le domaine tant de la responsabilité sociale que de la performance économique des entreprises".

Afin de lever les craintes liés au risque de dumping social et rassurer sur le rôle pérenne de la branche, le texte a modifié le champ réservé à la branche. Jusqu'à présent, l'article L.2253-3 du code du travail prévoyait que l'accord d'entreprise ne pouvait pas comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels et interprofessionnels s'agissant de quatre thèmes :

  • salaires minima ;
  • classifications ;
  • garanties collectives complémentaires ;
  • mutualisation des fonds de formation.

Le projet de loi ajoute deux thèmes à cette liste :

  • la prévention de la pénibilité ;
  • l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, les branches devront engager une négociation afin de définir leur "ordre public conventionnel" dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Chaque branche devra ainsi déterminer les thèmes sur lesquels les accords d'entreprise ne pourront pas être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche. L'absence de négociations dans ce délai pourra être l'un des critères que le ministère pourra prendre en compte afin de décider d'engager une procédure de fusion entre différentes branches.

Chaque branche devra établir, avant le 30 décembre 2018, un rapport sur l'état de ces négociations ; il devra le transmettre à la commission de refondation du code du travail ainsi qu'à la commission nationale de la négociation collective et Haut conseil du dialogue social.

Les missions de la branche (article 24)

Par ailleurs, le projet de loi précise les différentes missions dévolues à la branche. Elle a ainsi pour mission :

1) De définir les garanties applicables aux salariés des entreprises qui relèvent de son champ d'application dans les 6 domaines précités ;

2) De définir les thèmes sur lesquels les conventions et les accords d'entreprise ne peuvent pas être moins favorables que les conventions et accords de branche, à l'exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l'accord d'entreprise ;

3) De réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d'application.

Le rôle des nouvelles commissions paritaires de branche (article 24)

Par ailleurs, le projet de loi institue de nouvelles commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation au sein des branches. Leurs missions sont multiples :

  • Représenter la branche, notamment dans l'appui aux entreprises et vis-à-vis des pouvoirs publics ;
  • Exercer un rôle de veille sur les conditions de travail et l'emploi ;
  • Etablir un rapport annuel d'activité qui sera diffusé via la nouvelle la base de données nationales qui recueillera l'ensemble des accords collectifs. Ce rapport d'activité comprendra un bilan des accords collectifs d'entreprise, et en particulier l'impact de ces accords sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche. La commission formulera, le cas échéant, des recommandations pour répondre aux difficultés identifiées.
  • Rendre un avis à la demande d'une juridiction sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif. A cet effet, le projet de loi Travail complète la loi Macron qui prévoit que les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent solliciter l'avis de la Cour de cassation avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges (article L.441-1 du code de l'organisation judiciaire).

A noter : un décret devra définir comment les accords d'entreprise conclus en matière de durée du travail et de congés seront transmis aux commissions paritaires.

  • Exercer les missions de l'observatoire paritaire de la négociation collective (article L.2232-10). Ces observatoires ont pour mission de fixer les modalités suivant lesquelles, en l'absence de stipulations conventionnelles portant sur le même objet, ces observatoires sont destinataires des accords d'entreprise ou d'établissement conclus pour la mise en oeuvre d'une disposition législative.

Les commissions paritaires devront se réunir au moins trois fois par an en vue des négociations qui doivent se dérouler au sein des branches afin de définir leur calendrier de négociations.

A noter : c'est aussi au sein de cette commission que devront être négociés et conclus les accords susceptibles d'être étendus.

Renforcer la place des accords de groupe (article 23)

Le projet de loi modifie également le régime des accords de groupe afin de leur donner plus de poids ; il revoit leur articulation avec les accords collectifs conclus aux niveaux inférieurs. Ainsi, l'accord de groupe aura la possibilité de prévoir que ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord.

A noter : La même règle s'applique à l'égard des accords d'entreprise par rapport aux accords d'établissement et aux accords inter-entreprises par rapport aux accords d'entreprise ou d'établissement.

Focus sur les accords inter-entreprises

Le projet de loi consacre la notion d'accord inter-entreprises. Le texte vise les accords négociés et conclus au niveau de plusieurs entreprises entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées.

Pour apprécier la représentativité des syndicats dans le périmètre de cet accord, il faut additionner l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l'ouverture de la première réunion de négociation.

Les taux de validité de l'accord de 30% et 50% sont appréciés à l'échelle de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord. S'il y a consultation des salariés, elle est effectuée dans ce périmètre.

 

Les organisations syndicales représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l'accord doivent être informées préalablement de l'ouverture d'une négociation dans ce périmètre.

L'ensemble des négociations prévues par le code du travail au niveau de l'entreprise pourront être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions.

Lorsqu'un accord de méthode conclu au niveau du groupe le prévoit, l'engagement de l'une des négociations obligatoires à ce niveau dispense les entreprises appartenant à ce groupe d'engager elles-mêmes cette négociation. L'accord sur la méthode devra alors définir les thèmes concernés. Les entreprises seront également dispensées d'ouvrir une négociation obligatoire au niveau de l'entreprise lorsqu'un accord portant sur le même thème a été conclu au niveau du groupe et remplit les conditions prévues par la loi.

A noter : pour apprécier la validité d'un accord de groupe, les taux de 30 et 50% sont appréciés à l'échelle de l'ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés qui pourrait avoir lieu devra être organisée dans ce même périmètre.

Représentativité des organisations syndicales au sein du groupe

Le projet de loi modifie l'appréciation de la représentativité syndicale au niveau du groupe (article L.2122-4 complété). Le code du travail prévoit actuellement que la représentativité des syndicats au niveau de tout ou partie du groupe est appréciée conformément aux règles relatives à la représentativité syndicale au niveau de l'entreprise, par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés.

Le projet de loi Travail ajoute des dispositions afin de préciser que, lorsque toutes les élections des entreprises du groupe se sont tenues à la même date, ce sont ces dernières élections, et non pas celles du cycle précédent, qui sont prises en compte pour mesurer l’audience.

 

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Florence Mehrez
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