L'employeur ne peut pas accéder au compte Facebook d'un salarié via le téléphone de l'un de ses collègues

L'employeur ne peut pas accéder au compte Facebook d'un salarié via le téléphone de l'un de ses collègues

09.01.2018

Gestion du personnel

Ne sont pas des modes de preuve recevables les informations recueillies sur le profil Facebook d'un salarié, en utilisant le portable professionnel d'un autre salarié, tranche la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017. La solution aurait pu être différente si le salarié avait paramétré son profil comme étant public.

Peut-on utiliser des informations trouvées sur les réseaux sociaux afin de constituer des preuves dans un procès aux prud'hommes ? La jurisprudence française autour de cette question est toujours en construction. Et pour cause, sur ces réseaux il est parfois délicat de tracer une frontière entre sphères privées et publiques. Une nouvelle limite a été posée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017.

Des publications destinées aux "amis" Facebook

S'estimant victime de harcèlement moral de la part de son employeur, une salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail avant de saisir le conseil de prud'hommes. Elle demande - et obtient - des rappels de salaire, ainsi que diverses sommes à titre de dommages et intérêts (licenciement sans cause réelle et sérieuse, exécution déloyale et fautive du contrat de travail). Durant le procès, l'employeur fournit des informations extraites du compte Facebook de la salariée, dans le but de démentir l'état dépressif dans lequel se trouvait cette dernière. Ces informations, rapportées à la demande de l'entreprise par procès-verbal de constat d'huissier, ont été obtenues à partir du téléphone portable professionnel d'un autre salarié de la société.

Saisie de l'affaire, la cour d'appel d'Aix-en-Provence écarte le procès-verbal des débats. "Ces informations étaient réservées aux personnes autorisées [les publications étaient accessibles uniquement aux comptes Facebook identifiés par la salariée comme des comptes "amis"] et l'employeur ne pouvait y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée." La cour condamne l'employeur à 800 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la vie privée de la salariée.

Selon l'entreprise, les informations collectées via le portable professionnel d'un salarié sont présumées avoir un caractère professionnel, et sont donc un mode de preuve licite. Peine perdue : la Cour de cassation confirme la solution rendue en appel, et rejette le pourvoi de l'entreprise. L'atteinte est disproportionnée, peu important que les informations recueillies aient ou non été identifiées comme personnelles.

Une atteinte à la vie privée peut parfois être justifiée
Cette affaire entre en résonance avec un arrêt rendu le 4 mai 2016 par la cour d'appel de Poitiers. Cette dernière avait admis comme mode de preuve des captures d'écran d'une conversation privée Facebook. Un employeur avait licencié pour faute grave un salarié, éducateur dans une associations d'aide aux personnes handicapées mentales. Le licenciement était basé sur des conversations privées établies - via Facebook - entre le salarié et l'un des résidents handicapés dont il avait la charge. Ces échanges, présentant un caractère humiliant, étaient constitutifs de maltraitance et donc d'une faute grave. Au regard de l'objectif de protection des résidents souffrant de déficience mentale, l'atteinte à la vie privée du salarié était, dans ce cas précis, proportionnée au but recherché.

 

Profil public ou privé ?

La solution aurait sans doute été différente si les informations publiées sur Facebook avaient été accessibles à tous, l'employeur n'ayant pas à utiliser le portable d'un autre salarié pour y avoir accès. Il est en effet possible à un utilisateur de ce réseau social de réguler l'accès aux informations et messages qu'il met en ligne. Il peut avoir un profil public - accessible à tous - ou bien réservé à ses "amis" ou aux "amis de ses amis". Une simple case à cocher qui n'est pas anecdotique, selon la jurisprudence française. Les arrêts de cour d'appel envisageant cette question se sont multipliés ces dernières années.

Un employeur peut ainsi produire en justice les propos qu'un salarié publie sur son "mur" paramétré en "public" (arrêt de la cour d'appel de Lyon du 24 mars 2014). De même, les messages publiés sur le "mur" d'un "ami" Facebook - qui sont accessibles non seulement aux "amis" de l'expéditeur mais également aux "amis" du destinataire - peuvent être utilisés par l'employeur (arrêt de la cour d'appel de Besançon du 15 novembre 2011, arrêt de la cour d'appel de Douai du 16 décembre 2011). A contrario, des propos tenus sur un groupe privé (arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015) ou sur un profil réservé seulement aux "amis" (arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 10 avril 2013) ne sont pas considérés comme publics, car ils visent un nombre restreint de personnes. Dans ce cas, l'employeur ne peut notamment pas poursuivre son salarié pour injure publique.

Toutefois la prudence reste de mise, la chambre sociale de la Cour de cassation ne s'étant toujours pas prononcée clairement sur la question.

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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Laurie Mahé Desportes
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