"Les contentieux sont plus plus lourds, avec des montant plus importants et ne se transigent pas"

"Les contentieux sont plus plus lourds, avec des montant plus importants et ne se transigent pas"

01.10.2018

Gestion du personnel

Les réformes de la procédure prud'homale se sont enchaînées ces dernières années. Si l'ambition de désengorger les prud'hommes semble être partiellement atteinte, elle s'accompagne en revanche d'effets pervers qui sont en train de modifier sensiblement la nature du contentieux prud'homal. C'est ce qu'expliquent Marion Ayadi et Isabelle Ayache-Revah du cabinet Raphaël Avocats.

Le cabinet Raphaël Avocats organisait jeudi matin une conférence sur le contentieux prud'homal et le développement des actions relatives à des faits de harcèlement et de discrimination. L'occasion pour les deux avocates qui ont fondé le cabinet, Marion Ayadi et Isabelle Ayache-Revah, de mettre en lumière, non seulement une baisse du nombre de saisines des conseils de prud'hommes, mais aussi une mutation du contentieux en raison des réformes successives en matière prud'homale.

Une baisse continue du contentieux prud'homal

La baisse du contentieux prud'homal n'est pas nouvelle ; elle a été amorcée depuis une dizaine d'années et a baissé de presque de 60 %, observe Marion Ayadi.

L'ambition est clairement affichée par les gouvernements successifs : permettre aux juridictions prud'homales d'absorber le contentieux en le réduisant. "La France est régulièrement condamnée par la CEDH en raison de la longueur des procédures", rappelle-t-elle. Les demandes concernent principalement les licenciements pour motif personnel. Le traitement moyen d'une affaire est de 17 mois. "Le gouvernement veut le réduire à 15 mois en 2020, ce qui paraît compliqué car le stock de saisines est très lourd", explique-t-elle. Par ailleurs, "il y a peu de conciliation - elle ne fonctionne pas malgré les différentes réformes - et un fort taux d'appel".

Les ordonnances de 2017 ne font ainsi que prolonger un mouvement visant à désengorger les conseils de prud'hommes. S'il est encore trop tôt pour évaluer les effets du barème sur le nombre de saisines, les réformes précédentes ont très certainement contribué à cette baisse.

La première - de taille - est l'introduction de la rupture conventionnelle parmi les modalités de rupture du contrat de travail en 2008. La loi Croissance et activité du 6 août 2015, qui a réformé en profondeur la procédure prud'homale, est la deuxième étape décisive de cette baisse. "Cette loi a contraint les salariés à saisir les prud'hommes avec un dossier structuré, une requête motivée, un argumentaire, des pièces. L'employeur sait dès lors si le dossier est dangereux ou non et peut proposer, le cas échéant, une transaction, explique Isabelle Ayache-Revah.

Mais ce n'est pas tout. Les délais de prescription ont été raccourcis au fur et à mesure. La loi du 14 juin 2013 a ainsi fait passer le délai de prescription en matière d'exécution et de rupture du contrat de travail à deux ans, contre cinq auparavant. Les ordonnances de 2017 ont encore abaissé ce délai. Le salarié qui souhaite contester son licenciement n'a désormais plus qu'un an pour le faire.

Le barème d'indemnités de licenciement injustifié, créé par les ordonnances de 2017, est la dernière réforme en date susceptible de dissuader certains salariés de se tourner vers les prud'hommes en raison de la faible indemnisation qui peut en être attendue, notamment en cas de faible ancienneté.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Si ces réformes visent à réduire le nombre de saisines, chacune produit aussi ses effets pervers.

Ceux engendré par le barème d'indemnités de licenciement ont déjà été soulignés : en écartant les plafonds prévus par les ordonnances en cas de harcèlement et de discriminations, on assiste à une explosion de ces contentieux, notamment chez les salariés de 50 ans et plus qui sont, selon Marion Ayadi, "les laissés pour compte du barème. Un salarié licencié à 56-57 ans est dans une situation différente de celle du salarié licencié à 59 ans qui bénéficie d'une passerelle vers Pôle emploi. En excluant une majoration liée à l'âge, on a propulsé les salariés seniors vers le contentieux sur la discrimination".

Par ailleurs, constatent les deux avocates, les juges ont davantage tendance à proposer la réintégration en cas de contentieux sur la rupture du contrat de travail afin de pouvoir se prévaloir du refus de l'employeur et prononcer ainsi la condamnation maximale comme sanction.

Mais si le harcèlement et la discrimination sont aussi plus souvent invoqués c'est parce que le délai de prescription reste à cinq ans sur ces sujets. "Ce délai de cinq ans est fondamental dans l'explosion des dossiers actuels sur le harcèlement et les discriminations", observe Isabelle Ayache-Revah. D'ailleurs, une autre stratégie consiste à y accoler des litiges relatifs à l'exécution du contrat de travail qui - eux - se prescrivent par 24 mois. "Les salariés revendiquent, au-delà de la rupture du contrat de travail, une inexécution fautive du contrat par l'employeur (absence de formation, de promotion...)".

Une autre stratégie consiste à allonger la liste des demandes. "Parfois on dirait une liste de courses ! C'est très dangereux pour l'entreprise car tous les sujets vont y passer, notamment le temps de travail. Sans compter toutes les obligations qui peuvent être passées en revue : obligation de sécurité, de formation, et de nombreux préjudices peuvent être invoqués (préjudice moral, corporel, physique...)".

Enfin, de nombreux dossiers comportent désormais un grief portant sur les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail.

Un contentieux prud'homal resserré

Au final, c'est à une véritable métamorphose du contentieux prud'homal auquel on assiste. "Les contentieux sont plus lourds, avec des montant plus importants et ne se transigent pas", constate Marion Ayadi. "C'est dans la section de l'encadrement, que la chute du contentieux est la moins importante. On observe des contentieux plus chers comme la contestation de conventions de forfait-jours et la réclamation de paiement d'heures supplémentaires".

Florence Mehrez
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