Les députés remettent en cause le régime d'exonération des chèques-vacances des CE/CSE

Les députés remettent en cause le régime d'exonération des chèques-vacances des CE/CSE

31.10.2018

Représentants du personnel

Le gouvernement veut aligner, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le régime d'exonération totale du chèque-vacances dont bénéficient les CE et CSE sur le régime, moins favorable, des employeurs d'entreprises de moins de 50 salariés. Ce projet suscite la colère des associations et des professionnels du tourisme social.

Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les députés ont adopté un amendement qui sécurise mais aussi limite la portée de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les CE et CSE pour leurs activités sociales et culturelles (lire notre article). Ce changement, dont il faudra voir s'il est maintenu dans la version finale du projet de loi, suscite la protestation de certains CE/CSE, comme en témoigne la pétition lancée par le syndicat Unsa d'IBM, un syndicat qui avait déjà réagi à une tentative législative similaire il y a deux ans.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Il faut ajouter à ces dispositions contestées un sous-amendement qui concerne cette fois le chèque-vacances. Déposé en séance par le gouvernement sous le numéro 1589, ce texte vise également à sécuriser le cadre des exonérations du chèque-vacances en modifiant le code du tourisme (art. L.411-9, L.411-10, L.411-11). Dans son exposé des motifs de son sous-amendement, le gouvernement annonce qu'il s'agit de "clarifier les dispositions applicables aux aides accordées sous forme de chèques-vacances dans les entreprises de plus de 50 salariés", en alignant le cadre applicable "sur celui, déjà prévu par la loi, pour les entreprises de taille inférieure". Tout se passe donc comme si le gouvernement voulait, à l'avenir, ne pas faire de différence entre le régime applicable aux entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de CE/CSE et le régime applicable aux CSE/CSE dans les entreprises d'au moins 50 salariés.

Deux régimes actuellement différents pour le chèque vacances

Or, actuellement, ces deux régimes sont différents :

  •  Si c'est un CE ou CSE qui distribue ces chèques vacances sans l'intervention de l'employeur, l'Urssaf exempte l'instance représentative du personnel de toute cotisation sociale, et cela sans plafonnement;
  • Si c'est un employeur de moins de 50 salariés qui attribue ces chèques-vacances, l'Urssaf soumet en revanche l'exonération de cotisations à plusieurs limites sachant que s'appliquent aussi des majorations par enfant à charge. Citons deux limites principales à l'exonération des chèques-vacances : d'une part, le montant de la contribution de l'employeur est limité à 30% du Smic brut mensuel par an et par salarié d'une part (soit 440 euros en 2018); d'autre part, la contribution globale de l'employeur pour une année ne peut dépasser la moitié du Smic multipliée par le nombre de salariés de l'entreprise. Et l'Urssaf d'expliquer à titre d'exemple qu'une TPE de 10 salariés peut financer jusqu' à 7 492 euros par an de chèques-vacances sans payer de cotisations sociales (*).

Autrement dit, si le gouvernement voulait aligner effectivement le régime des chèques-vacances servis par les CE/CSE sur celui des entreprises, les CE et CSE y perdraient au change avec un régime nettement moins favorable. La rédaction peu claire du sous-amendement du gouvernement, qui ne vise curieusement que le comité d'entreprise (le comité social et économique, le CSE, n'est pas cité), inquiète donc les professionnels.

 Si les CE et CSE doivent arbitrer entre leurs activités, cela aura de graves conséquences

 

D'autant que certains se demandent si cette disposition déjà peu favorable au chèque-vacances ne va pas s'intégrer pas au plafond global (331€ par an et par salarié et 662€ avec un enfant à charge) voulu par les parlementaires pour limiter les exonérations des activités sociales et culturelles du CE/CSE (sport, culture, aide aux vacances). "Si c'était le cas, cela signifierait que les CE et les CSE devraient arbitrer entre les différentes prestations qui répondent à des visées différentes, comme le chèque-cadeau ou l'aide au départ en vacances. Cela pourrait avoir de graves conséquences pour l'avenir des prestations sociales (telles que les colonies de vacances et les séjours linguistiques des enfants) des CE/CSE et aussi pour l'avenir de l'agence nationale des chèques-vacances, l'ANCV" (**), estime Simon Thirot, le délégué général de l'Unat, l'union nationale des associations de tourisme et de plein air, un des acteurs importants du tourisme social en France.

Les professionnels écrivent au Premier ministre

Les professionnels du tourisme social et du voyage déplorent une modification intervenue par voie d'amendement et sans concertation. Et ils s'activent pour faire évoluer le texte. Ils ont écrit au Premier ministre et aux ministres concernés; ils vont s'adresser aux parlementaires en vue des réunions des commissions du Sénat puis de la commission mixte parlementaire et ils alertent les organisations syndicales. "Nous ne sommes pas opposés à un changement. Mais cela suppose une concertation préalable avec tous les acteurs concernés et une étude d'impact sur les droits des salariés et sur les conséquences des mesures envisagées sur le secteur du tourisme", ajoute Simon Thirot.

La CGT a réagi hier soir en fustigeant une fiscalisation des CE/CSE qui permettrait au gouvernement de récupérer environ 1,7 milliards d'euros alors que dans le même temps, "des dispositifs sont déployés pour permettre aux employeurs de s'exonérer de cotisations sociales". Et la CGT d'ajouter : "Si cet amendement reste en l'état, ce serait une attaque sans précédent contre le droit aux vacances, l'accès à la culture et au sport pour toutes et tous".

 

(*) Voir également les explications sur ce point du site de l'ANCV

(**) L'ANCV", l'agence nationale du chèque-vacances,  compte 42 900 clients dont de très nombreux CE/CSE.

Bernard Domergue
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