"Les DRH doivent réinvestir le champ de l’organisation du travail"

"Les DRH doivent réinvestir le champ de l’organisation du travail"

18.12.2017

Gestion du personnel

Dans le cadre des Premières rencontres d’Astrées, Association travail emploi Europe société, le 6 décembre, consacrées aux ordonnances, "Changer le travail par la loi", Pascal Ughetto, professeur de sociologie à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, a mis en garde quant à la conclusion d’accords d’entreprise, purement formels, occultant l’organisation du travail.

Les ordonnances Macron devraient favoriser le développement des accords d’entreprises. Mais pour quelle efficacité ?

Effectivement, les ordonnances incitent à conclure des accords et à développer le dialogue social. C’est un point positif.  Mais il peut aussi y avoir prolifération d’accords et une mauvaise qualité du dialogue social. Le risque étant d’aboutir à des accords purement formels, conformes à la législation, mais sans lien direct avec la réalité du travail. Prenez le droit à la déconnexion. Chez Volkswagen, par exemple, l’accord stipule la fermeture des serveurs à partir d’une certaine heure en soirée ainsi que le week-end. Or, cet accord ne modifie pas le problème de fond, à savoir le problème lié à la charge de travail. Au contraire, il limite les marges de manœuvre des cadres qui ne peuvent plus prendre en compte leurs contraintes personnelles. En ce sens, certains accords peuvent être contre-productifs. D’où la nécessité d’éviter que les accords fassent l’impasse sur l’organisation du travail.

Les DRH ont-ils manqué de vigilance sur ce sujet ?

Les DRH ont délaissé cette question pour se positionner, à la demande des organisations syndicales, sur les thématiques de l’emploi et de l’ajustement des effectifs. Cet investissement était pourtant très porteur. Il a, par exemple, donné lieu à l’Accord à vivre de Renault, de 1989, qui prônait, à partir de la création des unités élémentaires de travail (UET), la polyvalence et  l’auto-organisation.

Les DRH doivent également accompagner les cadres intermédiaires qui ont le moins en moins le pouvoir d’organiser le travail 

Les DRH doivent également accompagner les cadres intermédiaires qui ont de moins en moins le pouvoir d’organiser le travail. Ceux-ci ne sont pas supposés savoir le faire spontanément sans aucune aide. D’autant que les process, décidés par les directions centrales, qualité, achats, logistique, réduisent leurs marges de manœuvre.

Ils doivent donc réinvestir d’urgence la question de l’organisation du travail : quel contour des postes pour favoriser l’apprentissage régulier ? quels instruments pour aider les équipes à coopérer ?

Quels sont les problèmes liés à l’organisation du travail ?

De nombreux salariés déplorent le manque d’organisation et le manque de management. Ils ont l’impression qu’il y a de plus en plus de logiciels ou autres outils destinés à mieux s’organiser mais dans un même temps ils estiment que ces outils ne répondent pas à la complexité de leur situation de travail. Ils n’arrivent pas à comprendre que l’on ne tranche pas pour résoudre des problèmes qu’ils rencontrent quasi quotidiennement comme une réclamation venant d’un client, par exemple. De fait, le travail s’est intensifié, les journées de travail sont de plus en plus chargées. Les temps de respiration ont été réduits à portions congrues. Or, ces temps improductifs étaient nécessaires pour partager l’information. Les mutations touchent d’abord l’activité de travail. Les salariés vivent des exigences croissantes et éventuellement contradictoires.

Le problème n’est donc pas dû au dialogue social mais à l’absence de dialogue pour résoudre les problèmes pratiques liés au travail 

Il arrive que tout paraisse urgent. Certains individus tirent de leur parcours de bonnes ressources pour réaliser ces arbitrages. D’autres sont plus en difficulté. Aussi est-il nécessaire de discuter avec les collègues et le manager. Le problème n’est donc pas dû au dialogue social mais à l’absence de dialogue pour résoudre les problèmes pratiques liés au travail. D’où des risques psycho-sociaux, dépression ou burn-out voire de suicides au travail.

Les accords sur la qualité de la vie au travail n’ont pas répondu aux attentes des salariés ?

Les mutations du travail se sont accompagnées pour les DRH d'un changement sémantique puisque l'on ne parle désormais quasiment plus des enjeux de travail et d’organisation, mais de "marque employeur", de "rétention", d’ "expérience client" et de "qualité de vie au travail". Il s’agit d’une évolution profonde puisque les RH ont adopté un langage marketing, perçu comme plus valorisant, plus positif qui conduit à occulter certaines réalités. Les problèmes ne sont pas positifs. Ces questions ne sont pas traitées ou le sont de façon incomplète.

Les RH ont adopté un langage marketing, perçu comme plus valorisant, plus positif qui conduit à occulter certaines réalités 

Précisons qu’en parallèle, la fonction s’est professionnalisée. Avec pour corollaire, l’arrivée de nouveaux profils, issus des écoles de commerce, mais sans connaissance réelle de terrain. D’où un déficit des connaissances sur l’organisation du travail.

Que préconisez-vous ?

Il faut créer des espaces pour mettre en discussion les conditions de travail. Les premiers devraient être des réunions d’équipe où l’on discuterait réellement. Pour faire face à ces nouvelles attentes, mettre en place des espaces de discussion peut être l’une des solutions en permettant de dénouer des tensions et de hiérarchiser les priorités. L’objectif est décortiquer les situations ordinaires de travail, afin de pointer les dysfonctionnements, les analyser pour apporter, in fine, des actions correctives. Perte de temps, défaut de qualité, faible polyvalence de l'équipe, poste peu adapté à l'organisation… Or, jusqu’ici peu de salariés osent s’exprimer. Les formes de communication françaises restent très centralisées, très hiérarchisées. Les problèmes sont alors intériorisés et deviennent source de mal-être et d'inefficacité. Avec le sentiment d'une dégradation de la qualité du travail, difficile à vivre au quotidien.

 

Repères
Pascal Ughetto, également directeur adjoint du Laboratoire techniques, territoires et sociétés (Latts), est l’auteur notamment de "L’organisation, une réorganisation permanente" (Esprit, 2011), de "L’Espace politique des espaces de discussion sur le travail" (Document de travail du Latts, 2014) et de "Faire face aux exigences du travail contemporain" (ed L’Anact, 2017).

 

 

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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