Les pistes des DRH pour relancer l’alternance

Les pistes des DRH pour relancer l’alternance

25.10.2017

Gestion du personnel

Fusion du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation, co-construction des diplômes, libre affectation de la taxe d’apprentissage… Les DRH ne manquent pas d’idées pour rénover le système d’apprentissage. Mais seront-ils entendus alors que le gouvernement dévoile aujourd’hui sa feuille de route pour réformer le système ?

Il y a consensus. Difficile en effet de trouver, aujourd’hui en France, un DRH qui ne souhaite pas réformer le système de l’alternance. Car des ateliers aux sièges sociaux, en passant par les bureaux d’études, plusieurs dysfonctionnements grippent la machine. Ce qu’ils attendent ? De la sim-pli-fi-ca-tion. Le système actuel souffre, de fait, d’un empilement d’acteurs qui défendent leur propre appareil de formation sans forcément parler d’une seule et même voix : branches professionnelles, Education nationale, chambres consulaires et conseils régionaux, Opca… La coexistence de deux systèmes, contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation, nuit également à la lisibilité. "Ces jeunes n’ont ni la même rémunération, ni les mêmes droits", observe Sophie Perez, directrice des ressources humaines adjointe au sein du groupe M6. Les apprentis ont droit à des jours de révision pour préparer leur examen, les seconds, non.

Autre différence : "les apprentis perçoivent en moyenne 870 euros brut par mois, les jeunes en contrat de pro, 1 340 euros brut", ajoute Philippe Lamblin, DRH du groupe agro-alimentaire Avril. D’où la nécessité pour les DRH d’unifier les contrats pour lisser les différences.

Ils plébiscitent également une rémunération unique, sans distinction d’âge, faute de quoi, "nous devons pointer les droits d’anniversaire de chaque jeune", et demandent une aide financière unique, le contrat d’apprentissage étant exonéré de charges sociales contrairement au contrat de professionnalisation.

Co-construction des diplômes

Surtout, ils veulent participer à la co-construction des diplômes. "Nous sommes favorables à une plus grande implication des entreprises dans l’élaboration des diplômes, assure Isabelle Sauret, responsable de la formation et du développement RH du groupe Michelin. A l’heure où l’entreprise exige une remise à jour régulière des compétences, le manque de flexibilité des programmes peut être contreproductif". Ce déficit de réactivité est décrié par les entreprises. Il faut, en effet, trois ans pour qu’un diplôme soit reconnu au niveau du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles).

D’autant que "l’enseignement n’est pas suffisamment adapté à la réalité des métiers et des besoins", déplore Guillaume Rabel-Suquet, DRH du groupe Manitou, qui compte 50 alternants en moyenne par an (sur 1 900 salariés). L’inadéquation entre les offres d’emploi et les formations dispensées pose problème. "Très peu de formations de soudeur existent dans les Pays de la Loire alors que nous avons un besoin criant de ces jeunes professionnels", poursuit le DRH.

Les initiatives régionales

Si les régions, par la voix de l’ARF (Association des régions de France), revendiquent le pilotage de l’alternance, les DRH ont des avis contrastés. "La réponse ne peut être que territoriale au plus près des bassins d’emploi", insiste Philippe Lamblin qui participe à une  "task force" en Hauts-de-France mobilisant le Conseil régional, l'Afpa, l'Education nationale, la sous-préfecture, les entreprises (Danone, Nestlé, Soufflet..). Objectif? Faire du "sur-mesure'"  afin de "répondre aux besoins d’un même bassin d'emploi"; la pénurie d'ouvriers et de techniciens en maintenance. Un comble alors que la région affiche un taux de chômage de 11,7%.

Les acteurs du réseau Auvergne Industries ont, eux, pris les devants. Depuis deux ans, sous la houlette de Michelin, ils préparent la création d’un Campus entreprises, inauguré en 2019, mobilisant des entreprises (Michelin, Limagrain, l’imprimerie de la banque de France), la région, le rectorat de l’académie de Clermont-Ferrand, la Caisse des dépôts, Opcalia, le pôle de compétitivité Viameca qui rassemble plus de 200 sociétés de l’industrie mécanique...

A l’origine du projet : un besoin de main-d’œuvre qualifiée que ne fournit pas le système éducatif. "Le nombre d’élèves attendus correspondra aux débouchés que nous sommes sûrs de pouvoir offrir", assure Isabelle Sauret. Mais l’exemple reste rare.

Certains mettent en doute les capacités des branches professionnelles à piloter la gouvernance du système. "Toutes n'ont pas de structures territoriales et, de fait, manquent de visibilité sur les besoins d’un bassin d’emploi précis", remarque Guillaume Rabel-Suquet.

La répartition de la taxe d’apprentissage

L’implication des régions est, de fait, à géométrie variable. La dernière réforme de l’apprentissage, initiée par la loi de finances de 2013, qui a conforté l’assise financière et le pouvoir de régulation des conseils régionaux, avec une dotation de 51% du montant de la taxe d’apprentissage, l’atteste. Car si cette dotation, versée au Trésor public puis redistribuée aux conseils régionaux, devait permettre un rééquilibrage des forces entre établissements, elle prive les entreprises d’une partie de leurs contributions affectées jusqu’ici à des écoles de leur choix. "Nous avons choisi 20 écoles avec lesquelles nous travaillons, écoles de commerce et d’ingénieurs, lycées professionnels, IUT et BTS, centres de formation pour apprentis. Mais au lieu de verser 500 000 euros à ces établissements, je n’en verse plus que la moitié, une fois la contribution régionale prélevée", constate Guillaume Rabel-Suquet. "Nous aimerions privilégier les universités qui forment les juristes que nous recrutons, renchérit Sophie Perez. Mais celles-ci ne sont pas inclues dans ce schéma".

Laurence Bonnet, la responsable RH de quatre structures dont MRB Caloresco, une entreprise de BTP de 47 salariés, implantée à Valenciennes, souhaiterait, de son côté, "privilégier les CFA implantés dans sa région". D’une part, "pour équiper les ateliers et permettre aux apprentis de se former sur des équipements adaptés". D’autre part, pour enrichir la dotation de ces établissements, "la plupart recevant des publics en difficulté". Mais "concrètement, je ne sais pas réellement où va l’argent". Soit 10 000 euros au total. "80% de notre effectif est pourtant issu de l’apprentissage".

Même constat de la part de Jérôme Barré, directeur des ressources humaines du groupe Orange, qui souhaiterait "flécher la taxe uniquement vers l’apprentissage". Soit une réforme controversée.

Les frais "complémentaires"

Des dérives existent aussi. Les écoles ne sont pas exemptes de tout reproche. Les entreprises dénoncent même une forme de "chantage" à leur égard. "Certaines demandent des versements complémentaires, en sus de la taxe d’apprentissage, très élevés pour accueillir un alternant", alerte Sophie Perez. Même constat de la part d'un groupe agro-alimentaire : "Je refuse désormais ce type de racket mais certaines filiales n’ont pas eu le choix et ont dû déboursé 15 000 euros car le jeune était déjà recruté". En toute impunité.

Une voie de la dernière chance

De quoi freiner les ardeurs des entreprises. D’autant que "l’alternance est présentée pour les formations de l’enseignement secondaire (CAP, BP et bac pro) comme une voie de la dernière chance, relève Laurence Bonnet. Or, les entreprises ne peuvent pas accueillir les élèves en échec scolaire, elles ne peuvent pas pallier les lacunes concernant les savoirs de base que chaque jeune devrait maîtriser à la sortie du primaire et du secondaire". Aussi le CFA BTP partenaire de l’entreprise a-t-il développé des tests pour évaluer le niveau général des jeunes candidats, notamment en math et en français. Avec l’objectif d’éviter que l’alternance soit "une voie par défaut", voire la "dernière des solutions".

C'est justement l'intention du gouvernement qui souhaite faire de l’apprentissage une "voie d’excellence". Mais d’ici là, il y a fort à faire…

 

Les deux voies de l’alternance

- L’apprentissage : réservé aux 16-26 ans, il débouche sur un diplôme de l’Éducation nationale et prépare majoritairement à des métiers techniques, du CAP au diplôme de grande école.

- Le contrat de professionnalisation : ouvert aux moins de 26 ans et aux chômeurs de plus de 26 ans, il permet à une personne diplômée (beaucoup ont le bac) d’acquérir un nouveau métier.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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