Liste noire du PSG : et c'est reparti !

03.04.2017

Droit public

Le feuilleton contentieux du fichier d'exclusion présente une nouvelle saison avec le Conseil constitutionnel en guest-star.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait validé un fichier des interdictions de stade prononcées par les autorités d’Etat mais refusé la création d’un fichier d’exclusion des indésirables du PSG « ayant un comportement non conforme aux valeurs du club ». Elle n’avait, par une délibération du 30 janvier 2014, autorisé ce club à créer une liste noire qu’en raison de l’existence d’un impayé, du défaut de respect des règles de billetterie, de l’exercice d’une activité commerciale interdite dans l’enceinte sportive et de l’exercice de paris dans l��enceinte sportive sur le match en cours et avait même limité la durée d’exclusion des mauvais payeurs à la durée du défaut de paiement.
La motivation de la CNIL était, en substance, qu’un club n’était pas chargé d’assurer la lutte contre des infractions pénales et n’avait pas à dire qui avait commis de telles infractions, ce qui incombe aux tribunaux, ou était susceptible de le faire. Saisi par le PSG de cette restriction, le Conseil d’État avait rejeté la requête en référé du club pour défaut d’urgence (CE, ord. réf., 9 mai 2014, n° 377193 : bull. 213, juin 2014, p. 1).
Remarque : au fond, il avait annulé la restriction qui imposait de radier de la liste noire les mauvais payeurs dès qu��ils s’étaient acquittés de leurs dettes et avait un peu atténué la portée de la restriction générale en jugeant que « la circonstance que la Commission n’autorise pas le PSG Football à traiter de telles données, ne saurait avoir pour effet de lui interdire de prendre en compte des violations des dispositions de son règlement intérieur » (CE, 13 juin 2016, n° 377194 : bull. 236, juill. 2016, p. 6).
Pour contourner cette opposition, un fichier « STADE » avait été créé, par arrêté du ministre de l’intérieur du 15 avril 2015, à la préfecture de police, qui ne concernait toutefois essentiellement que le PSG et ne visait que ceux qui se présentent ou se comportent comme des supporters. Le CE avait annulé partiellement cette autorisation, en interdisant ainsi d’y faire figurer des éléments tirés du traitement relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique et surtout de transmettre les informations du fichier STADE aux associations et sociétés sportives, ainsi qu’aux fédérations (CE, 21 sept. 2015, n°os 389815, 389862, 389867, 389901 et 390070 : bull. 227, oct. 2015, p. 7).
 
Parallèlement à cette affaire, la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, issue d’une proposition de loi déposée en réaction aux événements qui avaient conduit le 20 septembre 2015 à Marseille à la suspension du match OM/Lyon pendant un quart d’heure, a été adoptée à l’issue d’un parcours parlementaire remarquablement rapide et efficace : déposée le 29 septembre 2015, soit quelques jours après les incidents, sur le bureau de l’Assemblée par un parlementaire d’opposition, M. Larrivé, elle a été adoptée en première lecture le 4 février 2016 après quelques amendements, suscitant la colère de certains supporters mais amendée le 5 avril 2016 par le Sénat pour y inclure la promesse d’un dialogue avec ceux-ci, et adoptée telle quelle dans le texte du Sénat, à l’unanimité, par l’Assemblée le 28 avril 2016. Il va de soi qu’une loi adoptée dans de telles conditions, à l’unanimité, n’est pas déférée au contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel et celui-ci n’a donc pas été saisi.
 
La mesure principale de cette proposition de loi, et celle qui avait conduit certains groupes de supporters à associer le nom de l’auteur du texte à l’idée de dictature, se trouve dans son article premier. Cet article donne aux clubs de football le droit de refuser de vendre des places aux personnes susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes et au bon déroulement de ces manifestations, et pour ce faire leur donne le droit de tenir un fichier d’exclusion de ces personnes, ce que l’on appelle couramment une « liste noire ».
 
C’est donc pour l’application de cette nouvelle loi qu’un décret n° 2016-1954 du 28 décembre 2016 précisant les modalités de mise en oeuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel relatives au non-respect des dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur concernant la sécurité des manifestations sportives à but lucratif a été pris. Il a été attaqué par une association nationale des supporters à l’appétence contentieuse bien connue : dès le 9 janvier 2017 celle-ci soulevait, par mémoire distinct comme il se doit, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, que l’on appelle une QPC (question préalable de constitutionnalité), de l’article 1er de la loi du 10 mai précédent. Il appartient alors au Conseil d’Etat d’apprécier si cette question répond aux conditions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : il faut que la disposition contestée soit applicable au litige, qu’elle n’ait pas été déjà examinée par le Conseil constitutionnel et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Les 2 premières conditions pour les raisons que l’on vient d’expliquer posaient peu de problème et la réponse était, à l’évidence, positive. En revanche, en ce qui concerne la troisième, le CE a jugé que le moyen tiré de ce que la disposition porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à ceux qui sont garantis par les articles 8 et 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux :
- la première disposition pose que « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée », ce qui est bien la question du monopole des juridictions pénales pour considérer que des infractions pénales ont été commises ;
- selon la seconde, « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » ce qui pose également indirectement la question du rôle dévolu aux services de sécurité des clubs.
 
La question est donc renvoyée au Conseil constitutionnel qui doit dès lors, en application de l’article 23-10 de l’ordonnance de 1958, statuer sous 3 mois. Il faut admettre toutefois que la création d’une liste noire par une personne privée met en jeu tout aussi nettement les principes que l’interdiction de déplacement des supporters qui avait fait l’objet d’une décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI).
Remarque : cette décision, mûrement soupesée et balancée, rappelait « qu’il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de définir, à partir de critères objectifs et avec précision, les personnes ou catégories de personnes faisant l’objet des mesures de restriction de déplacement ; que ces mesures doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ; qu’elles peuvent être contestées par les intéressés devant le juge administratif, notamment dans le cadre d’un référé-liberté ».
 
On ne se livrera pas au petit jeu des pronostics, mais dans ce feuilleton qui avait déjà vu l’Etat, le PSG, la CNIL, le CE et le Parlement intervenir, le renvoi au Conseil constitutionnel introduit un élément de suspense que les amateurs de séries apprécieront, et qui conduira les intéressés à attendre encore un peu.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Dominique Rémy, Conseiller scientifique Dictionnaire permanent Droit du sport
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