Loi de ratification des ordonnances Macron : questions/réponses

12.04.2018

Gestion du personnel

La publication de la loi de ratification des ordonnances réformant le code du travail (dites ordonnances Macron) et les modifications de fond qu'elle porte ont suscité de nombreuses questions juridiques qui ont pu être posées à la rédaction sociale des Editions Législatives lors d'un webinar organisé le 5 avril dernier. Voici les réponses faites par la rédaction.

Négociation collective
Quelle sanction en l'absence de publication des accords collectifs ?

Aucune sanction particulière n’est prévue par les textes. Les entreprises déposent en 2 exemplaires leur accord auprès de la Direccte, laquelle est chargée de le publier sur la base de données publique des accords. Cette publication est de la responsabilité de la Direccte.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Quelles sont les modalités de calcul de l'effectif des 2/3 pour dénoncer l'accord ?

Le calcul des 2/3 des salariés se fait au jour de la dénonciation de l’accord. La dénonciation  doit être notifiée à l’employeur « collectivement et par écrit ». Chaque salarié doit y apposer son nom pour pouvoir vérifier que la totalité des signataires représentent 2/3 des effectifs.

L'accord validé par les 2/3 des salariés peut-il ensuite être dénoncé par de futures organisations syndicales qui seraient présentes à l'issue de futures élections ?

Oui. La loi de ratification du 29 mars 2018 prévoit que les modalités de révision et de dénonciation des accords sont applicables qu’elles qu’aient été les modalités de conclusion de l’accord d’origine (article L 2232-16). Il faut en conclure qu’un accord ratifié au 2/3 par les salariés pourra être dénoncé par de futures OS. Inversement, un accord signé par des OS, pourra être dénoncé par les 2/3 des salariés si l’effectif de l’entreprise passe en dessous de 20 salariés (article L 2232-22-1).

Les accords sur la politique salariale doivent-ils être publiés ?

Oui. Les accords NAO doivent être publiés dans la base nationale. Seuls ne font pas l’objet d’une publication :

  • les accords relatifs à l'épargne salariale (participation, intéressement, PEE/PEI/PERCO...) ;
  • les accords PSE ;
  • les accords de performance collective.
Lorsque l'on a 20 personnes sur une structure, entre-t-on dans la négociation des PME ?

Si par structure vous entendez entreprise, oui vous pouvez proposer à 2/3 de vos salariés de ratifier le projet d’accord, dès l’instant que vous n’avez pas de CSE.

Si par structure, vous entendez un établissement de 20 salariés faisant partie d’une entreprise de plus de 20 salariés, la réponse est négative.

Le site de dépôt dématérialisé des accords collectif est ouvert. Pour autant, l'article du code du travail imposant un dépôt papier auprès de la Direccte est toujours en vigueur. Peut-on s'en passer ?

Effectivement l’article D. 2231-2 du code du travail imposant un dépôt papier reste en vigueur. Selon nos informations, un décret devrait paraître et supprimer l’obligation de dépôt papier.  Dans l’attente de ce texte, il faut toujours transmettre vos deux exemplaires papiers auprès de la Direccte.

Accord de performance collective
Quelles sont les conditions pour signer un accord de performance collective ?

C’est un accord majoritaire signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix qui se sont porté sur les syndicats représentatifs au premier tour.

A défaut de syndicats, Il peut aussi être signé par accord avec le CSE, par des salariés mandatés ou, dans les entreprises d’au plus 20 salariés, par ratification aux 2/3 tiers des salariés.

Suffit-il d'invoquer les nécessités de fonctionnement pour justifier un accord de performance collective ?

Les finalités de l’accord sont très larges. Il faut cependant, dans le préambule, justifier  « les nécessités liés au fonctionnement de votre entreprise » qui nécessitent la négociation d’un tel accord.

Dès le début de la négociation, il est préférable que l’employeur informe ses interlocuteurs syndicaux qu’il s’inscrit dans le cadre de l’article L.2254-1 et que l’objet de la négociation est bien la signature d’un accord de performance collective.

Quels sont les motifs pour ces accords : économique, changement de stratégie ?

La nouveauté apportée par les ordonnances Macron est que l‘existence d’un motif économique n’est plus une condition nécessaire pour pouvoir signer ce type d’accord.  Il suffit que l’accord développe ou préserve l’emploi ou qu’il soit nécessaire au fonctionnement de l’entreprise (faire face à un nouveau marché, gagner en agilité, en gain de productivité, réaliser des économies…).

Accord de performance collective et forfait-jours
S'agit-il d'une "modification du forfait-jours" si l'accord de performance modifie un forfait -jour déjà existant en application d'une convention collective de branche ?

Oui. C’est une modification du forfait jour déjà mis en place dans l’entreprise. La loi ne distingue pas selon le niveau de l’accord collectif qui met en place le forfait jour : établissement, entreprise, groupe, branche. Par ailleurs, le principe de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche s’applique.

Rappelons que s’il s’agit d’une modification d’une convention de forfait déjà existante, il n’est pas nécessaire de conclure une nouvelle convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné :

  • si le salarié ne refuse pas dans le délai d’un mois (ou s’il accepte expressément) l’application de l’accord de performance collective, les modifications du forfait jours résultant de cet accord collectif se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de la convention individuelle de forfait existante ;
  • si le salarié refuse dans le délai d’un mois, le refus d’appliquer l’accord de performance collective est une cause réelle et sérieuse de licenciement : il n’y aura pas de contestation de la légitimité du licenciement.
Pour les forfaits-jours, s'il n'y a pas de convention signée après la mise en place d'un accord d'entreprise, est-ce que l'accord est imposé quand même au salarié ?

Lorsque l’accord de performance met en place le dispositif de forfait jours alors qu’aucun accord collectif ne le permettait jusque-là, il faut la conclusion d’une convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné :

  •  si le salarié accepte d’appliquer l’accord collectif : il faut conclure une convention individuelle de forfait avec lui pour formaliser son accord ;
  • si le salarié refuse d’appliquer l’accord, son refus est un motif légitime de licenciement comme tout refus d’application d’un accord de performance collective. Certains juristes estiment cependant que le refus du salarié n’obéit pas au régime juridique du refus d’application d’un accord de performance collective et que dans ce n’est pas un motif en soi de licenciement.
  • si le salarié, sans refuser formellement, ne signe pas la convention individuelle de forfait, cette non-signature sera assimilée à un refus de se voir imposer l’accord.
En cas de modification d'un forfait-jours en forfaits-heures, faut-il l'accord du salarié ?

Cette question reste ouverte. Faut-il considérer la transformation du forfait jours en forfait heures (ou inversement) comme une modification d’un forfait existant ou comme la mise en place d’un nouveau dispositif de forfait ?

Dans le premier cas, la signature d’une convention individuelle de forfait n’est pas nécessaire, dans le second, elle l’est. Pour plus de sécurité, nous vous conseillons dans cette hypothèse de faire signer au salarié une convention individuelle actant le changement de forfait.

Dans le passé, seuls (sauf exceptions) pouvaient bénéficier du forfait-jours les salariés (cadres) avec une large autonomie... Via un accord d'entreprise bien entendu, pourrions-nous imaginer de le transposer à l'ensemble du personnel (d'une catégorie...). Ici, par exemple, une grosse boucherie avec des horaires de début et de fin non clairement définis (car fonction de la volumétrie) ?

Les ordonnances du 22 septembre 2017 n’ont pas modifié les règles légales relatives aux salariés éligibles au forfait jours. Ces règles sont d’ordre public il n’est pas possible d’y déroger par accord d’entreprise. Dans tous les cas il faudra que les salariés que vous intégrez au forfait soient autonomes au sens de l’article L. 3121-58 du code du travail. Attention également au niveau de leur rémunération.

Pour rappel : Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :

  1. Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
  2. Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Comité social et économique
A quelle date doit-on apprécier les effectifs pour le calcul du nombre de sièges lors de la mise en place du CSE ?

Pour les élections du comité d’entreprise, la détermination du nombre de représentant à élire se calcule selon l’effectif compris dans l’entreprise à la date du premier tour des élections (Cass. Soc., 23 mars 2011, n° 10-60.175). Cette jurisprudence devrait s’appliquer de la même manière pour les élections au CSE.

Pour les entreprises d’au plus 20 salariés, un salarié doit se porter candidat dans les 30 jours suivant l'information de l’employeur sur la mise en place de l'élection du CSE. Si personne ne s'est porté volontaire dans les délais impartis, l’élection est-elle annulée comme le suggère le PV de carence mis à disposition par le ministère sur son site en ligne ?

Cette hypothèse fait débat.  A notre sens, l’absence de candidature permet  à l’employeur de ne pas négocier de protocole d’accord préélectoral mais ne le dispense pas d’organiser les élections. S’il s’avère qu’aucun salarié ne se présente, il signera alors en bonne et due forme un PV de carence. D’autres estiment au contraire que le Cerfa  du ministère vaut PV de carence sans que l‘employeur ait à organiser les élections.

Cette interrogation devrait être levée par la circulaire questions/réponses du ministère du travail.  

Pour des mandats qui expirent après 2020, le CSE doit être mis en place au 1er janvier 2020. Quand déclencher les élections ?

Au 1er janvier 2020, les anciennes instances CE/DP/CHSCT n’auront plus d’existence juridique. Il faut que l’entreprise ait un nouveau CSE élu au plus tard à cette date. L’entreprise devra informer les salariés de la date des élections 90 jours avant (donc courant septembre 2019) et tenir le 1er tour dans la quinzaine qui précède la fin des mandats. En amont, il est conseillé à l’entreprise qui comporte plusieurs établissements de réfléchir à sa carte des établissements distincts (lieu d’implantation des CSE d’établissement) avant de négocier avec les syndicats sur ce thème.

Nous sommes un OPH employant la moitié de fonctionnaires et de salariés de droit privé. Les mandats arrivent à échéance en décembre 2018. Peut-on également les proroger ?

Selon l’article L.2311-1 du code du travail, le CSE concerne les employeurs de droit privé ainsi que :

  • Les établissements publics à caractère industriel et commercial ;
  • Les établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé.

Les OPH sont des EPIC, le CSE s’applique, il est donc possible de proroger les mandats pour un an maximum.

Pour le budget ASC : dès la mise en place du nouveau CSE, le budget ASC peut-il être revu compte tenu de la nouvelle réglementation ?

Oui il est possible de négocier un accord d’entreprise.  A défaut d'accord, le calcul de la contribution des ASC est le suivant : « le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne peut être inférieur au même rapport existant pour l'année précédente » (article L.2312-81).

Qui signe l’accord sur le budget : les délégués syndicaux ou le CSE ?

Le code du travail prévoit  que le budget des ASC est fixé par accord d’entreprise (article L. 2312-81). Cet accord est signé par les syndicats représentatifs s’il en existe dans l’entreprise ;  à défaut  avec les membres du CSE.

Quel est le budget ASC la première année du CSE ?

Si le budget est ASC est fixé par accord d’entreprise, il devrait tomber dès la mise en place du CSE puisque tous les accords relatifs aux anciennes instances tombent à la mise en place du CSE. Un nouvel accord devrait donc être signé.

Si le budget fait l’objet d’un usage dans l’entreprise, celui-ci peut perdurer sauf à le dénoncer.

Les expertises décidées antérieurement par le CHSCT se retrouvent dans quel cas de financement ?

Dès lors que le recours à l’expertise a été décidé dans le cadre du CHSCT, la prise en charge est totale de la part de l’employeur ; il ne pourra pas la remettre en cause plus tard quand il sera passé en CSE même si l’expertise était en cours d’exécution pendant les élections.

Doit-on obligatoirement refaire un nouveau règlement ou celui du CE actuel peut-il être applicable ?

Un nouveau règlement intérieur du CSE est nécessaire.

Dans le règlement intérieur, est-il possible d'encadrer les heures de délégation ?

Si « encadrer » signifie revoir le volume global des heures de délégation, il est impossible de le faire dans le règlement intérieur. En effet, la négociation relative aux volumes des heures de délégation ne peut résulter que du PAP (Article L 2314-7).

Si « encadrer » signifie mettre en place des bons de délégation ou organiser la prise des heures de délégation, il est parfaitement possible de le prévoir dans le cadre du règlement intérieur.

Doit-on respecter la parité F/H même s'il y a une forte majorité de femmes ?

Il ne s’agit pas d’une règle de parité mais bien d’une représentation équilibrée en fonction de l’effectif de l’entreprise. S’il y a une forte majorité de femmes, il y aura une forte majorité de candidatures de femmes.

La loi de ratification modifie-t-elle les règles de désignation des délégués syndicaux ?

Oui, Elle prévoit que si tous les élus ayant obtenu au moins 10% des suffrages aux dernières élections refusent par écrit d’être désignés délégué syndical, le syndicat peut nommer :

  • un candidat n’ayant pas obtenu les 10% ;
  • un salarié membre du syndicat dans l’entreprise ;
  • un ancien élu au CSE ayant atteint la limite des mandats au CSE. 

Cette nouvelle possibilité était autrefois refusée par la Cour de cassation.

Nous avons un PV de carence à fin 2017 mais nous franchissons le seuil de 50 salariés en 2018. Peut-on attendre 2019 ?

Oui vous pourrez attendre fin 2019 pour organiser vos élections sauf si d’ici là un salarié ou un syndicat demande l’organisation des élections.

Pour le budget du CSE, l'exclusion des indemnités de rupture vise-t-elle aussi les indemnités de rupture soumises à cotisations (celles supérieures à 2 PASS) ?

Le code du travail prévoit que l’assiette de calcul des budgets des ASC et de fonctionnement du CSE est la masse salariale brute en application du code de la sécurité sociale.

Par exception, ne sont pas incluses dans cette assiette les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. Il n’y a aucune distinction entre celles qui sont ou non soumises à cotisations sociales. (Art. L. 2315-61).

Les indemnités de rupture soumises à cotisations (supérieures à 2 PASS) sont donc exclues de l’assiette de calcul du budget du CSE.

Télétravail
Comment articuler avec l'ANI existant relatif au télétravail ?

L’ANI relatif au télétravail avait été repris dans la loi Warsmann de 2012. Les ordonnances de septembre ont modifié cette loi qui n’a plus vocation à s’appliquer. Cependant l’ANI existe toujours et doit donc s’appliquer aux entreprises comprises par son champ d’application.

Le code du travail prévoit désormais que la mise en place du télétravail peut se faire par tout moyen. De son côté, l’ANI impose un avenant au contrat de travail. Dans la mesure où la rédaction d’un avenant est plus favorable au salarié, il semble que les entreprises soumises à l’ANI doivent rédiger un avenant. Sauf si elles signent un accord sur le télétravail dans lequel elles stipulent clairement que l’accord du salarié peut se faire par tout moyen.

Quels sont les frais/coûts à prendre en charge (je n'ai pas d'accord ou de charte à l'heure actuelle) ?

Le Code du travail ne prévoit plus expressément cette prise en charge. Mais elle n’a pas disparu pour autant. Les frais liés au télétravail doivent être pris en charge par l’entreprise.

Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien. L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail

Dominique Le Roux, Jean-Baptiste Davoine et Nathalie Lebreton
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