Loi Travail : quelles obligations pour l'entreprise en matière de droit à la déconnexion ?

Loi Travail : quelles obligations pour l'entreprise en matière de droit à la déconnexion ?

20.10.2016

Gestion du personnel

Au 1er janvier 2017, les entreprises devront engager une négociation concernant le droit à la déconnexion de leurs salariés. Mais que recoupe cette nouvelle obligation de négocier, introduite par la loi Travail ? Éléments de réponse avec Thomas Humbert, avocat associé du cabinet brL Avocats.

Permettre aux salariés de mieux articuler leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Tel est l’objectif de la nouvelle obligation de négocier, introduite par la loi Travail du 8 août 2016 et intégrée au sein de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2017.

Qu’entend-on par "droit à la déconnexion" ?

Il s’agit d’une notion non-définie par la loi, que l’on peut décrire comme la possibilité, pour le salarié, de bénéficier de périodes de repos sans aucun contact avec son activité professionnelle. La loi Travail a introduit le droit à la déconnexion au nombre des négociations annuelles obligatoires avec les représentants syndicaux. Il n’y a en revanche pas d’obligation de parvenir à la conclusion effective d’un accord. En cela, le code du travail ne prévoit pas de dispositif légal contraignant à mettre en place par l’employeur.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Concrètement, que peut contenir l’accord négocié par les partenaires sociaux dans l’entreprise ?

Il existe de nombreux exemples de pratiques mises en place en matière de droit à la déconnexion, à l’étranger mais aussi dans certaines grandes entreprises françaises. Une entreprise peut ainsi envisager, comme cela a été fait chez Renault, de limiter l’usage de la messagerie professionnelle et du téléphone portable le soir et le week-end. Elle peut également prévoir, comme BNP Paribas, que les courriels envoyés au salarié sur ses horaires de repos ne soient réceptionnés qu’à son retour au travail. Une messagerie automatique indiquerait à l’expéditeur du courriel que son message ne sera pas reçu immédiatement, mais à partir d’une certaine heure le lendemain matin, par exemple. Un accord en vigueur chez Thalès reconnaît aux salariés en télétravail un droit à la déconnexion en dehors des horaires d’ouverture de l’établissement pour lequel ils travaillent. D’autres entreprises, comme Total, prévoient simplement que le salarié n’a pas l’obligation de se connecter aux serveurs de l’entreprise en dehors des horaires de travail.

Ces accords confirment une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un salarié ne peut pas être licencié pour faute grave lorsqu’il ne répond pas à des sollicitations professionnelles durant ses périodes de repos.

Peut-on prévoir une différence entre le droit à la déconnexion d’un employé et celui d’un cadre dirigeant, par exemple ?

La mise en œuvre du droit à la déconnexion peut s’avérer plus difficile lorsque le salarié a un haut niveau de responsabilités. On peut donc imaginer des modalités différentes d’exercice de ce droit pour un cadre et un non-cadre, les différences de traitement entre deux catégories de salariés étant présumées justifiées si elles sont prévues par un accord collectif. Cependant, l’accord doit aboutir à ce que tous les salariés puissent effectivement bénéficier du droit à la déconnexion.

L’accord peut-il comporter des actions de formation ou de sensibilisation des salariés au droit à la déconnexion ?

L’univers de travail est aujourd’hui marqué par une mutation majeure des moyens de communication. Plus que former au droit à la déconnexion, il faut former au bon usage des outils digitaux. Une telle formation doit permettre notamment de sensibiliser managers et salariés à la préservation de la vie personnelle de ces derniers. On voit naître des jurisprudences sur des salariés qui n’arrivent plus à se déconnecter à cause d’une surcharge de travail. Il est important que les salariés sachent se poser, à eux-mêmes, des limites.

La loi est silencieuse sur le rôle du CHSCT en matière de droit à la déconnexion. Comment peut-il être associé à la négociation sur ce thème ?

Rien n’empêche l’employeur d’engager une discussion avec le CHSCT en parallèle des négociations, afin de le tenir informé du déroulé de celles-ci. Il peut l’interroger à titre informatif, en dehors de toute obligation de consultation. Il peut être judicieux d’engager un dialogue avec le CHSCT concernant le droit à la déconnexion, car il est l’organe de prédilection habilité à suivre ces problématiques.

Puisque la loi ne sanctionne pas le non-respect du droit à la déconnexion, que risque l’employeur à ignorer cette question ?

En cas de contentieux concernant les risques psychosociaux, le juge peut reprocher à l’employeur de n’avoir pas ouvert la négociation concernant le droit à la déconnexion. Désormais, les magistrats apprécient de façon globale l’ensemble des démarches engagées par l’entreprise pour prévenir les risques psychosociaux, dont l’utilisation des nouveaux moyens de communication fait partie intégrante. Ils rechercheront si la négociation sur le droit à la déconnexion a été ou non engagée, mais également si des actions de formation ont été lancées sur le sujet, s’il y a eu discussion avec le CHSCT… L’employeur doit être en mesure de démontrer que la vie professionnelle de ses salariés n’empiète pas sur leur vie personnelle. L’appréciation des juges se fait au cas par cas.

En revanche, on ne pourra pas reprocher à un employeur que les négociations engagées n’aient pas abouti à la signature d’un accord d’entreprise.

Dans quelles conditions des chartes peuvent être établies par l’employeur en l’absence d’accord ?

A défaut d’accord collectif, la loi prévoit, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, qu’une charte doit être élaborée après avis du CE, ou à défaut, des DP. Cette charte doit prévoir la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction.

Peut-on constater des bénéfices pour les entreprises qui jouent le jeu de cette négociation ?

D’après plusieurs rapports, dans les univers de travail où les salariés arrivent à un bon équilibre vie personnelle/vie professionnelle, il y a moins d’absentéisme, moins d’erreurs dans les tâches confiées et moins d’accidents du travail ou maladies professionnelles. Or, on sait que ces facteurs génèrent des coûts pour les entreprises, et un report de l’activité sur les autres salariés. On peut donc dire que les entreprises qui s’intéressent au droit à la déconnexion de leurs salariés y gagnent aussi financièrement.

Laurie Mahé Desportes
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