Médiation des entreprises dans le cadre de marchés publics

24.04.2017

Gestion d'entreprise

La saisine du médiateur des entreprises n'interrompt pas le cours des différentes prescriptions à la différence de la saisine du comité consultatif de règlement amiable.

Les missions relevant précédemment de la médiation interentreprises et de la médiation des marchés publics ont été réunies sous la responsabilité d’un nouveau médiateur des entreprises (D. 14 janv. 2016 : NOR : EINP1530229 : JO, 16 janv.). En effet, la médiation concerne tous les acteurs économiques, tant publics que privés. Elle les aide à régler les différends contractuels ou relationnels.

A la suite de ce décret de nomination, un décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit dans son article 142, qu’en cas de différend concernant l'exécution des marchés publics, les acheteurs et les titulaires de ces marchés peuvent recourir au médiateur des entreprises ou aux comités consultatifs de règlement amiable (CCRA) régis par le décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010.

L’ordre des avocats de Paris soutient que les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 142 sont illégales, en ce qu’elles concernent le médiateur des entreprises, dans la mesure où elles instituent un régime nouveau de prescription pour l’action en paiement d’une créance publique et dont sont exclues les autres personnes exerçant une activité de médiation.

 

Consultation préalable de l’Autorité de la concurrence

L’Ordre des avocats soutient que la règle selon laquelle la saisine du médiateur des entreprises interrompt le cours des délais contentieux est constitutive d'un

droit exclusif au sens de l’article L. 462-2 du code de commerce. Selon cet article, l’Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée par le gouvernement sur tout projet de texte ayant pour effet « d’établir des droits exclusifs dans certaines zones ».

Le Conseil d’Etat rappelle qu’il est loisible aux parties à un marché public de prévoir l’intervention d’un organisme de médiation et, ainsi, donner un effet interruptif des délais de recours à la saisine d’un médiateur de leur choix. Il précise que cet effet était déjà attaché de plein droit à la saisine du CCRA, les dispositions du décret se bornant à étendre la règle au médiateur des entreprises.

Le conseil d’Etat juge que l���article 142 n’établit pas un nouveau droit exclusif au sens du code de commerce et n’avait pas à être soumis à l’avis de l’Autorité de la concurrence.

 

Institution d’un monopole au profit du médiateur d’entreprise

Le médiateur des entreprises, service du ministère de I’économie et des finances, a pour objet de proposer gratuitement à tous les acheteurs et à toutes les entreprises, quelles que soient leurs ressources, et donc notamment à ceux disposant de moyens limités, un processus organisé afin de parvenir, avec son aide, à la résolution amiable de leurs différends. L'article 142 du décret attaqué s'est borné à mettre en oeuvre la mission d'intérêt général, qui relève de l'Etat, de développer les modes alternatifs de règlement des litiges, corollaire d'une bonne administration de la justice.

En outre, il n'institue aucunement un monopole au profit du médiateur des entreprises, les cocontractants demeurant libres de choisir leur médiateur. Dès lors, aucune des attributions confiées au médiateur des entreprises n'emporte intervention sur un marché qui fausserait le jeu de la libre concurrence. Le Conseil d’Etat en conclut que les dispositions de l'article 142 ne méconnaissent donc pas le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le droit de la concurrence.

 

Règles relatives à l’interruption des délais de prescription

L'article 142 du décret du 25 mars 2016 institue un régime de prescription pour l'action en paiement d'une créance pour les entreprises qui saisissent le médiateur des entreprises ou un comité consultatif de règlement amiable. Cependant, il n’appartient qu'au législateur de déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles, au nombre desquels figure la fixation d'un délai de prescription pour l'action en paiement d'une créance conformément à l'article 34 de la Constitution. Par conséquent, l'article 142 est entaché d'illégalité en tant qu'il dispose que la saisine du médiateur des entreprises ou d'un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions. Toutefois, il n'y a lieu d'annuler ces dispositions qu'en tant qu'elles sont relatives à la saisine du médiateur des entreprises.

 

Marché public de services juridiques

Une seconde question soumise au Conseil d’Etat concerne l’application des règles sur les marchés publics aux services juridiques. Selon ce dernier, le fait que l’article 29 du décret prévoit que ses dispositions ne s’appliquent pas aux marchés publics « de service juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d'un mode alternatif de règlement des conflits », non plus qu'aux marchés de « services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée précédemment ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l'objet d'une telle procédure », n’exonère ces marchés, ni du respect des règles générales des marchés publics (art. 1er), ni du seuil de dispense de procédure fixée à 25 000 euros ( art. 30).

 

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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