Mal-logement : que comptent faire les candidats à la présidentielle ?

Mal-logement : que comptent faire les candidats à la présidentielle ?

02.02.2017

Action sociale

Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pointe une aggravation des problèmes de mal-logement. Lors d'une grand-messe, les principaux candidats à la présidentielle étaient invités à exposer les orientations qu'ils comptent mettre en oeuvre. Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Benoît Hamon, Emmanuel Macron et une représentante de François Fillon se sont prêtés à l'exercice. Récit.

Il est à peine 14 heures ce 31 janvier. Dans l'immense salle de la grande Arche de la Défense, près de 2 000 personnes venues de toute la France pour la présentation du 22e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement attendent le début du grand oral des candidats à la présidentielle. Dans leur tête, ils oscillent sans doute entre espoir que la gravité de la situation déclenche des politiques ambitieuses et résignation après tant de promesses non tenues.

 

FRANCOIS FILLON 

Et ça commence sous quelques sifflets. Le candidat des Républicains - qui était jusqu'à peu le grand favori de l'élection - s'est fait porter pâle, pris dans la tourmente médiatico-politique (1). L'a remplacé au pied levé Isabelle Le Callenec, députée d'Ille-et-Vilaine, secrétaire nationale du logement chez Les Républicains. Comme pour les autres, elle dispose de 30 minutes pour exposer les grandes lignes du programme et répondre aux questions de la journaliste Audrey Pulvar (qui intervient bénévolement) et d'un responsable de la Fondation.

Méfiance sur l'encadrement des loyers

La parlementaire déclare partager une partie des 15 idées phares de la Fondation (lire notre article sur le rapport), mais ne reprend que celle relative à la réforme de la gouvernance locale afin de clarifier les responsabilités de chacun. Pour le reste, la représentante de François Fillon ne semble pas toujours en phase avec les orientations de la Fondation Abbé Pierre. Sur l'encadrement des loyers, prévu par la loi Alur, elle rappelle que Les Républicains s'y sont opposés pour éviter de décourager les propriétaires. Isabelle Le Callenec reconnaît cependant, en "pragmatique", que cette mesure a permis de stabiliser les loyers en région parisienne. Elle ne précise cependant pas si le parti de droite va changer de position sur l'encadrement des loyers. 

Action sociale

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La loi SRU, un "totem"

De même, la députée LR ne précise pas si l'allocation sociale unique que prône son candidat fusionnera avec l'APL, ce que refuse la Fondation Abbé Pierre. "Pas question de remettre en cause les APL", dit-elle simplement, indiquant tout de même qu'il faut s'interroger sur l'utilisation des 40 milliards d'euros dévolus à la politique du logement. Interrogée sur le respect de la loi SRU - qui fixe une proportion minimale de logements sociaux à respecter -, elle reçoit quelques sifflets en parlant de "totem". "Le seuil de 25 % de logements sociaux n'est pas nécessaire partout", affirme Isabelle Le Callenec. Elle insiste sur deux leviers permettant de résoudre le mal-logement : libérer 100 000 logements par an dans le parc social en offrant aux partants la possibilité de signer un bail homologué ; s'attaquer d'abord à la question de l'emploi. "Avec le plein emploi, il n'y aura plus de problème de logement", assène-t-elle dans le scepticisme général.

 

JEAN-LUC MELENCHON

Forcément, quand vient le tour de Jean-Luc Mélenchon, la tonalité est résolument différente. Le candidat des Insoumis, le seul à être présent depuis le matin pour la présentation du rapport, estime que le débat sur la politique du logement renvoie à la question de la répartition de la richesse dans le pays.

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Pas plus de 20 % du revenu pour se loger

Il plaide pour une sécurité sociale du logement qui proposerait une logique inversée à celle qui prévaut actuellement. "Il ne s'agit pas de réguler par le prix de l'immobilier, mais par le revenu des personnes", explique-t-il. En clair, Jean-Luc Mélenchon souhaite que personne ne consacre plus de 20 % de ses revenus à se loger. Mais sur les moyens d'y arriver, le candidat reste pour le moins vague. 

Un service public de garantie des loyers

Le candidat des Insoumis s'engage, en revanche, à la construction de 200 000 logements sociaux par an (actuellement, nous atteignons difficilement les 140 000) et à la réhabilitation de 700 000 logements laquelle s'inscrit dans le cadre de la planification écologique qu'il appelle de ses voeux. Un chantier qu'il chiffre à 18 milliards d'euros. Il se déclare également en faveur d'un service public de la garantie de loyers et pour un durcissement des sanctions à l'égard des communes ne respectant pas les obligations de la loi SRU. Il ne partage pas une idée de la Fondation qui souhaite une gestion plus intercommunale de la politique du logement, attaché qu'il est au maintien de l'autonomie communale. Quand on lui parle du coût de ses mesures, Jean-Luc Mélenchon, pas avare de bons mots, se fait solennel: "Combien ça coûte les gens qui sont démolis par la pauvreté ?"

 

YANNICK JADOT

Troisième candidat à passer le grand O, l'écologiste Yannick Jadot dont la présence à la présidentielle est encore incertaine. Revenant sur le bilan du quinquennat en la matière, il distingue deux périodes : celle où Cécile Duflot était aux commandes du ministère, marquée notamment par la loi Alur et celle qui a suivi marquée par "le mal-logement organisé".

Proche des propositions de la Fondation

Il demande dès lors que l'encadrement des loyers s'applique à l'ensemble des zones tendues. Il reconnaît s'inspirer largement des propositions de la Fondation Abbé Pierre. "Je suis pour les logiciels libres", ironise-t-il en se félicitant que l'écologie politique inspire d'autres candidats.

Miser sur les financements européens

Pour lui, la clé principale pour sortir du mal-logement est européenne. "Il faut investir 600 milliards d'euros à l'échelle de l'Union européenne, notamment pour financer des travaux de rénovation énergétique", insiste-t-il. Christophe Robert, délégué général de la Fondation, lui fait remarquer que la France n'a pas réussi à se saisir des financements pour intégrer les populations Rom. Le député européen s'emporte : "Trop de gouvernements ont renoncé à la justice sociale. Il faut refuser la mise en concurrence des pauvres entre eux." Il insiste, par ailleurs, pour impliquer les citoyens dans les politiques publiques, reprenant la proposition du rapport Mechmache/Bacqué de créer un fonds de dotation pour l'interpellation citoyenne financé par un prélèvement sur le financement de la vie publique.   

 

BENOIT HAMON

Il est 15h40 et l'arrivée de Benoît Hamon ne se fait pas dans la discrétion avec une nuée de cameramen et de photographes à ses basques. Pour le vainqueur de la primaire de la Belle alliance populaire, c'est la première sortie publique depuis dimanche soir.

Conditionner la mesure Pinel

L'ancien ministre lie le combat contre le mal-logement et celui contre la pauvreté. L'occasion pour lui de remettre au centre des débats son idée du revenu universel d'existence (RUE) qui ne fait pas l'unanimité parmi les militants associatifs (lire la position de l'Uniopss). Il précise que le RUE ne signifie pas la suppression des APL. Très décriée, la mesure Pinel permettant des exonérations fiscales pour la construction de logements neufs destinée à la location, devrait être conditionnée, selon Benoît Hamon, à leur localisation dans certaines zones tendues et à un certain type de logements (les appartements familiaux).

Une taxe sur les transactions immobilières élevées

Il se déclare également en faveur d'une taxe sur les transactions immobilières très élevées qui permettrait de financer, en partie, la loi de programmation pluriannuelle (permettant notamment de construire 150 000 logements "très sociaux" chaque année). Porteur de la loi sur l'ESS, le candidat de gauche estime que son objectif est d'augmenter la part de celle-ci dans l'activité économique, notamment en l'impliquant massivement dans la rénovation énergétique.

 

EMMANUEL MACRON

Reste à Emmanuel Macron à se soumettre à l'exercice. Très à l'aise avec ce dossier sur lequel il s'était peu exprimé jusque-là, le candidat "En marche !" énonce d'abord deux convictions : le problème ne peut être réglé d'en haut car le partenariat sur le terrain s'impose (dès lors, il ne croit pas à un objectif national de construction de logements sociaux) ; il faut un engagement pluriannuel et arrêter le "stop and go" habituel. L'ancien ministre de l'économie met en avant cinq priorités.

Priorité au "Logement d'abord"

La domiciliation des SDF doit devenir un droit pour tous car elle permet de déclencher l'ouverture de droits. D'autre part, il veut que la logique du "Logement d'abord" prenne le pas sur celle de l'urgence qui coûterait 1,3 milliard d'euros par an. Il propose dès lors de créer, sur 5 ans, 10 000 places supplémentaires en pensions de famille (soit 25 à 30 M€ par an) et 40 000 places nouvelles en intermédiation locative. Emmanuel Macron souhaite également que la priorité à la rénovation thermique soit portée sur les ménages les plus modestes. 

Un bail mobilité pour les précaires

Réservé sur la mesure de durcissement de l'encadrement des loyers qui risquerait de faire fuir les propriétaires, le candidat "En marche !" propose de mettre en place un bail mobilité de moins d'un an pour les personnes (en formation, en intérim, en stage) qui n'arrivent pas à trouver un appartement sur le marché. Face aux réticences de la Fondation par rapport aux baux précaires, Emmanuel Macron précise que ces baux précaires concerneraient des logements qui n'étaient pas en location antérieurement. Par ailleurs, il demande un engagement fort de l'Etat en faveur des quartiers en politique de la ville. "Il faut sortir de l'assignation à résidence pour ces populations et leur proposer de la mobilité si on veut respecter la promesse de la République", assène-t-il. Il faudra d'énormes moyens, lui répond Christophe Robert. Une façon de lui donner rendez-vous lors de la présentation détaillée du programme, sans doute fin février, de celui qui est devenu le favori de la présidentielle.      

 

(1) Le soir du 31 janvier, si l'on en croit Le Figaro, il rencontrait des patrons de start-up.   

Noël Bouttier
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