Marie-Françoise Godard, une assistante sociale fidèle à ses prêtres

Marie-Françoise Godard, une assistante sociale fidèle à ses prêtres

21.07.2017

Action sociale

Le diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo s’est doté en 2001 d’un service social, pour accompagner son clergé vieillissant. Marie-Françoise Godard, à 65 ans, assume la mission avec professionnalisme, mettant au second plan sa foi catholique. Elle nous dévoile les besoins de ces hommes aux ressources modestes, souvent isolés, qui ne prennent leur retraite qu’à 75 ans.

 
Pourquoi votre diocèse s’est-il doté d’un service social ?

En 2001 notre diocèse comptait encore plus de 500 prêtres, dont plus de la moitié s’apprêtaient à prendre leur retraite. Il a donc été décidé de créer un « service social du clergé », pour les accompagner. Mon employeur, l’archevêque de Rennes, m’a donné pour mission de m’occuper en priorité de ces prêtres âgés – et notamment de leur santé, de leurs conditions de vie, de leurs logements, de leur entrée en établissements… Mais je me tiens également disponible pour les autres.

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Le diocèse, qui couvre l’Ille-et-Vilaine, compte aujourd’hui 230 prêtres, d’une moyenne d’âge de 74 ans. Le plus âgé a 99 ans - et le plus jeune, 32 ans. La majorité a été ordonnée avant le concile Vatican II !

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Ceci dit, parmi les 99 diocèses de France, certains sont beaucoup plus touchés par le vieillissement et la raréfaction des prêtres… A mon embauche, ils n’étaient encore que cinq à avoir recruté une assistante sociale. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine. Et d’autres diocèses peuvent faire appel à un suivi bénévole.

 

Où rencontrez-vous les prêtres de l’Ille-et-Vilaine ?

Je peux les recevoir dans mon bureau, à l’archevêché de Rennes. Mais mon travail se fait surtout avec mon deuxième bureau : ma voiture de service ! En effet pour un prêtre âgé, il est difficile de se déplacer. Je roule donc beaucoup à travers le diocèse pour aller les rencontrer. J’en vois une cinquantaine chaque semaine. J’assure ainsi un rôle de veille, et je réponds à tout ce qui peut préoccuper les prêtres, ainsi que leur entourage. Et leur retraite m’occupe beaucoup !

 

Le passage à la retraite peut donc les inquiéter ?

Ils n’y sont pas toujours préparés. Les prêtres doivent attendre 75 ans avant de pouvoir remettre leur charge, sauf dérogation. A cet âge, certains sont déjà très fatigués. Ils ont hâte de ne plus avoir de responsabilités. Et pourtant, paradoxalement, le moment venu, on les sent presque veufs de ce qu’ils ont fait. Dans une vie de curé, il y a tout le temps à faire… A l’âge de la retraite, ils sont désormais dans l’être. Ils se centrent davantage sur la prière. Et certains vivent une très grande solitude.

Et puis, les prêtres ne sont pas tous égaux face aux pensions. Dès l’âge de 60 ans, ils perçoivent une retraite de leur régime de sécurité sociale, la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac). Mais son montant varie de 300 à 600 euros par mois. Certains en effet ont pu travailler ailleurs, par exemple comme professeur dans l’enseignement privé… Il reste que les prêtres retraités continuent à donner des messes, à raison de 24 par mois. Et chacune est rémunérée 18 euros. A cela s’ajoutent des émoluments, versés par l’archevêché. Nous considérons donc qu’en réalité, ils gagnent au moins 800 euros par mois, c���est-à-dire le minimum vieillesse.

 

Disposez-vous de solutions particulières pour leur maintien à domicile, ou encore pour leur trouver un hébergement ?

La Cavimac propose des aides financières pour l’embauche d’aides à domicile. Mais je fais appel à des mesures de droit commun, depuis les aides au logement jusqu’au portage des repas, en sollicitant bien sûr les centres communaux d’action sociale, ou encore les départements.

Par ailleurs le diocèse possède deux maisons de retraite. L’une d’elle, à Rennes, est destinée aux chanoines, c’est-à-dire à des prêtres âgés, voués à la prière. Elle s’apparente à un foyer-logement, d’une douzaine de lits. Et nous avons aussi une maison de retraite, semi médicalisée, de moins de vingt-cinq lits. Elle est située en dehors de Rennes : elle est très calme, mais peut donner à certains un sentiment d’isolement.

Tous les prêtres n’ont d’ailleurs pas le souhait de rentrer dans une maison sacerdotale. Certains choisissent un établissement des Petites sœurs des pauvres, ou d’une autre congrégation, ou même, parfois, un Ehpad laïque…

 

Votre fonction n’est pas sans rappeler le soutien que pourraient leur apporter des religieuses…

Je m’en défends. Je suis catholique, mais je n’ai jamais eu la vocation ! Je reste une assistante sociale. J’exerçais auparavant en polyvalence de secteur, dans la Somme ; le métier reste le même. Seul le public diffère.

Il est vrai, cependant, que je suis chrétienne pratiquante - et il m’arrive même d’assister à leurs messes. C’était d’ailleurs un des trois critères d’embauches, avec le diplôme d’Etat d’assistante sociale et le fait d’avoir un peu de « bouteille ». Je ne pense pas que l’on puisse faire ce métier sans partager leur foi. Le Christ, c’est toute leur vie !

Pour autant, ils restent des hommes. Chez le prêtre, je m’occupe avant tout de cet homme, qui a des interrogations sur ses droits, qui tombe malade, ou qui est mal logé… Et comme tous les hommes, du reste, ces prêtres ont peur de la mort. Eux aussi peuvent douter de l’existence de Dieu. Je suis très proche d’eux, et ils me confient aussi ces interrogations. Ce sont de belles figures, ces prêtres. Ils sont heureux pour la plupart, et habités par une forte espérance. Et j’estime avoir beaucoup de chance de mener cette mission, et de pouvoir les côtoyer, et de les aimer.

Olivier Bonnin
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