Mediator : l'État condamné à indemniser une victime

07.11.2017

Droit public

Le tribunal administratif de Paris condamne l'État à indemniser une victime de valvulopathie cardiaque en raison de l'absorption du Mediator.

Par une série de jugements avant-dire-droit du 12 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris – saisi de demandes indemnitaires présentées par des personnes ayant suivi un traitement à base de benfluorex (Mediator) – a retenu le principe d’une responsabilité de l’État du fait de ne pas avoir suspendu ou retiré l’AMM de ce médicament à compter du 7 juillet 1999 (TA Paris, 12 sept. 2014, n° 1312485/6, 1312391/6, 1401913/6 et 1401970/6).

Estimant qu’il n’était pas en mesure de statuer sur le lien de causalité et l’étendue des préjudices subis par les requérants, le tribunal a ordonné une expertise médicale complète avant de se prononcer sur leurs conclusions indemnitaires. Par un jugement du 10 octobre 2017, il vient, pour la première fois, de condamner l’État à indemniser les préjudices subis par une victime d’une valvulopathie cardiaque.
Le principe de la responsabilité de l’État et de son exonération partielle
Par des jugements rendus le 12 septembre 2014 – précédés d’autres jugements avant-dire-droit (TA Paris, 3 juill. 2014, n° 1312345/6 ; TA Paris, 7 août 2014, n° 1312469/6, 1312477/6, 1312386/6, 1315850/6), le tribunal administratif de Paris a estimé que l’État était responsable des conséquences dommageables dues à la carence fautive de l’AFSSAPS (devenue l’ANSM) à suspendre ou à retirer l’AMM du Mediator à compter du 7 juillet 1999, date de la séance de la commission nationale de pharmacovigilance à laquelle a été évoquée l’inversion du rapport bénéfices sur risques présenté par le benfluorex.
Ces jugements de principe ont été confirmés, la cour administrative d’appel de Paris validant la période au sein de laquelle la responsabilité de l’État est susceptible d’être mise en cause par les victimes du Mediator, à savoir du 7 juillet 1999 au 30 novembre 2009, date de la suspension effective du médicament (CAA Paris, 31 juill. 2015, n° 14PA04082, 14PA04083, 14PA04146).
Saisi de plusieurs pourvois en cassation, le Conseil d’Etat a confirmé que la responsabilité de l’État était engagée, sur le fondement de la faute simple, en raison de la carence de l’AFSSAPS à retirer l’AMM du Mediator à partir du 7 juillet 1999 (CE, 9 nov. 2016, n° 393904).
La Haute juridiction administrative a toutefois censuré un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, précisant que l’État n’était pas tenu de réparer intégralement les préjudices liés au Mediator et qu’il pouvait s’exonérer partiellement de sa responsabilité, en se prévalant de la faute commise par le laboratoire pharmaceutique soumis à son contrôle (CE, 9 nov. 2016, n° 393902).
La cour administrative de renvoi a estimé que les agissements fautifs des laboratoires Servier, tels qu’ils ont été relevés dans le rapport de l’enquête administrative de l’IGAS (rapport RM 2011-001P du 15 janv. 2011), étaient de nature à exonérer l’État – pour la période s’étalant du 7 juillet 1999 au 30 novembre 2009 – à hauteur de 70 % quant à la réparation des conséquences dommageables dues à la prise du médicament (CAA Paris, 4 août 2017, n° 16PA00157 et 16PA03634). Cette répartition de la dette de réparation a été reprise par le tribunal administratif.
L’appréciation du lien de causalité et l’évaluation des préjudices
Se fondant sur l’expertise produite par le collège d’experts benfluorex de l’ONIAM en 2016, le tribunal a considéré que l’absorption de Mediator par la victime de 2003 à 2009, dans le but de traiter une hypertriglycéridémie, était en relation de causalité directe avec les atteintes valvulaires dont elle souffre (fuites mitrale et aortique). Il en résulte que l’État doit être tenu pour responsable de ces conséquences dommageables, dans la limite de 30 % des sommes déterminées.
En l’espèce, la victime a été indemnisée des préjudices patrimoniaux (assistance d’une tierce personne) et extrapatrimoniaux (déficit fonctionnel temporaire et permanent) à hauteur de 22 885 euros. En revanche, le préjudice d’anxiété qu’elle invoquait n’a pas été retenu.
Il est vrai que la consécration par le Conseil d’Etat d’un préjudice d’anxiété au bénéfice des victimes du Mediator est assortie de conditions plutôt restrictives (CE, 9 nov. 2016, n° 393108). Pour ouvrir droit à réparation, un tel préjudice doit présenter un caractère direct et certain, ce que les juges du fond doivent apprécier en tenant compte d’éléments objectifs (la gravité de la pathologie risquant de se développer et la probabilité qu’elle se développe) et subjectifs (les circonstances particulières tenant à la situation du patient, telle l’information médicale dont il dispose sur son état).
En l’espèce, le tribunal a considéré que le risque de développer une hypertension artérielle pulmonaire à la suite d’une exposition au benflorex devant être regardé comme très faible et que l’information diffusée aux patients par l’ANSM étant suffisamment claire et précise, la victime ne faisait état d’aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier l’existence d’un préjudice d’anxiété lié à la crainte de développer une pathologie grave après la prise de Mediator.
Aussi, pour les requêtes impliquant des personnes n’ayant pas développé de pathologie en lien avec le médicament, il y a tout lieu de croire que bon nombre d’entre elles n’obtiendront aucune indemnisation, leurs conclusions visant à réparer un préjudice d’anxiété étant rejetées faute de répondre aux conditions jurisprudentielles précitées (CAA Paris, 4 août 2017, n° 16PA00157 et 16PA03634).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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