Mise en oeuvre des mesures compensatoires : encore des efforts à accomplir

29.05.2017

Environnement

Un rapport rendu par une commission d'enquête du Sénat pointe l'insuffisante application des mesures compensatoires réalisées dans le cadre de quatre grands projets d'infrastructure et fait des propositions pour améliorer leur effectivité.

La Commission des lois du Sénat a validé le 9 novembre 2016 une proposition de résolution, tendant à la création d’une commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi dans la durée.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Les travaux de la commission s’appuient « sur l’étude approfondie de quatre projets d’infrastructures à différents stades de réalisation : inventaires et conception des mesures de compensation (projet d’aéroport du grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes) ; réalisation en cours des mesures de compensation (projet de ligne à grande vitesse Tours - Bordeaux) ; suivi des mesures sur le moyen terme (autoroute A 65) ; anticipation par création d’actifs naturels (projet de réserves d’actifs naturels de Cossure en plaine de la Crau) ».

 

La commission a mené une cinquantaine d’auditions et effectué quatre déplacements. Son rapport a été rendu public en mai 2011.

Les mesures compensatoires : un outil encore peu utilisé

La commission d’enquête dresse un double constat relatif à la mise en œuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" (ERC) dans le cadre de grands projets d’infrastructures.

Une application très partielle des mesures ERC

La mise en oeuvre de la compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur les grands projets d'infrastructures constitue un des critères de réussite de la bonne mise en oeuvre de la séquence, plus large, « éviter-réduire-compenser », introduite en droit français par la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976. Pour tout projet susceptible d'avoir un impact sur l'environnement, un maître d'ouvrage est d'abord tenu d'éviter les impacts, puis de les réduire, et enfin, en dernier recours, d'en compenser les conséquences dommageables.

 

Ce triptyque « ERC », longtemps mis en oeuvre sur la base d'une simple « doctrine » et de lignes directrices nationales élaborées par l'administration, a été précisé et renforcé par la récente loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 (v. nos actualités "Les nouvelles mesures compensatoires de la loi Biodiversité : principe et évolution" et "Les nouvelles mesures compensatoires de la loi Biodiversité : mise en oeuvre" du 18 octobre 2016).

 

La commission constate que le triptyque ERC est inscrit en droit français depuis plus de quarante ans mais n’a été longtemps que partiellement appliqué, malgré un contexte général d’érosion de la biodiversité.

Des difficultés qui grippent la mise en oeuvre des mesures ERC

Un certain nombre de difficultés empêchent aujourd'hui’hui une bonne mise en œuvre de la compensation selon les rapporteurs. Ceux-ci citent notamment :

- la multiplicité des régimes juridiques mettant en œuvre la séquence ERC (étude d'impact, loi sur l'eau, dérogation faune-flore, Natura 2000, défrichement, boisements linéaires...) ;

- la segmentation des procédures ;

- l'anticipation insuffisante ;

- l'absence quasi-systématique de mise en œuvre de l’évitement ;

- la trop faible recherche de consensus entre l’ensemble des parties prenantes ;

- et le manque de cohérence temporelle et territoriale.

Des propositions pour une séquence ERC "idéale"

Fort de ce constat, la commission d’enquête formule 35 propositions visant à remédier à ces difficultés, à "faciliter" la conduite des projets tout en respectant l’exigence environnementale et à faire fonctionner ensemble deux trames – naturelle et humaine – qui aujourd’hui s’affrontent. Ces propositions sont fondées sur trois conditions essentielles : mieux anticiper et appliquer plus systématiquement l'évitement et la réduction, assurer un consensus scientifique et entre les parties et mettre en oeuvre la compensation de manière plus souple et plus efficace.

Ces propositions dessinent en creux ce que l’on pourrait appeler une séquence ERC "idéale", qui réunirait plusieurs conditions essentielles, notamment :

- une meilleure prise en compte des étapes de l’évitement et de la réduction ; une meilleure insertion de la compensation dans les territoires ;

- une harmonisation des règles applicables pour la réalisation des inventaires initiaux ;

- une méthode de compensation stabilisée ;

- une association très en amont de tous les acteurs des territoires ;

- une réelle participation du monde agricole à toutes les étapes de la séquence ;

- des mesures compensatoires assises sur un consensus scientifique solide et partagé ;

- un suivi des mesures compensatoires harmonisé et organisé à une échelle territoriale et temporelle cohérente.

Olivier CIZEL, Code permanent Environnement et nuisances

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