Nature juridique de la garantie financière

30.07.2018

Gestion d'entreprise

La garantie financière dont doit se doter un agent immobilier ne constitue pas un concours au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce.

Une société avait une activité de transaction immobilière, de gérance d'immeubles et de syndic de copropriété, et avait à ce titre, souscrit, auprès de la Société de caution mutuelle des professions immobilières (la Socaf) la garantie financière obligatoire prévue par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. Par la suite la société Immobilier service garantie a fait l’objet d’une procédure d'enquête et la Socaf, garante, a publié un avis de cessation de la garantie. La société Immobilier service déclarée en cessation des paiements a été mise en liquidation judiciaire et le liquidateur a alors assigné la Société garante, en responsabilité en lui reprochant d'avoir commis une faute dans l'octroi de sa garantie financière.

La cour d’appel de Paris, soulignait que la garantie financière donnée par la Socaf à la société Immobilier service constituait un concours consenti au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce et qu'aucune des trois exceptions prévues par ce texte pour déroger au principe d'irresponsabilité du créancier ayant consenti des concours n'était démontrée contre la Socaf. La cour d’appel rejetait, en conséquence, les demandes du liquidateur, l'arrêt retenant que les termes génériques de "concours consentis" et de "créancier" employés dans la loi conduisent à ne pas limiter son application aux seuls apports de fonds et aux établissements de crédit.

La Cour de cassation (par une décision qui sera publiée au Bulletin des arrêts de cassation)  casse l’arrêt mais seulement en ce qu'il dit que la garantie financière donnée par la Société de caution mutuelle des professions immobilières à la société Immobilier service constitue un concours consenti au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce et qu'aucune des trois exceptions prévues par ce texte pour déroger au principe d'irresponsabilité du créancier ayant consenti des concours n'est démontrée, dans la mesure où la garantie financière accordée aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations mentionnées à l'article 1er de loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 n'est pas, en l'absence de fourniture d'un crédit, un concours au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce, ce texte ne s’appliquant pas pour rechercher la responsabilité du garant.

La solution peut a priori se discuter. En effet, le crédit accordé par une personne habilité par le code monétaire et financier, peut se traduire de deux façons. La première, la plus classique, par une sortie de fonds en faveur du bénéficiaire, que cela soit dans le cadre d’un prêt remboursable à échéances, ou par une ouverture de crédit en compte courant existant entre le prêteur et son client.

La seconde, couramment usitée et ne nécessitant pas de décaissement de fonds, tant à l’origine qu’ultérieurement si le contrat conclu entre le client et le tiers partenaire économique de ce dernier est mené à bonne fin, s’est développée de longue date dans la pratique bancaire. L’article L. 313-1 du code monétaire et financier classe ainsi au rang des opérations de crédit " l’engagement par signature ". Le prêteur prête sa signature et permet ainsi à son client soit d’obtenir du crédit auprès d’un autre organisme, soit d’éviter d’avoir à verser un dépôt espèces dans le cadre de la conclusion d’un marché privé ou public conclu avec un tiers ou une administration, soit d’avoir à éviter de verser à un créancier des sommes qui lui sont réclamées, l’engagement du banquier garantissant ainsi la solvabilité du client donneur d’ordre. L’engagement par signature est donc juridiquement, une opération par laquelle, le prêteur, généralement une banque, garantit le paiement de la dette de son client envers un tiers.

Pour la Cour de cassation, la garantie financière exigée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs qu’elles détiennent pour le compte de leur clientèle est une garantie, et alors à notre sens, une garantie autonome et non pas un crédit au sens de la loi. Bien entendu, la faculté reste ouverte au bénéficiaire de la garantie de soulever sur le fondement du droit commun, la responsabilité du garant, lequel en octroyant sa garantie a donné un sentiment illusoire de sécurité aux tiers bénéficiaires ayant traité avec l’agent garanti.

 

Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés

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