Nouvelles mesures compensatoires pour les terrains agricoles

12.09.2016

Environnement

Un décret permet la mise en place de mesures compensatoires à la destruction de terrains agricoles, distinctes de celles applicables à la destruction d'espaces naturels.

L'article 28 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt avait introduit une étude préalable et des mesures compensatoires à la destruction des terres agricoles. Un décret d'application permet leur mise en oeuvre.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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La justification du dispositif

Le chef d’entreprise agricole peut être concerné par la mise en oeuvre de mesures compensatoires écologiques, soit parce qu’il sera lui-même porteur d’un projet soumis à étude d’impact, soit parce qu’il se trouvera au cœur d’un projet d’aménagement soumis à étude d’impact induisant des mesures compensatoires potentiellement situées sur ses parcelles, ou soit encore parce qu’il sera sollicité pour mettre en œuvre des mesures de compensation sur son exploitation.

Compte tenu de la montée en puissance de ce dispositif, les projets de compensation écologique peuvent s’avérer une nouvelle source de revenus pour l’agriculteur, en reconnaissant voire en accentuant sa fonction de producteur de biodiversité. Mais ceux-ci peuvent également venir bouleverser l’économie des entreprises agricoles présentes sur un territoire, en oubliant totalement la finalité productive de l’agriculture, et apparaître comme une double peine, après les emprises foncières déjà nécessaires pour réaliser le projet soumis à compensation écologique.

Champ d'application de l'étude préalable

Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole font l’objet d’une étude préalable (C. rur., art. L. 112-1-3).

Sont soumis à cette étude (C. rur., art. D. 112-1-18) :

- les travaux qui sont soumis à étude d’impact de façon systématique ;

- dont l’emprise du projet est située :

  • soit dans une zone agricole, forestière ou naturelle délimitée par un document d’urbanisme et qui a/été affectée à une activité agricole dans les cinq ans précédant le projet ;
  • soit dans une zone à urbaniser délimitée par un document d’urbanisme et qui a/été affectée à une activité agricole dans les trois ans précédant le projet ;
  • soit dans sur toute surface non couverte par un document d’urbanisme qui a/été affectée à une activité agricole dans les cinq ans précédant le projet ;

- et dont la surface est supérieure ou égale à 5 ha. Le préfet peut fixer des seuils compris entre 1 et 10 ha, après avis de la  commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), tenant compte des types de production et de leur valeur ajoutée.

Remarque : lorsqu’un projet est constitué de plusieurs séries de travaux, la surface prise en compte correspond à la surface prélevée pour la réalisation de l’ensemble du projet (C. rur., art. D. 112-1-18).
Contenu de l'étude préalable

L’étude préalable comprend une description du projet, une analyse de l’état initial de l’économie agricole du territoire concerné, l’étude des effets positifs et négatifs du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole du territoire. L’étude préalable et les mesures de compensation sont prises en charge par le maître d’ouvrage (C. rur., art. L. 112-1-3 et D. 112-1-19).

Remarque : lorsque la réalisation du projet est fractionnée dans le temps, l’étude préalable de chacun des projets comporte une appréciation des impacts de l’ensemble des projets (C. rur., art. D. 112-1-19).
Procédure applicable

L’étude préalable est adressée par le maître d’ouvrage au préfet qui la transmet à la CDPENAF. Celle-ci émet un avis sur l’existence d’effets négatifs notables sur l’économie agricole, sur la nécessité des mesures compensatoires, sur les mesures proposées par le maître d’ouvrage et peut faire des propositions ou des recommandations. Le préfet transmet son avis sur le projet au maître d’ouvrage. En cas de mesures compensatoires à mettre en œuvre, l’avis du préfet et l’étude sont publiés sur le site internet de la préfecture. Le maître d’ouvrage doit informer le préfet de la mise en œuvre de ces mesures périodiquement (C. rur., art. D. 121-1-21 et D. 121-1-22).

Remarque : aucune sanction administrative ou pénale spécifique n'est prévue en cas de non-respect de ces obligations. Néanmoins, dans la mesure où cette étude préalable fait partie de l'étude d'impact, le dispositif de contrôle et de sanction applicable à cette dernière lui est potentiellement applicable.
Des mesures compensatoires économiques

Ces mesures compensatoires sont différentes des mesures compensatoires écologiques prévues au code de l'environnement : il s'agit, d'une part, d’une compensation économique, d'autre part, d'une compensation collective et non pas individuelle. Ces mesures sont, de surcroît, indépendantes de celles concernant la destruction des espaces naturels prévues dans le code de l’environnement (étude d’impact, étude d’incidence de la loi sur l’eau, évaluation des incidences Natura 2000, dérogation espèce protégée) et le code forestier (boisement compensateur).

Toutefois, une double compensation écologique et économique n’est pas à exclure sur certains écosystèmes affectés à l’activité agricole (prairies ou zones humides). De plus, tous les documents évaluant les impacts des projets sur l’environnement (étude d’impact, document d’incidence loi sur l’eau, évaluation des incidences Natura 2000) remplacent l’étude préalable dès lors qu’ils reprennent ses éléments (C. rur., art. D. 121-1-20).

Entrée en vigueur

La loi d'avenir de l'agriculture prévoyait initialement une entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Celle-ci n'a pu être tenue compte tenu du caractère tardif du décret. Celui-ci prévoit en outre un report d'entrée en vigueur du dispositif de trois mois  : au total, le dispositif s'applique aux projets pour lesquels l'étude d'impact a été transmise à l'autorité environnementale à compter du 1er décembre 2016 (et non à compter du 1er novembre 2016 comme l'indique à tort la notice du décret).

Cette entrée en vigueur pourra le cas échéant être repoussée encore, compte tenu des dates d'entrée en vigueur décalées de l'ordonnance et du décret refondant l'évaluation des plans et programmes.

Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances

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