Opposabilité du secret bancaire

30.07.2018

Gestion d'entreprise

Le secret bancaire peut être levé afin de rechercher la responsabilité éventuelle de la banque créancière, dès lors que cela est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et que l'atteinte au secret soit proportionné au but poursuivi.

Les faits peuvent être résumés de la façon suivante : une personne s'est portée caution du remboursement d'un prêt accordé par une banque à une société. Suite à la cessation des paiements et la mise en liquidation judiciaire du débiteur, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement. Cette dernière, se prévalant de divers manquements de la banque l’a assignée en paiement de dommages-intérêts. Au cours de l'instance d'appel, le conseiller de la mise en état a, sur la demande de la caution, ordonné à la banque de verser aux débats, sous astreinte, l'étude de ses services internes, et notamment de son comité d'audit, sur la viabilité de l'opération financée, ainsi que son analyse préalable à l'octroi du crédit souscrit. La banque a formé un déféré-nullité contre cette décision, qui a été rejeté et la banque, qui a formé un pourvoi immédiat, soutient que celui-ci est recevable en raison de l'excès de pouvoir commis par le juge de la mise en état en ordonnant la production de documents couverts par le secret bancaire, excès de pouvoir consacré par la cour d'appel.

La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en affirmant que le secret bancaire institué par l'article L. 511-33 du code monétaire et financier ne constitue pas nécessairement un empêchement légitime au sens de l'article 11 du code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l'établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident, mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l'opération contestée.

Il convient de rappeler de prime abord qu’une banque ne peut pas par principe, invoquer le secret professionnel quand une demande de communication de documents est dirigée contre elle pour rechercher son éventuelle faute (Cass. com. 19 juin 1990, n° 88-19.618 PB : Bull. civ. IV, n° 179).

L’article L 511-33 du code monétaire et financier dispose que l’établissement de crédit est tenu au secret professionnel et que, en dehors d’un certain nombre de cas prévus par la loi, ils ne peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel qu’au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire. Toutefois, cette disposition est destinée à protéger les tiers clients des établissements de crédit et non pas protéger ces derniers contre leurs propres turpitudes. Parallèlement, celui qui doit apporter la preuve des faits allégués pour rechercher la responsabilité de l’établissement de crédit ne peut exiger de ce dernier la production de tous documents au risque d’aboutir à un renversement de la charge de la preuve. La demande ne peut être formée que pour obtenir des éléments que le demandeur ne peut obtenir par ses propres moyens et qui sont nécessaires à l'instruction de l’affaire par le juge et par suite à l’appréciation par celui-ci, de la revendication du demandeur. La communication des documents demandés doit donc s’avérer être proportionnée et indispensable à l’exercice du droit à la preuve (Cass. 1re civ., 22 juin 2017, n° 15-27.845).

 

Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés

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