Ordonnances : les accords de groupe peuvent-ils aussi primer sur les accords de branche ?

Ordonnances : les accords de groupe peuvent-ils aussi primer sur les accords de branche ?

16.10.2017

Convention collective

Si les ordonnances permettent aux accords d'entreprise de primer sur les accords de branche dans un très grand nombre de cas, un flou persiste sur la place dévolue aux accords de groupe au sein de cette nouvelle articulation. Dans le silence du texte, peuvent-ils aussi primer sur les accords de branche ? Décryptage.

La loi Travail du 8 août 2016 a accordé aux accords de groupe une prééminence qu'ils n'avaient pas auparavant. Depuis cette réforme, l'accord de groupe a la possibilité de prévoir que ses stipulations se substituent à celles ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord. La loi Travail clarifie ainsi la place de l'accord de groupe.

Convention collective

Négociée par les organisations syndicales et les organisations patronales, une convention collective de travail (cct) contient des règles particulières de droit du travail (période d’essai, salaires minima, conditions de travail, modalités de rupture du contrat de travail, prévoyance, etc.). Elle peut être applicable à tout un secteur activité ou être négociée au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

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Ce qui n'est pas le cas des ordonnances. En réarticulant les relations entre les accords d'entreprise et les accords de branche, l'ordonnance n°1 du 22 septembre 2017 passe sous silence la place accordée aux accords de groupe dans ce réaménagement.

Les accords de groupe passés sous silence

Aujourd'hui, le code du travail ne comporte pas de dispositions spécifiques définissant l’articulation entre les accords de groupe et les accords de branche. Le régime des accords de groupe étant calqué sur celui des accords d’entreprise, l’accord de groupe prévaut en principe sur l’accord de branche sur les matières pour lesquelles la loi le prévoit pour les accords d’entreprise. Mais loin de clarifier le sujet, les ordonnances créent de nouvelles interrogations.

L'article 1 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 précise la manière dont s'articulent les accords de branche et les accords d'entreprise, et distingue 3 blocs. Le premier bloc vise les 13 matières au sein desquelles l'accord de branche prime, le deuxième bloc la liste les 4 matières que la branche peut verrouiller. Enfin, le troisième bloc précise que pour tous les sujets non visés dans les blocs 1 et 2, la convention d'entreprise prime sur l'accord de branche.

L'article L.2253-3 du code du travail (le bloc 3) précise que dans les matières autres que celles mentionnées dans les blocs 1 et 2, les stipulations de la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la convention de branche prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche.

Or, ce même article 1 définit la convention d'entreprise comme suit : "Sauf disposition contraire, les termes "conventions d'entreprise" désignent toute convention ou accord conclu soit au niveau de l'entreprise, soit au niveau de l'établissement".  Cet article complète l'article L.2232-11 du code du travail qui précise que la section "Conventions et accords d'entreprise ou d'établissement "détermine les conditions dans lesquelles s'exerce le droit des salariés à la négociation dans l'entreprise et dans le groupe". Mais il n'est nullement fait mention des accords de groupe dans l'alinéa 2 de l'article L.2232-11 du code du travail créé par l'ordonnance n° 1.

Le gouvernement ne compte pas réduire la négociation de groupe

Que faut-il en déduire ? Qu'un accord de groupe n'a pas la capacité, comme un accord d'entreprise ou d'établissement, de primer sur les dispositions de l'accord de branche comme le permet désormais l'article L.2253-3 du code du travail ? Voire même, en poussant le raisonnement très loin, qu'un accord de groupe pourrait "neutraliser" un accord d'entreprise qui recourrait aux nouvelles possibilités offertes par les ordonnances puisque la loi Travail permet désormais à un accord de groupe de se substituer aux accords d'entreprise ?

Telle n'est en tous les cas pas la volonté du gouvernement en dépit de la rédaction imprécise du texte. Interrogé, le ministère du travail assure que par "convention d'entreprise" il faut aussi comprendre accords de groupe. Du côté de Matignon, c'est l'article L.2232-33 du code du travail qui est invoqué pour confirmer que l'accord de groupe a les mêmes prérogatives que l’accord d’entreprise. Cet article, issu de la loi Travail du 8 août 2016, prévoit que "l'ensemble des négociations prévues par le présent code au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions...".

Il n'en demeure pas moins que le gouvernement aurait sans doute intérêt à clarifier ce point dans l'ordonnance "balai", dont la publication est attendue dans les semaines à venir. L'objet de cette ordonnance est justement de clarifier, préciser, compléter ou corriger certains points des 5 ordonnances du 22 septembre 2017.

Florence Mehrez
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