Pacte : l'Assemblée nationale scelle le sort de la profession comptable

Pacte : l'Assemblée nationale scelle le sort de la profession comptable

10.10.2018

Gestion d'entreprise

Les députés ont adopté hier, en première lecture, l'ensemble du projet de loi Pacte. Harmonisation et relèvement des seuils d'audit légal, autorisation des honoraires de succès pour les experts-comptables et ouverture à de nouvelles missions, extension de la confidentialité du compte de résultat des entreprises... Nous récapitulons les dispositions qui pourraient vous impacter.

Première étape parlementaire franchie pour la réforme du commissariat aux comptes. Mardi après-midi, l'Assemblée nationale a procédé au vote solennel (361 voix pour, 84 voix contre) de l'ensemble du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit Pacte, qui contient notamment le principe du relèvement des seuils d'audit obligatoire des comptes des sociétés commerciales. A terme, les SA, les SARL ou encore les SAS seraient tenues de faire contrôler légalement leurs comptes lorsqu’elles dépassent deux des trois seuils suivants : 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, 4 millions d’euros de bilan et 50 salariés. Cependant, les niveaux définitifs seront fixés par décret.

Les sociétés qui sortent de l'obligation de désigner un commissaire aux comptes pourraient choisir d'en nommer un volontairement, en optant pour une future mission de contrôle dont les contours restent à définir. Le texte, tel qu'adopté par les députés, ne précise pas la nature de cette mission, notamment s'il s'agit d'un audit ou non. On sait juste qu'elle durerait trois exercices (a priori) hors période transitoire, que le Cac devrait établir un rapport "identifiant les risques financiers, comptables et de gestion" à destination des dirigeants, et qu'il serait dispensé de réaliser certains rapports et diligences (notamment le rapport sur les conventions réglementées dans les SARL et les SA).

Harmonisation de l'audit obligatoire dans les groupes de sociétés

Autre volet de cette réforme : l'audit légal dans les groupes de sociétés. Les obligations des sociétés mères et des filiales seraient harmonisées. Le projet de loi impose à une personne ou une entité à la tête d'un groupe de faire contrôler ses comptes dès lors que le groupe dépasse certains seuils cumulés : 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, 4 millions d'euros de bilan et 50 salariés. Ces niveaux (qui seraient fixés par décret) seraient donc les mêmes que ceux de désignation du Cac dans les sociétés hors groupe.

Pour les sociétés contrôlées par ces têtes de groupe, la nomination obligatoire d'un commissaire aux comptes serait déclenchée à partir d'un certain niveau de chiffre d'affaires, là encore à définir par décret. Il est fait référence à un montant de 50 % du chiffre d'affaires cumulé du petit groupe dont la mère est tenue de faire contrôler ses comptes, soit 4 millions d'euros. Ces filiales devraient désigner un Cac dans le seul cadre de la future mission de contrôle optionnelle.

Expert-comptable en entreprise et honoraires de succès

L’expertise comptable n’est pas oubliée par le projet de loi Pacte. De nombreuses mesures ont été adoptées par voie d’amendements. Le statut d’expert-comptable en entreprise verrait (enfin) le jour. Ce titre pourrait être porté par les diplômés d’expertise comptable qui sont salariés d’une entité non inscrite au tableau de l’Ordre des experts-comptables, et ce bien qu’ils n’en soient pas membres. Ils devraient toutefois obtenir l’accord écrit de leur employeur. Autre dossier relancé : les success fees, avec la possibilité pour les experts-comptables de facturer "des honoraires complémentaires aux honoraires de diligence, liés à la réalisation d’un objectif préalablement déterminé". Certaines missions (comptables notamment) en seraient toutefois exclues.

Par ailleurs, les députés autorisent explicitement les professionnels de l’expertise comptable à réaliser certaines missions (d’ordre financier, numérique ou encore environnemental) à titre accessoire de leur activité. Les possibilités de gérer la trésorerie des entreprises seraient également étendues. Les experts-comptables pourraient ainsi être mandatés pour recouvrer à l’amiable les créances de leurs clients et régler leurs dettes.

Passerelles entre commissariat aux comptes et expertise comptable

Les professionnels qui exercent à la fois l’expertise comptable et le commissariat aux comptes devraient, quant à eux, bénéficier de deux assouplissements : la levée de l’incompatibilité lorsque le Cac veut réaliser une activité commerciale en tant qu’expert-comptable, ainsi que l’ouverture de la société pluri-professionnelle d’exercice à l’activité des commissaires aux comptes.

Des passerelles se développent aussi au niveau de la formation. Tous les commissaires aux comptes non titulaires du Dec (diplôme d'expert-comptable) pourraient, sous conditions et pour une période limitée à 5 ans, s'inscrire au tableau de l'Ordre des experts-comptables. C’est-à-dire non seulement les titulaires du certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes (Cafcac), mais également les titulaires de l'examen d’aptitude aux fonctions de Cac qui existait avant mars 2007 (et qui a été remplacé par le Cafcac) et les titulaires de l'épreuve d'aptitude devenue, après mars 2007, l'examen d'aptitude.

Vers une confidentialité élargie du compte de résultat

Parallèlement à ces impacts directs sur votre profession, le projet de loi Pacte contient d’autres mesures chocs. Premièrement, l’élargissement de la confidentialité du compte de résultat des entreprises. Avec davantage de sociétés autorisées à réserver l’accès de ce document à certaines parties prenantes. Les seuils (à fixer par décret) seraient relevés à 12 millions d'euros de chiffre d'affaires (contre 8 actuellement) et 6 millions d'euros de bilan (contre 4 actuellement). Ces mêmes sociétés seraient également dispensées d’établir un rapport de gestion.

Deuxièmement, une nouvelle catégorie de "moyennes entreprises" serait autorisée à présenter un compte de résultat "simplifié". Seraient concernés les commerçants, personnes physiques ou morales, ne dépassant pas deux des trois seuils suivants (à préciser par décret) : 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, 20 millions d’euros de total de bilan et 250 salariés. Cette présentation simplifiée suivrait les dispositions de la directive comptable mais devrait être transposée en droit français par un règlement de l’Autorité des normes comptables (ANC). Ces moyennes entreprises seraient aussi autorisées à ne rendre publique qu'une version simplifiée de leur bilan et de leur annexe.

Le projet de loi Pacte sera discuté au Sénat, en première lecture, à partir de janvier 2019 (selon PDF iconle ministère de l'économie et des finances). A charge pour la Chambre haute de valider ces mesures, de les modifier et/ou d'en rajouter.

Céline Chapuis

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