Par accord, le CSE pourra revoir à la baisse ses prérogatives économiques

Par accord, le CSE pourra revoir à la baisse ses prérogatives économiques

07.09.2017

Représentants du personnel

Rendre tous les trois ans, dans un délai très court et au regard d'une BDES amputée de deux rubriques, un avis unique pour l'ensemble des trois grandes consultations obligatoires. Voici ce que pourront prévoir, par accord d'entreprise, les membres du futur comité social et économique (CSE).

Le projet d'ordonnance relatif à "la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales" accorde aux partenaires sociaux davantage de souplesse pour fixer les modalités d'exercice des prérogatives économiques de la future instance unique obligatoire, le comité social et économique (CSE). Les délégués syndicaux (et à défaut les élus eux-mêmes) pourront par accord opter pour un droit du CSE a minima.
Le CSE pourra se limiter à un avis tous les trois ans
En premier lieu, le projet d'ordonnance confie au CSE l'essentiel des attributions générales des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT (sur ce dernier point, lire néanmoins la chronique dans l'édition de ce jour). Le contrôle de la gestion de l'entreprise par les élus, articulé autour des trois grandes consultations annuelles instituées par la loi Rebsamen du 17 août 2015 (orientations stratégiques, situation économique et financière de l'entreprise, politique sociale), n'est pas non plus remis en cause.
Par accord d'entreprise, il sera possible de définir "le contenu, la périodicité et les modalités" de ces trois consultations (article L. 2312-19 à venir du code du travail, page 7 du projet). S'agissant du contenu des informations, des adaptations sont d'ores et déjà possibles mais l'article L. 2323-7 du code du travail impose à l'employeur d'au moins communiquer aux élus les documents comptables indispensables à l'examen de la situation financière de l'entreprise (rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes, etc.). Sachez qu'au sein du texte gouvernemental ce garde-fou disparaît. Plus encore, l'accord collectif pourra transformer les trois grandes consultations annuelles en consultations triennales. Et pour parachever le dispositif, les membres du CSE pourront choisir d'émettre un avis unique sur tout ou partie des thèmes relevant de ces trois consultations (actuellement prévues à l'article L. 2323-6 du code du travail). Autrement dit, les membres du CSE pourront théoriquement se limiter à l'émission d'un avis unique, tous les trois ans, sur la marche de l'entreprise !

 

Consultation sur la politique sociale : un découpage devient possible
Le gouvernement semble prendre en compte la particulière densité de la consultation sur la politique sociale. Le projet d'article L. 2312-26 du code du travail dispose ainsi que "le comité peut se prononcer par un avis unique portant sur l'ensemble des thèmes (de la consultation) ou par des avis séparés organisés au cours de consultations propres à chacun de ces thèmes". Reste à savoir si une simple délibération adoptée à la majorité des membres du CSE pourra fixer le nombre de consultations et d'avis à rendre sur la politique sociale ou si le dernier mot reviendra à l'employeur...

 

Le CSE pourra s'imposer des délais très courts pour rendre ses avis
Le projet d'ordonnance réécrit également les articles du code du travail relatifs aux délais de consultation des élus. Si les membres du CSE disposeront toujours d'informations précises, écrites et d'un "délai d'examen suffisant" des éléments mis à disposition par l'employeur, la règle qui interdit à l'accord collectif de prévoir un délai de consultation inférieur à 15 jours (article L. 2323-3 du code du travail) est supprimée. Nous savions déjà que, côté élus, ce délai de 15 jours ne constituait pas un plancher intangible : "le comité peut toujours donner son avis, y compris dans un délai inférieur à 15 jours, dès lors qu'il aura considéré qu'il a (...) disposé d'un délai et d'éléments suffisants pour se prononcer utilement", indiquait la circulaire DGT du 18 mars 2014. Demain, les délégués syndicaux pourront aller plus loin et imposer juridiquement au CSE de rendre ses avis dans un délai court, voire le jour même de la réunion plénière.

 

À ce jour nous ignorons, à défaut d'accord, quels délais seront retenus par le gouvernement pour la consultation du CSE. Si l'on s'en réfère au contenu de l'article R. 2323-1-1, et compte-tenu de la disparition à venir du CHSCT et de l'instance de coordination des CHSCT (ICCHSCT), on peut penser que les délais de consultations ne devraient plus dépasser deux mois (en cas d'expertise). Mais rien n'est certain.
 
BDES : deux rubriques deviennent optionnelles
La base de données économiques et sociales (BDES), support essentiel à la préparation des avis des élus, fait elle aussi l'objet d'aménagements. Par défaut, son contenu reste inchangé. En revanche, là où l'article L. 2323-8 du code du travail prévoyait jusqu'ici que le contenu de la BDES pouvait être "enrichi par un accord de branche ou d'entreprise", le projet d'ordonnance invite les partenaires sociaux à "définir l'organisation, l'architecture et le contenu de la base de données économiques et sociales". Dans le cadre de cette nouvelle liberté de négociation, il apparaît que l'accord pourra supprimer deux des huit rubriques de la BDES, à savoir les rubriques 7°) Sous-traitance, et 8°) Transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe. Pour les six thèmes qui demeurent obligatoires, l'accord d'entreprise sera certainement libre d'écarter une partie des indicateurs légaux prévus par défaut.
Le sort du CSE sera entre les mains des délégués syndicaux
Si l'on imagine mal que des représentants du personnel élus renoncent volontairement à l'essentiel de leurs capacités de contrôler la conduite de l'entreprise par l'employeur, il faut néanmoins avoir en tête que cela sera très prochainement juridiquement possible. De nombreuses règles impératives qui encadraient aujourd'hui le fonctionnement des IRP pour en garantir une efficacité minimum vont disparaître. Cette nouvelle donne invitera, à n'en pas douter, les membres du comité social et économique à s'entendre avec les délégués syndicaux sur les lignes rouges à ne pas franchir.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Julien François
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