[Parole à nos abonnés] 2008-2018 : "Chez nous, la réforme de la représentativité n'a pas changé grand chose"

[Parole à nos abonnés] 2008-2018 : "Chez nous, la réforme de la représentativité n'a pas changé grand chose"

18.09.2018

Représentants du personnel

Pour les 10 ans d'actuEL-CE, nous donnons la parole à nos lecteurs en remontant le temps. Aujourd'hui : Manuela Serrurier et Onno Ypma et Manuela Serrurier, abonnés depuis 2008, l'année de la loi réformant la représentativité syndicale. Le premier est secrétaire du CE de Leroy-Merlin à Lézennes (Nord), la seconde est secrétaire du CE de Soval à Brousseval (Haute-Marne).

Onno Ypma, abonné depuis 2008, secrétaire du CE de Leroy-Merlin à Lézennes (Nord) : "Je suis contre le tout numérique pour le CE mais..."

 

"Je suis délégué syndical CFTC, secrétaire du CE du siège de Leroy-Merlin à Lézennes, près de Lille, et je suis aussi DP et membre du CHSCT. La totale quoi ! C'est vrai que nous sommes abonnés depuis 2008, l'année de la réforme de la représentativité. Mais honnêtement, chez nous, cette réforme n'a pas eu beaucoup de conséquences. Autant, dans certaines entreprises, il y a eu des batailles pour grappiller 1% ou 2% quand vous êtes près de 1O%, autant chez nous, nous sommes restés majoritaires.

Chez nous, la réforme de la représentativité syndicale n'a pas changé grand chose

 

Nous représentons 63% des voix, contre 30% pour la CFDT et 6-7% à la CFE-CGC. Que ce soit dans la vie du CE ou dans la négociation collective, la réforme n'a pas modifié grand chose. Par contre, ce qui a changé ces dernières années, c'est le fait que nous négocions de plus en plus sur la santé au travail, sur les risques psychosociaux, nous y passons bien plus de temps qu'auparavant. C'est une demande sociale dont l'entreprise doit tenir compte, surtout si elle veut rester compétitive.

 Pour le futur CSE, nous avons obtenu une commission santé, sécurité et conditions de travail dans tous les magasins

 

D'ailleurs, dans les négociations en vue des élections du CSE, qui auront lieu au 1er semestre 2019, nous avons obtenu qu'il y ait une commission santé, sécurité et conditions de travail dans tous les magasins, y compris dans ceux qui emploient moins de 300 salariés. Mais le fait de n'avoir plus une instance autonome sur les conditions de travail nous ennuie quand même : autant le regroupement CE-DP dans les grandes entreprises ne sera pas mortel, autant la disparition du CHSCT est une mauvaise nouvelle. Avec le CSE, on aura sûrement moins de moyens et d'heures de délégation et il faudra faire des choix. C'est dommage car jusqu'à présent, j'étais contre le tout numérique pour le CE. Demander aux salariés de venir retenir au local du comité son ticket de cinéma permettait d'avoir une petite discussion avec lui, et c'était le moyen de faire un vrai travail de délégué du personnel en repérant des personnes en situation difficile, des problèmes de travail qu'on n'aurait pas vus autrement".

 

Manuela Serrurier, abonnée depuis 2008, secrétaire du CE de Soval à Brousseval (Haute-Marne) : "Il n'y a que des élus sans étiquette"

 

"Je suis secrétaire du CE de Soval, une société de négoce dans le matériel d'adductions d'eau qui emploie environ 130 personnes. Le siège est en Haute-Marne mais l'entreprise compte une dizaine d'agences. Je ne serai bientôt plus secrétaire du CE car je prends ma retraite après mes prochaines vacances. Je ne connaîtrai donc pas le CSE, le comité social et économique. Il devrait être mis en place chez nous en novembre prochain, mais je ne peux pas dire que j'aurais aimé l'expérimenter ! Même si je ne partais pas en retraite, je crois que je n'aurais pas refait un mandat. Cinq mandats de quatre ans, c'est long !

Se confronter à la direction, c'est quand même jouissif. Mais le retour des salariés est souvent négatif  

 

 

Même si nous n'avons qu'une réunion tous les deux mois, c'est quand même prenant, car nous n'avons pas de syndicats chez nous : les gens sont déjà réticents à se présenter aux élections, alors faire partie d'un syndicat, non. Et la réforme de la représentativité syndicale en 2008 n'a pas changé les choses dans notre entreprise : il n'y a que des élus sans étiquette. J'ai donc aussi négocié, sur les conditions de travail, sur les salaires. Se confronter à la direction, c'est quand même intéressant et, il faut bien le dire, assez jouissif. Mais le retour des salariés est souvent négatif, sauf quand on leur propose des cadeaux. Notre action est très souvent critiquée alors que si l'on peut dire une chose, c'est bien que nous ne faisons pas ce mandat pour recevoir des mercis ou des récompenses.

Comme élue du personnel, il m'a fallu beaucoup d'abnégation

 

Moi, j'ai pu concilier mon travail d'assistante commerciale et mon rôle de secrétaire en prenant mes heures de délégation, mais quand même, il m'a fallu beaucoup d'abnégation. Quoi qu'en disent les employeurs, en étant élu, on fait une croix sur son évolution de carrière, on a souvent des hausses de salaires minimes. Mais on a au moins la satisfaction de dire tout haut ce qu'on pense à l'employeur, pouvoir dire ce qui ne plaît pas, y compris au nom des autres. Quand j'ai dit que l'installation des GPS chez les commerciaux ne s'expliquait pas par le souci d'économies d'essence, comme le prétendait l'employeur, mais bien par une volonté de contrôle des salariés, bien sûr qu'on m'a démenti. Mais un an après, l'entreprise était bien en peine d'avancer les économies réalisées".

 

 
2008, la réforme de la représentativité syndicale

Lancé en septembre 2008 par les Editions Législatives, éditeur juridique du groupe Lefebvre Sarrut, www.actuEL-CE.fr présente, analyse et décrypte pour ses premiers lecteurs les enjeux, les modalités et les conséquences d'une réforme majeure pour la représentation du personnel, le monde syndical et le dialogue social dans les entreprises : la loi du 20 août 2008 "portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail".

Adoptée sous la présidence de Nicolas Sarkoy, avec un Premier ministre nommé François Fillon, cette loi reprend une position commune établie par les organisations syndicales et patronales. Désormais, les organisations syndicales ne sont plus réputées représentatives (c'est la fin de la présomption "irréfragable" de représentativité), elles doivent réaliser un minimum de suffrages lors des élections professionnelles (dans l'entreprise et dans les fonctions publiques) pour pouvoir continuer à négocier des accords collectifs (ou s'y opposer), que ce soit dans l'entreprise, dans la branche ou au niveau national interprofessionnel.

L'introduction d'une mesure d'audience électorale des organisations syndicales, à laquelle souscrivent la CGT et la CFDT mais à laquelle s'oppose FO et la CFTC, génèrera une abondante jurisprudence. Et elle aboutira, neuf plus tard, en 2017, à la consécration, dans les ordonnances Macron, du principe majoritaire pour la signature des accords collectifs, ce qui éteint du coup le droit d'opposition.

Mais 2008, c'était aussi le début de la crise économique et financière, avec de nombreux PSE et départs volontaires, et la question de l'indemnisation du chômage partiel dans de nombreuses entreprises. Et 2008, c'était aussi la facilitation du recours aux heures supplémentaires dans les entreprises et la création de la rupture conventionnelle...

 

Quelques articles de 2008

CE : ce qui change pour vous, article du 24/9/2008

Les CE doivent faire valoir leurs droits face à un PSE, article du 15/10/2008

Les syndicats vont devoir se professionnaliser, article du 24/9/2008

BNP-Paribas va réduire de 103 à 10 le nombre de ses comités d'établissements, article du 31/12/2008

"Il faut savoir convaincre avec des arguments juridiques", article du 28/11/2008

Sont déjà parus dans notre série anniversaire...

Quiz : connaissez-vous actuEL-CE.fr ?

Vidéo : actuEL-CE.fr a 10 ans

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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