[Parole à nos abonnés] C'est vous qui le dites !

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04.10.2018

Représentants du personnel

Vous avez été vingt deux élus du personnel à bien vouloir répondre à nos questions à l'occasion des 10 ans d'actuel-CE.fr. La synthèse de ces interviews donne une idée précise de ce qu'est le quotidien d'un représentant du personnel en 2018.

 
Depuis le 18 septembre, vous avez pu lire chaque jour dans votre journal le témoignage d'un ou de plusieurs représentants du personnel abonnés à www.actuEL-CE.fr. Nous voulions en effet marquer notre dixième anniversaire en vous donnant la parole. Nous vous avons prié de répondre à quelques interrogations comme :
 
  • Pourquoi êtes-vous devenu élu du personnel ?
  • Qu'est-ce qui a été marquant dans l'exercice de vos mandats et dans l'évolution du travail et de votre entreprise ces dernières années ?
  • Comment avez-vous vécu tous les changements affectant les institutions représentatives du personnel ?
  • Comment envisagez-vous l'avenir ?

Nous pensons ces articles de nature à vous informer sur le quotidien d'autres élus du personnel, et notamment sur les solutions aux problèmes qu'ils sont amenés à trouver et qui peuvent aussi vous inspirer. D'autre part, c'est pour nous une façon de mieux connaître vos préoccupations et donc de mieux répondre à vos attentes. Ces vingt deux témoignages, nous les avons regroupés dans la carte ci-dessus, vous pouvez donc aisément lire ceux que vous avez manqué ou les relire en cliquant sur leur localisation.

Que vous nous avez-vous dit ? Tentative de synthèse

Ces témoignages, dirons-nous en forme de conclusion de notre série, illustrent bien l'évolution récente des mandats des représentants du personnel, de vos mandats. A l'origine de la vocation d'élu du personnel se trouvent très souvent des valeurs de justice sociale. C'est parfois un sentiment personnel d'injustice, comme ce dessinateur industriel mis sur la touche après un accident du travail et qui devient délégué du personnel parce qu'il prend conscience alors de l'importance du collectif. Ces valeurs se doublent souvent d'un besoin de mieux comprendre l'entreprise et son environnement. "Les mandats donnent une meilleure connaissance de l'entreprise et de son environnement, cela permet aussi de connaître davantage de salariés", nous a dit ainsi un secrétaire adjoint de CE. Mais entre cette vocation et leur rôle effectif de représentants du personnel, il existe une différence de taille qui tend à s'accroître ces dernières années : les élus sont de plus en plus sollicités sur des dossiers techniques et exigeants.

Ces sujets, ils doivent les appréhender dans un temps limité ("La représentation du personnel s'est beaucoup complexifiée. Avant, nous pouvions davantage nous débrouiller seuls", nous a dit un secrétaire adjoint de CE) et donc y consacrer beaucoup d'attention et d'énergie, au risque de voir leurs liens se distendre avec les autres salariés.

J'essaye de croiser un maximum de personnes les jours de réunions techniques dans nos locaux. Mais le risque, avec toutes ces réunions et ces déplacements, c'est de se couper du terrain et des autres salariés
 

 

Ce risque s'inscrit dans un quotidien fait de plus en plus de changements, face à des directions dont le turn-over s'accélère ("Ce qui m'a le plus marqué ces dernières années ? Tous ces changements de directions !") ou qui attendent parfois des élus et délégués syndicaux qu'ils approuvent sans les discuter des projets d'accords ("Le patronat veut bien des délégués, mais des délégués qui signent, pas des délégués qui font leur travail de DP et de DS auprès des salariés").
 
Beaucoup d'investissement, parfois pas toujours payé de retour
Ces contraintes demandent un très fort investissement (certains nous ont même parlé "d'abnégation") et s'accompagnent parfois d'un sentiment d'ingratitude de la part des salariés. Plusieurs d'entre-vous regrettent de voir les salariés s'intéresser avant tout aux oeuvres sociales et aux activités culturelles ("On a l'impression que l'activité du CE n'intéresse pas les salariés, sauf les oeuvres sociales"). 
 
Être comptable exigeait d'être là pour les clôtures de fins de mois et avec mes mandats, je n'y arrivais plus. J'ai accepté de changer de métier pour mes mandats

 

Un sentiment d'autant plus fort que certains d'entre-vous ont payé au prix fort, dans l'évolution de leur travail et de leur carrière, cet investissement au service des autres. En témoigne cette élue : "Quoi qu'en disent les employeurs, en étant élu, on fait une croix sur son évolution de carrière, on a souvent des hausses de salaires minimes". Cet autre secrétaire de CE ne dit pas autre chose : "Je n'ai pas été augmenté depuis ma prise de mandat, il y a bientôt neuf ans". Autant dire que le discours gouvernemental sur la nécessaire reconnaissance des compétences des représentants du personnel ne suffira pas à faire cesser les discriminations.

Cet investissement est parfois très lourd lorsqu'il doit faire face à des changements d'organisation jugés absurdes ou contre-productifs, et qui engendrent leur lot de troubles psychosociaux et de souffrance humaine ("Nous avons connu plusieurs suicides à Pôle Emploi"), quand ce n'est tout simplement la recherche de la productivité qui remet la santé au travail au premier plan des préoccupations des salarié et de leurs représentants.

Les élus en première ligne face aux aléas économiques et politiques

Cet investissement peut s'apparenter à de véritables tunnels lors, par exemple, de très difficiles négociations sur des plans sociaux ("Nous avons négocié durant six mois les mesures d'accompagnement de ce PSE, que nous avons travaillé avec notre expert et notre avocat, et nous avons réussi à limiter le nombre de licenciements"). Et l'actualité ajoute parfois un supplément d'inquiétude sur l'avenir de l'activité et des emplois : le Brexit est ainsi un sujet de préoccupation pour les élus de la compagnie transmanche Brittany Ferries.

 

Le gros du travail d'élu, c'est la défense des intérêts économiques de l'entreprise et des salariés. Avec le CSE, il faudra garder du temps pour enquêter sur les conditions de travail

 

Cela n'empêche pas nombre d'entre-vous, bien sûr, de juger ces mandats passionnants. "Juridiquement et humainement, on ne s'ennuie jamais", nous a dit ainsi un secrétaire de CE. Un autre élu de CE dit carrément "s'éclater dans la représentation du personnel". Et ce DS n'est pas moins enthousiaste qui juge pour sa part qu'"être délégué syndical permet d'aborder tous les sujets".
 
Quelle représentation du personnel vont dessiner les ordonnances Macron ?
Certains assument sans complexe un rôle de contre-pouvoir dans l'entreprise : pour cette membre d'un CE, se confronter à une direction, "c'est quand même jouissif". Reste que tous les élus ont désormais l'oeil tourné vers les prochains mois : quel sera l'avenir de la représentation du personnel en France ?
 
 Le CSE ne va pas améliorer le dialogue social. Tout soumettre à la négociation va créer des disparités de fonctionnement entre les CSE
 

 

A la technicisation de plus en plus forte de leurs mandats et à la pression du temps contraint qu'engendrent les délais préfix de la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, s'ajoute en effet, avec les ordonnances Macron, la perspective d'une réduction du nombre et des moyens des représentants du personnel à l'occasion des élections professionnelles. C'est un enjeu important, et une source d'inquiétudes. "Tout soumettre à la négociation va créer des disparités de fonctionnement entre les CSE", s'inquiète ce secrétaire de CE.
 
 S'informer, se former, se faire accompagner, c'est essentiel. En vue du passage au CSE en octobre 2019, je vais prendre contact avec ma fédération syndicale pour me faire aider pour négocier
 

 

La baisse des moyens n'est cependant pas inéluctable dès lors que l'entreprise accepte de n��gocier réellement la mise en place de la nouvelle instance unique, le comité social et économique (CSE). Certains élus en attestent, comme ce délégué syndical disposant d'un fort soutien de la part des salariés ou ces précisions d'un délégué syndical ayant fait passer de 3 à 9 membres la composition de la commission santé, sécurité et conditions de travail du CSE). Mais c'est très loin d'être le cas partout...

Plus que jamais, comme nous l'a dit une secrétaire de CE, il devient essentiel "de se tenir au courant, de se former, de se faire accompagner" mais aussi, selon le mot de cet élu également délégué syndical, "d'envisager la relève". En attendant, pour reprendre les mots d'un trésorier de CE également responsable de sa section syndicale, "il va falloir être vigilant pour continuer à donner notre avis et défendre les salariés"...

 

   ► Retrouvez notre quiz, les vidéos et tous les articles de notre série sur les 10 ans de www.actuEL-CE.fr dans notre dossier spécial

 

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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