Pas de compensation sans déclaration des créances postérieures

14.06.2018

Gestion d'entreprise

Les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture et non éligibles au paiement préférentiel ne peuvent donner lieu à une compensation pour créances connexes qu'à la condition d'avoir été régulièrement déclarées.

L’exigence de la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur comme condition du jeu de la compensation de créances connexes n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été posée par la jurisprudence sous l’empire de la législation antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et pour cause, puisque ce texte sanctionnait le défaut de déclaration de créance par l’extinction de créance. La solution a été réitérée sous l’empire de la loi de sauvegarde qui a, certes, supprimé la sanction de l’extinction, mais qui a posé le principe de l’inopposabilité de la créance non déclarée à la procédure collective.

Exception à l’interdiction des paiements des créances antérieures, la compensation pour créances connexes n’est donc admise que si le créancier qui l’invoque, pour s’opposer à une demande en paiement formée par le débiteur en procédure collective, a lui-même déclaré sa créance à la procédure collective. Le paiement par compensation d’une créance antérieure ne peut jouer que si cette créance est opposable à la procédure collective.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, on sait que le principe de l’interdiction des paiements s’applique non seulement aux créances nées antérieurement au jugement d’ouverture, mais également à celles postérieures qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité du paiement à l’échéance, conditions posées aux articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce. Ces créances postérieures, non éligibles au paiement préférentiel, sont traitées comme des créances antérieures : elles doivent être déclarées et elles sont soumises à l’interdiction des poursuites et à l’interdiction des paiements.

Il restait toutefois une incertitude sur la possibilité d’invoquer une exception de paiement par compensation d’une créance non éligible au paiement préférentiel. Incertitude résultant de la rédaction de l’article L. 622-7 du code de commerce qui, dans son alinéa 1er, pose le principe de l’interdiction des paiements des créances antérieures sauf paiement par compensation pour créances connexes, puis précise que le jugement d’ouverture emporte également interdiction des paiements des créances postérieures non mentionnées à l’article L. 622-17 du code de commerce sans toutefois reprendre explicitement l’exception de compensation.

La Cour de cassation lève cette incertitude par l’arrêt commenté.

Elle le fait dans une situation d’espèce où un sous-traitant est mis en redressement judiciaire. Pendant la période d’observation, il continue d’exécuter des travaux commandés par l’entreprise principale. Puis, 2 mois plus tard, il l’informe qu’il n’est plus en mesure de poursuivre le chantier. L’entreprise principale l’assigne, ainsi que l’administrateur judiciaire, pour obtenir la restitution des diverses sommes qu’elle a payées, postérieurement au jugement d’ouverture, à des sous-traitants du débiteur en exécution de cessions de créances et de délégations de paiement, ainsi que des paiements faits à des fournisseurs du débiteur pour permettre la continuation du chantier. Le débiteur s’y oppose et demande le paiement des travaux exécutés. L’entreprise principale fait valoir une exception de compensation avec sa créance de restitution dont elle demande le paiement.

La cour d’appel rejette la demande portant sur les paiements faits aux sous-traitants du débiteur en exécution de cessions de créances et délégations de paiement, au motif qu’il ne s’agit pas de créances éligibles au paiement préférentiel, et rejette également la demande de compensation après avoir retenu que l’entreprise principale n’avait pas déclaré ses créances.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté l’exception de compensation. Elle souligne que faute d’avoir été déclarées dans les conditions de l’article L. 622-24, alinéa 5 du code de commerce, ces créances postérieures non éligibles au paiement préférentiel ne répondaient pas aux conditions de la compensation pour créances connexes.

Ce faisant, la Cour de cassation admet que le jeu de la compensation puisse viser des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, mais rappelle qu’elle ne peut jouer que pour des créances régulièrement déclarées.

Frédérique Schmidt, Conseiller référendaire à la Cour de cassation

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