Présidence du Medef : six candidats pour un même cap ?

Présidence du Medef : six candidats pour un même cap ?

01.06.2018

Représentants du personnel

Lors d'un débat hier matin dans l'enceinte du Conseil économique, social et environnemental (CESE), les six candidats à la présidence du Medef n'ont pas manifesté de profonds désaccords. Nécessité de redorer l'image de l'entreprise, de reprendre la main sur l'agenda social et d'obtenir du gouvernement de nouvelles mesures en faveur de la compétitivité constituent leur dénominateur commun.

Les six candidats en lice, le 3 juillet prochain, à la succession de Pierre Gattaz étaient hier matin les invités de l'Institut de l'entreprise. Ce cercle de réflexions sur l'entreprise et son environnement, qui selon les termes de son président Antoine Frérot revendique "un lien historique fort avec le Medef", a provoqué le débat entre les aspirants à la présidence de l'organisation patronale la plus représentative sur les principaux thèmes d'actualité sociale (*).

"L'entreprise doit constituer un rempart social à la montée des populismes"
Premier sujet abordé : le projet de loi Pacte et ses nouveautés relatives à l'objet social de l'entreprise. "Le contenu du rapport Notat-Sénart est puissant mais le Medef a manqué le rendez-vous du débat de fond sur la gouvernance des entreprises, tacle immédiatement Dominique Carlac'h, ancienne sportive de haut niveau, présidente de D&Consultants. Cela démontre que nous sommes en fin de cycle au sein de notre organisation". Cette nécessité de mettre en avant le rôle de l'entreprise est confirmée par Geoffroy Roux de Bézieux, président du groupe Notus technologies et ancien vice-président du Medef : "Le développement de l'intelligence artificielle va bouleverser le travail. De nouveaux modèles économiques vont émerger, je pense notamment aux véhicules autonomes, qui vont provoquer la destruction de dizaines de milliers d'emplois. En tant qu'employeur nous devons expliquer le futur et démontrer que ces évolutions sont aussi des chances. Le dialogue social doit aussi jouer un rôle d'amortisseur, et pas seulement le dialogue social de branche". "Gare à la fracture sociale et territoriale, complète Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France. Les entreprises sont des stabilisateurs sociaux"
Sur ce terrain sociétal, Alexandre Saubot, qui était encore récemment à la tête de l'UIMM (union des industries minières et métallurgiques) et du pôle social du Medef, va plus loin : "Face au terrorisme, je défends le "vivre ensemble" et je pense que les entreprises, à travers leur rôle de pourvoyeur d'activité, doivent constituer un rempart social. L'ascenseur social du XXIè siècle sera la formation. Or si l'on veut lutter contre la montée des populismes en France, il faut rassurer, il faut que l'on puisse toujours penser que nos enfants auront une vie meilleure que la nôtre", assure-t-il.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Permettre à l'employeur un versement ponctuel d'intéressement

Les mesures du projet de loi Pacte visant à développer davantage l'épargne salariale sont elles aussi bien accueillies. "La loi Pacte va supprimer le forfait social sur l'intéressement des plus petites entreprises. C'est un point clé de la pédagogie à mettre en oeuvre pour réconcilier les français avec l'entreprise", se félicite l'ancien patron de Virgin Mobile, Geoffroy Roux de Bézieux.

"La réalité au sein des entreprises, c'est que la part des salaires n'a pas baissé, tempère Alexandre Saubot. Devoir s'engager sur un accord valable trois ans apparaît également un frein à l'intéressement. L'employeur devrait pouvoir décider de distribuer de l'intéressement parce que l'entreprise vient de connaître une belle année, sans pour autant s'engager sur les trois ans à venir alors qu'il n'a peut-être pas de visibilité". "Il faut encourager un capitalisme responsable, c'est-à-dire patient", défend Patrick Martin, président du groupe Martin et du Medef Auvergne-Rhône-Alpes.

Paritarisme : "Il ne faut plus négocier les mains liées"
Quel que soit le candidat qui sera élu à la présidence du Medef le mois prochain, le paritarisme devrait être chamboulé. Alexandre Saubot, chef de file de la délégation Medef des dernières négociations nationales interprofessionnelles sur le dialogue social ou encore la convention d'assurance chômage, entend tirer les leçons de ses expériences : "Les partenaires sociaux doivent pouvoir définir leur propre agenda social, soutient-il. Il faut dorénavant refuser de négocier sous la contrainte, en quelques semaines, et sur un projet d'accord national interprofessionnel (Ani) dont l'essentiel du contenu a été prédéfini par le gouvernement. Pour cela il faut une méthode renforçant le diagnostic partagé et un objectif commun aux syndicats et aux organisations d'employeurs pour travailler sereinement sur le long terme". C'est également ce que dit, avec un ton plus direct, Geoffroy Roux de Bézieux : "Il ne faut plus négocier les mains liées. Je pense en particulier à ce que nous a imposé Muriel Pénicaud pour la négociation de la convention d'assurance chômage. Mais si l'on nous propose un paritarisme de gestion et de décision, il faudra prendre la main".
Ouvrir le chantier de la compétitivité des entreprises
Hormis cette seule critique à l'égard du gouvernement, les candidats à la présidence du Medef ont unanimement salué la politique menée par le président de la République au cours des douze derniers mois : "Emmanuel Macron a redonné confiance aux chefs d'entreprise. Il a pris deux mesures importantes sur l'allégement de la fiscalité du capital et la décentralisation du marché du travail qui permet désormais de négocier les accords collectifs au niveau le plus pertinent, se réjouit Geoffroy Roux de Bézieux. Mais il reste encore beaucoup à faire sur le plan de la compétitivité".
"Le chantier de la compétitivité des entreprises doit maintenant s'ouvrir, confirme Alexandre Saubot. Aligner le coût du travail français sur celui de l'Allemagne est une bonne chose, mais si l'on se contente de courir aussi vite qu'un concurrent qui a déjà pris 500 mètres d'avance on ne le rattrape jamais !"
Olivier Klotz, président du Medef Alsace, affirme quant à lui qu'il proposera au gouvernement, s'il est élu, "de négocier un pacte de stabilité réglementaire pour redonner de la visibilité aux chefs d'entreprise".
Changement de cap à venir pour le Medef
Mais début juillet, c'est d'abord à la transformation du Medef que le nouveau président de l'organisation patronale devra s'atteler. "À chaque président du Medef son époque. On passe d'un Medef de combat à un Medef de mutation, analyse Dominique Carlac'h. Il faut incarner l'agilité face à une gouvernement qui a changé de méthode et un marché mondial qui évolue très vite. Je veux devenir capitaine de l'équipe de France des entreprises". "La France et l'Europe sont confrontés à des défis formidables. Il faut changer de cap pour transformer le pays. Mais avant cela, il faut réinventer le Medef", concède Alexandre Saubot.
 
(*) Selon la première mesure de la représentativité patronale, le Medef représente 70% de l'audience des entreprises (notre article du 27/4/2017)
Julien François
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