[Présidentielle 2017] Benoit Hamon et Manuel Valls : deux visions du travail et du dialogue social

[Présidentielle 2017] Benoit Hamon et Manuel Valls : deux visions du travail et du dialogue social

25.01.2017

Représentants du personnel

Nous vous proposons une infographie sur les propositions économiques et sociales de Benoit Hamon et de Manuel Valls, les candidats du second tour de la primaire de la gauche -ou plutôt celle du Parti socialiste et de ses alliés- en vue de la présidentielle de 2017. Des propositions très dissemblables.

Après avoir examiné précisément les propositions des finalistes de la primaire de la droite et du centre, nous écrivions le 24 novembre dernier qu'il y avait une convergence forte des programmes d'Alain Juppé et de François Fillon (voir notre article : François Fillon et Alain Juppé : deux candidats, un même programme ?).

A propos des programmes et des approches de Benoit Hamon, arrivé en tête du premier tour de la primaire de gauche avec 35,8% des voix, et de Manuel Valls, arrivé second avec 31,2% des voix, force est de constater que les divergences sont bien plus fortes et profondes (►voir notre infographie en fin d'article et PDF iconici en PDF), et de plus accentuées par la radicalisation des discours, qui semble inévitable lors d'une élection partisane.

Deux positionnements opposés

Dès le soir du premier tour, le dimanche 22 janvier, les deux hommes ont en effet réaffirmé leur positionnement. Benoit Hamon a invité la gauche à réinventer un modèle de progrès social respectueux de l'environnement (il a cité le pic de pollution que connaît la France à l'appui de sa volonté d'interdire le diesel en 2025) et appelé de ses voeux un nouveau partage du temps de travail afin de tenir compte de la numérisation et de la robotisation qui vont provoquer des suppressions d'emploi. Le candidat, qui a reçu l'appui d'Arnaud Montebourg (qui a recueilli 17,3% des voix) dont les propositions étaient pourtant bien différentes (voir notre article et notre vidéo), met en avant son idée de revenu universel qu'il souhaite mettre en place en plusieurs étapes, pour aboutir, mais à l'horizon d'un second quinquennat, à une allocation versée quelles que soient les ressources d'une personne. Une proposition innovante qui suscite la curiosité, l'intérêt mais aussi de fortes critiques (lire notre interview de Martin Richer : "Revenir sur les réformes sociales du quinquennat serait une erreur et voir ici une note économique critique de la CGT sur cette mesure).

De son côté, Manuel Valls, soutenue par Sylvia Pinel (1,9% des voix) a exhorté son camp à ne pas renoncer à gouverner, ce qui suppose de présenter des projets réalistes. Au revenu universel de Benoit Hamon, qu'il qualifie d'utopie "ruineuse" pour le budget de l'Etat au regard des sommes qu'il faudrait mobiliser pour le mettre en place, il préfère l'idée d'un revenu décent qui résulterait de la fusion de dix minimas sociaux, et dont l'attribution resterait conditionnée aux ressources du bénéficiaire. L'ancien Premier ministre se veut le candidat du travail et de la poursuite d'une politique en faveur des entreprises, contre un Benoit Hamon accusé de semer "du sable et des illusions".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Loi Travail : l'un abroge, l'autre poursuit

Manuel Valls, qui n'avait rassemblé que 5% des suffrages lors de la primaire socialiste de 2011, s'inscrit en effet dans la continuité du quinquennat Hollande. Il souhaite par exemple faciliter encore le recours aux crédits d'impôts pour stimuler la recherche privée, et s'engage à ne procéder à aucune nouvelle taxation des entreprises. Si son programme reste peu détaillé, il prolonge toutefois le cap donné par la loi Travail : Manuel Valls souhaite "renforcer la place des accords d'entreprise et de branche tout en maintenant un cadre protecteur fixé par la loi". Au contraire, Benoit Hamon veut abroger le texte pour rétablir la hiérarchie des normes "afin que le code du travail prévale toujours sur les accords négociés par les branches et les entreprises".

Quelle est l'approche des deux candidats en matière de dialogue social ? Ils ont des points de convergence. Tous deux souhaitent généraliser le chèque syndical et augmenter la part ou le rôle des représentants de salariés dans les conseils d'administration des entreprises. Mais la ressemblance s'arrête là. Seul Benoit Hamon imagine de doter le comité d'entreprise de grandes entreprises (à partir de 2000 salariés) d'un droit de veto pour des décisions stratégiques, le candidat souhaitant que ce nouveau droit soit d'abord discuté avec les partenaires sociaux (voir notre article et notre interview sur ce point). Manuel Valls (qui n'a pas donné suite à nos demandes d'interview) s'inscrit dans la continuité des sommets sociaux du début du quinquennat Hollande : il envisage d'organiser dès le début de son mandat une "grande conférence sociale" qui serait consacrée à l'emploi, au pouvoir d'achat, à la formation tout au long de la vie (sans doute pour donner plus de corps au nouveau compte personnel d'activité, le CPA), à l'égalité femmes/hommes, etc.

Travail : sa durée, ses conditions, sa rémunération

Sur ce terrain du temps de travail et du pouvoir d'achat, la différence d'approche est frappante, même si les deux candidats maintiennent la durée légale à 35 heures. L'ancien Premier ministre propose de restaurer la mesure de Nicolas Sarkozy, à savoir la défiscalisation des heures supplémentaires, ce qui constituerait une incitation fiscale à travailler plus, tandis que l'ancien ministre de l'Education et de l'Economie sociale et solidaire prône 10% d'augmentation immédiate du SMIC et souhaite inciter financièrement les entreprises à baisser leur temps de travail en deçà de 35 heures, via une réaffectation des dépenses du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

"L'organisation du travail est absente du débat politique", déplorait dans ces colonnes, le 12 janvier dernier, la sociologue Danièle Linhart. Benoit Hamon aura eu pourtant à coeur de mettre dans la campagne la question des conditions de travail et de la santé au travail. L'ancien ministre propose ainsi de reconnaître le burnout (ou syndrome d'épuisement professionnel) comme une maladie professionnelle. Il veut aller plus loin que la loi Travail sur la reconnaissance d'un véritable droit à la déconnexion. De son côté, Manuel Valls souhaite lutter, sans plus de précisions, "contre les méthodes de management déshumanisantes et irrespectueuses des travailleurs". Certes, ce sont là des réalités. Mais ces approches, comme l'a souligné Martin Richer, restent centrées sur une vision doloriste du travail, comme si la gauche avait du mal à incarner un discours positif sur le travail ou un discours qui aille au-delà d'objectifs purement économiques, et qui évoquerait l'épanouissement professionnel, par exemple. Mais peut-être les candidats en parleront-ils lors de leur débat mercredi 25 janvier ?

La protection sociale

L'avenir de la Sécurité sociale et de son financement ainsi que l'accès des non-salariés à la protection sociale sont des questions clé pour les salariés et les actifs, qui n'auront du reste pas été traitées pendant le quinquennat Hollande. Là encore, les deux rivaux du PS l'abordent de façon différente dans leurs discours et programmes. Benoit Hamon souhaite un "statut unique de l'actif" incluant donc les travailleurs indépendants. Il préconise de taxer les robots pour financer la protection sociale, "en appliquant les cotisations sociales sur l'ensemble de la valeur ajoutée et non plus seulement sur le travail, afin qu'elle finance prioritairement des mesures telles que le revenu universel plutôt que les dividendes". Manuel Valls évoque également une "protection sociale universelle qui comble l'écart entre les travailleurs indépendants, les artisans, les commerçants et les salariés" mais il n'aborde pas la question de son financement. Une question pourtant posée par les allégements continus des cotisations sociales au nom de l'emploi. Enfin, au rayon retraites, Manuel Valls promet une revalorisation de 10% des petites pensions tandis que Benoit Hamon souhaite mieux prendre en compte la pénibilité pour le calcul des cotisations retraite mais aussi faire intégrer dans le calcul des droit à la retraite le temps consacré à des engagements associatifs. 

Quel soutien pour le vainqueur ?

Ces différences, et leur mise en relief par les deux candidats, posent la question du soutien dont bénéficiera le vainqueur de la primaire de la part de son propre camp, alors qu'il devra aussi faire face aux candidatures de Jean-Luc Mélenchon et d'Emmanuel Macron. Il faut rappeler qu'en dépit de programmes très proches, ce sont les critiques d'Alain Juppé sur la baisse drastique du nombre de fonctionnaires et sur le volet Sécurité sociale du projet de François Fillon, critiques qui ne cessent de prospérer à l'approche de la présidentielle, qui gênent aujourd'hui le plus ce dernier, pourtant largement vainqueur du scrutin partisan.

►Un débat entre les deux candidats est diffusé mercredi 25 janvier, à partir de 21h, sur TF1, France 2 et France Inter, en vue du second tour de la primaire du PS et de ses alliés, dimanche 29 janvier. L'élection présidentielle aura lieu les 23 avril et 7 mai 2017.

 

 

Bernard Domergue
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