[Présidentielle 2017] François Fillon et Alain Juppé : deux candidats, un même programme ?

[Présidentielle 2017] François Fillon et Alain Juppé : deux candidats, un même programme ?

24.11.2016

Représentants du personnel

Nous vous proposons un tableau répertoriant les grandes propositions économiques et sociales d'Alain Juppé et de François Fillon, les deux candidats du second tour de la primaire de la droite et du centre en vue de l'élection présidentielle de 2017. Les différences existent, mais les convergences sont frappantes.

La semaine dernière, nous vous avons proposé un tableau comparant les propositions des sept candidats du premier tour de la primaire de la droite et du centre en matière d'instances représentatives et de dialogue social. Nous reprenons aujourd'hui, en l'élargissant à d'autres thèmes, le principe de ce tableau comparatif s'agissant des programmes des deux candidats qualifiés pour le second tour, qui a lieu ce dimanche 27 novembre, à savoir François Fillon et Alain Juppé, qui débattent ce soir à 21h sur France 2 et TF1. Nous recensons dans le tableau ci-dessous leurs propositions sur la protection sociale, la santé au travail, le contrat de travail, l'épargne salariale, le dialogue social, les prud'hommes, le temps de travail et l'emploi (*).

Forte baisse des dépenses publiques

Le constat général que l'on peut dresser est celui d'une convergence forte des deux programmes, quelque peu masquée ces derniers jours par l'affrontement des deux hommes autour des valeurs. En effet, les deux candidats proposent une forte baisse de la dépense publique : 110 milliards d’économies pour François Fillon, ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2007-2012), 95 à 100 milliards pour Alain Juppé, ancien Premier ministre de Jacques Chirac (1995-1997). La réduction du nombre d'emplois publics est un objectif partagé même si son ampleur diffère : François Fillon évoque 500 000 emplois publics de moins (baisse qui serait rendue possible en faisant travailler les fonctionnaires 39 heures au lieu de 35) quand Alain Juppé juge plus "raisonnable" de ne supprimer "que" 250 000 à 300 000 postes.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Baisse massive de prélèvements pour les entreprises et hausse de la TVA

Ces économies se doublent d'une forte baisse des impôts et prélèvements sociaux pour les entreprises (50 milliards de moins de prélèvements sur les sociétés pour François Fillon et nouvelle réduction des cotisations sociales pour Alain Juppé). Il s'agit, pour reprendre les paroles d'Alain Juppé, "de libérer l'économie et remettre l'entreprise au coeur de la création d'emploi", François Fillon souhaitant ramener le taux de chômage à 5% d'ici 5 ans. En outre, les deux candidats promettent aussi la suppression de l’impôt de solidarité de la fortune. Pour compenser ces moindres rentrées fiscales, les deux candidats préconisent une hausse de la TVA (+1 point pour Alain Juppé, +2 points pour François Fillon) tout en renouant avec l'universalité des allocations familiales (fin de la condition de ressources) et en relevant le quotient familial. 

Hausse du temps de travail

Parmi les points communs, on trouve encore la hausse du temps de travail avec toutefois une forte nuance (les deux candidats veulent supprimer la durée légale des 35 heures, Alain Juppé proposant 39h hebdomadaires à défaut d'accord quand François Fillon fixe la limite légale à 48h), la suppression du compte pénibilité (qu’Alain Juppé demanderait aux partenaires sociaux de renégocier), le relèvement à 65 ans de l’âge du départ à la retraite (en 1995, la réforme des retraites et de la sécurité sociale suscita de grandes manifestations contre le Premier ministre Alain Juppé), ou encore la dégressivité des allocations chômage, François Fillon justifiant la mesure par le souci "d'encourager et valoriser le travail pour que les actifs gagnent plus que ceux qui reçoivent des revenus de l'assistance".

Santé : cap sur le privé pour François Fillon

Alain Juppé paraît se singulariser en proposant dans son programme quelques idées pour favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais il s'agit davantage de campagnes de sensibilisation ou de communication (axées contre la violence faite aux femmes, pour la sensibilisation des enfants à la mixité, ou pour faire le 8 mars -date de la journée de la femme- un bilan de l'égalité F/H) que de véritables mesures, la question de l'équilibre vie professionnelle-vie privée étant par exemple renvoyée aux "négociations dans l'entreprise sur le temps de travail". La différence ne paraît pas très grande avec François Fillon dont le programme suggère par exemple de "renforcer les dispositifs de signalement du harcèlement sexuel dans les entreprises" ou encore de"renforcer les contrôles destinés à veiller au respect des dispositifs de parité homme/femme et faire appliquer la loi sur l'égalité des salaires".

En revanche, une nette différence d'approche distingue les candidats en matière de santé. François Fillon veut supprimer la cotisation salariale maladie en focalisant "l'assurance publique universelle sur des affections graves ou de longue durée", l'assurance privée prenant en charge le reste, une proposition plus radicale que ce que souhaite Alain Juppé, même si ce dernier veut abroger le tiers payant généralisé.

Nouvelles réformes des IRP

La touche libérale des deux programmes se vérifie aussi au chapitre du code du travail, que les deux hommes veulent recentrer sur les normes fondamentales, et sur le contrat de travail. Les deux hommes veulent inclure dans le CDI des motifs prédéterminés de rupture et assouplir les motifs de licenciement économique, qui inclureraient le motif de réorganisation de l'entreprise. Comme nous vous le signalions la semaine dernière, les deux candidats proposent aussi de nouvelles réformes sur les instances représentatives et le dialogue social, mais selon des modalités différentes. François Fillon relève l'obligation d'élire des délégués du personnel à 50 salariés, et celle d'élire un CE à partir de 100 salariés, tout en supprimant le monopole syndical de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles. François Fillon veut donner la possibilité aux accords d'entreprise de fixer l'architecture des IRP "ainsi que les modalités de leur consultation", par exemple avec une fusion CE-CHSCT et une expertise unique en cas de PSE (Ndlr : il s'agirait donc d'aller encore plus loin que les possibilités déjà ouvertes par la loi Rebsamen avec la DUP conventionnelle). Alain Juppé choisit pour sa part de généraliser la fusion des instances représentatives, les deux hommes partageant l'objectif de limiter à 50% du temps de travail le temps occupé par un élu du personnel pour son ou ses mandats ainsi que l'élargissement du recours au référendum d'entreprise. 

Imposer rapidement les réformes oui, mais pas de la même façon

Ce bref tour d'horizon ne peut se conclure sans évoquer la façon dont ces programmes seraient appliqués, à supposer que le candidat élu par la droite et le centre ne modifie pas ses propositions d'ici le premier tour de l'élection présidentielle, le 23 avril 2017. Sur ce point, les deux candidats partagent là aussi le souhait d'aller vite, l'idée étant de s'appuyer sur leur toute fraîche légitimité électorale pour agir.  Les deux anciens Premier ministre promettent un gouvernement resserré (une dizaine de ministres) qui mettra très vite en oeuvre les réformes. Dans le cas d'Alain Juppé, des ordonnances, "rédigées au préalable pendant la campagne", traiteraient de la fin des 35 heures, du coût du travail, du contrat de travail, de la réforme des retraites et de la fiscalité. François Fillon, dont le programme ne précise pas ce point, semble plus prudent sur le sujet. Celui qui fut ministre des Affaires sociales, du Travail et de l'Emploi de 2002 à 2004 (il réforma la durée du travail ainsi que la négociation collective en revenant pour la première fois sur le principe de faveur) n'exclut pas de recourir aux ordonnances "pour faire passer des décisions complexes dans un temps court". Mais, ajoute François Fillon cité par la Croix, il y a des sujets sensibles sur lesquels, en revanche, les ordonnances ne sont pas opérationnelles : pour réformer le marché du travail, mieux vaut prendre deux mois au Parlement pour faire les choses en profondeur". Il faut dire que la méthode des ordonnances ne manquerait pas de susciter l'hostilité des organisations syndicales au nom de la démocratie sociale, qui suppose de consulter les corps intermédiaires avant de décider une réforme.

(*) Si vous souhaitez imprimer le tableau, affichez le document PDF que nous avons ajouté en pièce jointe, sous l'article.

 

 

Julien François (tableau) et Bernard Domergue (article)
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