Prescription de l'action en fixation du loyer du bail suivant un bail dérogatoire

29.08.2016

Gestion d'entreprise

L'action en fixation du loyer du bail commercial faisant suite à un bail dérogatoire est soumise au délai de prescription biennal, lequel commence à courir à la date à laquelle est demandée l'application de ce statut.

Le bail commercial dérogatoire est un bail de courte durée qui, sous certaines conditions, échappe au régime des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-5). Ce statut particulier permet notamment de déroger au principe selon lequel les baux commerciaux ne peuvent pas être conclus pour une durée inférieure à 9 ans (C. com., art. L. 145-4). Mais si, à l’expiration du bail dérogatoire, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère alors un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-5, al. 2), dont il faut fixer les conditions financières, ce qui est souvent source de litige. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation a jugé que le loyer du nouveau bail prenant effet au terme du bail dérogatoire doit correspondre, à défaut d’accord entre les parties, à la valeur locative (Cass. 3e civ., 14 déc. 2005, n° 05-12.587). L’arrêt rapporté, promis à une large diffusion, apporte deux nouvelles précisions : l’une est relative à la durée du délai de prescription de l’action en fixation du loyer du bail commercial qui naît d’un bail dérogatoire ; l’autre au point de départ dudit délai de prescription.

Les propriétaires d’un local consentent plusieurs baux commerciaux dérogatoires successifs à une société, entre le 1er juillet 2006 et le 1er août 2010. A l’issue de cette période, celle-ci sollicite, par lettre recommandée du 8 septembre 2010, le bénéfice du statut des baux commerciaux. Par acte du 21 janvier 2011, les bailleurs l’assignent en fixation du montant du loyer.

La cour d’appel juge prescrite l’action en fixation du prix du loyer du bail commercial ayant pris effet le 2 août 2008 et déboute les bailleurs.

Au soutien de leur pourvoi, les bailleurs font d’une part valoir, à titre principal, que l’action en fixation du loyer initial d’un bail commercial n’entre pas dans le champ d’application de la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce, mais relève du droit commun du louage.

Sur ce point, la Cour de cassation rejette leur pourvoi. Elle juge en effet que l’action en fixation du loyer du bail commercial qui s’opère par application de l’article L. 145-5 du code de commerce est soumise au délai de prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce.

Les bailleurs contestent d’autre part, à titre subsidiaire, le point de départ de la prescription de l’action litigieuse.

Sur ce second point, la Cour de cassation censure la cour d’appel, mais sur un moyen qu’elle relève d’office. Au visa des articles L. 145-60 du code de commerce et 2224 du code civil, elle rappelle qu’en application du second de ces textes, le délai de prescription court du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. S’agissant du délai de prescription de l’action en fixation du loyer du bail commercial né par application de l’article L. 145-5 du code de commerce, il ne peut commencer à courir qu’à compter de la demande d’application du statut des baux commerciaux, formée par l’une ou l’autre des parties, car c’est à cette date que les parties ont connaissance des faits leur permettant d’exercer l’action en fixation du loyer. Elle en déduit que la prescription ne peut donc pas commencer à courir à la date à laquelle naît le bail commercial.

Agnès Maffre-Baugé, Maître de conférences à la faculté de droit d'Avignon

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