Preuve de l'existence du bien revendiqué en présence d'un inventaire incomplet

16.11.2017

Gestion d'entreprise

En présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire, la preuve que le bien revendiqué n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur.

L’inventaire des biens de l'entreprise est obligatoire. Selon l’article L. 621-4, alinéa 6 du code de commerce, c’est en principe le débiteur qui dresse l’inventaire et il doit y procéder dès l'ouverture de la procédure collective (C. com., art. L. 622-6, al. 1er). Cet inventaire permet en pratique de déterminer les éléments d'actif et leur valeur. S’agissant des créanciers bénéficiaires d’une clause de réserve de propriété, l’obligation d’établissement de l’inventaire permet de mettre fin aux difficultés de preuve relatives à l’existence des biens revendiqués. En effet, la revendication suppose la présence en nature des biens dans le patrimoine du débiteur à l’ouverture de la procédure collective (C. com., art. L. 624-16).

Cependant, il peut arriver que l’inventaire ne soit pas dressé. Les textes précisent que, dans ce cas, l'absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en revendication ou en restitution (C. com., art. L. 622-6, al. 5 ; L. 631-14, al. 1er et L. 641-1, I). Et, les parties doivent être invités à s'expliquer sur cette carence (Cass. com., 11 déc. 2012, n° 11-24.423). Enfin, l'absence de réalisation de l'inventaire entraîne un renversement de la charge de la preuve puisqu'il incombe au liquidateur de prouver que les biens revendiqués n'étaient plus en la possession du débiteur au jour du prononcé de la procédure collective (Cass. com., 1er déc. 2009, n° 08-13.187, n° 1125 F - P + B).

Dans l’espèce en cause, un liquidateur d’une société en liquidation judiciaire saisit l’administrateur judiciaire d’une autre société, sa filiale également en liquidation judiciaire, d’une requête en revendication de marchandises vendues avec clause de réserve de propriété. Une cour d’appel retient que l’inventaire des actifs de la filiale était sommaire et incomplet, et que le liquidateur de cette société n’apportait pas la preuve que les marchandises revendiquées n’existaient plus en nature à la date du jugement d’ouverture. Elle en déduit que l’action en revendication devait être accueillie.

La Cour de cassation, dans une importante décision publiée sur son site, confirme la décision d'appel  et précise sa position en présence d’un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable. Elle juge, tout d'abord, que ce type d'inventaire équivaut à l’absence d’inventaire obligatoire prévu par l’article L. 622-6 du code de commerce. Elle en déduit, ensuite, un renversement de la charge de la preuve: il incombe au liquidateur de prouver que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n’existe plus en nature au jour du jugement d’ouverture.

Pour l’administrateur et le liquidateur de la filiale, seuls le défaut d’établissement de l’inventaire ou l’obstacle mis par la société débitrice à la réalisation d’un inventaire plus détaillé devaient renverser la charge de la preuve et mettre à la charge du liquidateur de la société débitrice l’obligation de prouver que les marchandises revendiquées n’existaient plus. La Cour de cassation n’est pas de cet avis et  juge indifféremment la situation dans laquelle l’inventaire présente un caractère sommaire, incomplet ou inexploitable de celle où l’inventaire est purement et simplement inexistant. Il en résulte le même effet juridique de renversement de la charge de la preuve à l’égard du débiteur.

Dans la décision de la chambre commerciale du 1er décembre 2009 (Cass. com., 1er déc. 2009, n° 08-13.187, n° 1125 F - P + B), il est à noter que la charge de la preuve que les biens n’existent plus, incombait au liquidateur alors même que le tribunal avait confié à un huissier de justice le soin de dresser l’inventaire.

 

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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