Proposition de loi "secret des affaires" : un texte équilibré ?

Proposition de loi "secret des affaires" : un texte équilibré ?

26.02.2018

Gestion d'entreprise

Le texte prévoit, d'un côté, la réparation intégrale du préjudice et la confidentialité de la procédure, et de l'autre, plusieurs dérogations à la protection du secret des affaires.

Le 19 février, les députés LREM (La République en marche), ont déposé une proposition de loi visant à transposer la directive « secret d'affaires » du 8 juin 2016. Les nouveaux articles seraient insérés dans le code de commerce aux articles L. 151-1 et nouveaux.

Quelles sont les informations sensibles protégées ?

Pour définir la notion de « secret des affaires », le texte reprend les trois critères prévus par la directive, inspirés de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). L’information relevant du secret d’affaires :

  • « n’est pas (…) généralement connue ou aisément accessible » ;
  • « revêt une valeur commerciale parce qu’elle est secrète » ;
  • fait l’objet de « mesures de protection raisonnable pour en conserver le secret » (art. L.151-1) : par exemple, « l'interdiction d’accès, d'appropriation ou de copie de l'information ».

Comme prévu par la directive, en cas d’appropriation illicite (obtention, utilisation et divulgation) d’une telle information, les entreprises pourraient engager un recours civil contre l'auteur et ainsi demander réparation du préjudice subi (articles L. 151-3 à L. 151-5). Contrairement à ce qui avait été proposé en 2014 par le groupe socialiste, aucune sanction pénale n'est ici prévue. 

Réparation intégrale et publication de la décision

Le préjudice serait « intégralement réparé, dans toutes ses composantes ». Les dommages et intérêts prendraient notamment en considération « le manque à gagner, la perte subie, le préjudice moral ainsi que les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires et les économies de recherche et développement réalisées ».

Le juge pourrait, en outre, de manière alternative et sur demande de la partie lésée, allouer une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts, sans que cette somme ne soit exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé. Il pourrait également ordonner, en complément, la publication de la décision judiciaire, « en prenant en considération les circonstances dans lesquelles l’atteinte est intervenue ».

Confidentialité de la procédure

La protection du caractère confidentiel du secret des affaires serait par ailleurs assurée au plan procédural.

Le juge pourrait donc décider que les débats et le prononcé de la décision aient lieu à huis clos, et la motivation de sa décision pourrait être adaptée « aux nécessités de la protection du secret des affaires ». Le texte créé une obligation de confidentialité à la charge de « toute personne ayant accès à une pièce dont le contenu est susceptible d’être couvert par le secret des affaires » et précise qu'elle ne s’applique pas aux personnes habilitées à assister ou représenter les parties à l’égard de celles-ci (art. L. 153-2). Les avocats pourraient donc en être exemptés.

L’ obligation prendrait fin sur décision d’une juridiction ou lorsque les informations en cause ont cessé de constituer un secret des affaires.

Protection des lanceurs d'alerte, salariés et représentants du personnel

Enfin, le texte énumère les différents cas de dérogation à la protection du secret d’affaires (article L. 151-6), dès lors qu'il s'agit d'exercer son droit à la liberté d'expression et de communication, ou de « révéler de bonne foi une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale dans le but de protéger l'intérêt public général ». Seraient donc ainsi couverts, comme prévu, les journalistes, les lanceurs d’alerte (étant expressément précisé qu'est visé l'exercice du droit d'alerte tel que défini par la loi Sapin II), les salariés et représentants du personnel qui pourraient avoir obtenu de telles informations dans le cadre de l'exercice de leurs missions.

Leslie Brassac

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