Publicité des médicaments : les règles encadrant les ventes physiques sont analogues à celles régissant le commerce en ligne

06.04.2018

Droit public

Le Conseil d'État annule la disposition réglementaire prohibant toute forme de promotion des médicaments proposés à la vente en ligne.

Le Conseil d’Etat était saisi d’un recours formé par un pharmacien d’officine contre l’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites de commerce électronique de médicaments.
 
Rejetant l’essentiel des moyens soulevés par le requérant, la Haute juridiction administrative a toutefois, par un arrêt du 4 avril 2018,  annulé la disposition réglementaire prohibant toute forme de promotion des médicaments proposés à la vente en ligne sur le site internet d’une pharmacie d’officine (CE, 4 avr. 2018, n° 407292).
 
Le Conseil d’Etat a été conduit à vérifier si les règles techniques en cause ne portaient pas atteinte au principe de la libre circulation des marchandises prévu par le TFUE et si elles n’étaient pas disproportionnées au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi par le droit dérivé, à savoir l’article 85 quater de la directive 2001/83/CE (issu de la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011), lequel laisse aux États membres un pouvoir d’appréciation pour imposer des conditions à la dispensation des médicaments offerts à la vente à distance au moyen des services de la société de l’information.
 
L’exigence d’un chiffrement des correspondances entre la pharmacie électronique et l’acheteur, l’obligation imposant au pharmacien d’avoir recours à un hébergeur agréé, la nécessité d’informer les consommateurs quant au régime de prix applicable aux médicaments vendus sur le site de l’officine et l’interdiction du référencement payant des sites de commerce en ligne dans les moteurs de recherche n’ont pas été regardées comme portant une atteinte disproportionnée à l’objectif de protection de la santé publique. En revanche, l’interdiction de toute forme de promotion des médicaments proposés à la vente en ligne a été jugée illégale.
En l’occurrence, le Conseil d’Etat a rappelé que si la législation pharmaceutique réglemente la publicité faite en faveur des médicaments, elle n’interdit pas la publicité auprès du public pour les médicaments non remboursables soumis à prescription médicale facultative (C. santé publ., art. L. 5122-6). De surcroît, parmi ces derniers, figurent les médicaments de médication officinale, inscrits sur une liste établie par le directeur de l’ANSM, et qui sont susceptibles d’être directement accessibles au public dans les officines (C. santé publ., art. R. 5121-202).
 
La Haute assemblée a considéré qu’en autorisant au public un tel accès direct à ces médicaments, le pouvoir réglementaire a entendu permettre que leur présentation puisse revêtir un aspect, pour partie, promotionnel, dans le respect des obligations déontologiques du pharmacien, qui lui interdisent notamment, toute incitation à une consommation abusive de médicaments (C. santé publ., art. R. 4235-64).
 
Dès lors, en interdisant sur le site d’une pharmacie électronique toute forme de promotion pour les médicaments proposés à la vente, dont les médicaments de médication officinale, et notamment par une mise en valeur différenciée des produits, l’arrêté ministériel a adopté à l’égard de la vente en ligne des médicaments des dispositions plus restrictives que celles existant pour la vente au comptoir de l’officine, sans justification au regard de l’objectif de protection de la santé publique.
 
Cette jurisprudence tend à faire respecter le principe suivant lequel, en France, une pharmacie électronique n’est que le prolongement dématérialisé d’une officine légalement ouverte au public, les règles encadrant les ventes physiques de médicaments devant, par conséquent, être analogues à celles régissant le commerce en ligne.
 
Elle entend également assurer un équilibre entre la dimension commerciale de la pharmacie - juridiquement le pharmacien est un commerçant (au sens de l’article L. 121-1 du code de commerce) – et les exigences d’une profession réglementée dans l’intérêt de la santé publique.
Remarque : cette décision fait suite à celle rendue par la même juridiction à propos de la légalité de l’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments (CE, 26 mars 2018, n° 407289), le Conseil d’Etat ayant estimé que le pouvoir réglementaire ne pouvait pas exiger que la préparation des commandes de médicaments liées au commerce électronique soit effectuée au sein même de l’officine, alors qu’une préparation au sein d’un lieu de stockage situé à proximité immédiate de la pharmacie ne ferait en rien obstacle au contrôle effectif de dispensation des médicaments par le pharmacien titulaire.
 
 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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